mercredi 11 février 2015

Mme Bernier!

J'ai appris ce matin que Mme Bernier est décédée! Il faut que j'en parle, parce qu'il n'y aura pas d'article sur elles dans les médias, même s'il y aurait dans sa vie - comme dans toutes les vies j'imagine - d'excellents sujets de reportage. Jeannette Bernier (née Robertson) était, avec son mari Eugène, propriétaire de l'ancien magasin général du Lac Sinclair, dans l'ex-municipalité d'East Aldfield (qui fait maintenant partie de La Pêche, en Outaouais).

 Jeannette Robertson-Bernier


Tous ceux et toutes celles qui ont vécu dans une petite localité, à une époque antérieure, savent que le magasin général devient vite le centre du petit univers qu'il dessert. Or, vers le milieu des années 1970, ayant découvert l'amour de ma vie, Ginette Lemery, je suis devenu un habitué du Lac Sinclair, où sa soeur Micheline avait un chalet et où la famille Lemery se rassemblait fréquemment. Quand nous nous sommes mariés en 1975, nous y avons passé notre lune de miel et avec l'arrivée des enfants, la petite tribu a poursuivi longtemps ses périples estivaux au «chalet de Mimi»…

Occuper nos trois fillettes pendant quelques semaines au Lac Sinclair n'était pas pas toujours facile, mais l'enthousiasme ne manquait jamais quand on leur proposait d'aller chercher des bonbons chez Mme Bernier… Et pendant que les enfants parcouraient les boîtes de friandises en vrac derrière le comptoir de ce capharnaüm où l'on trouvait de tout, du lait aux vêtements aux matériaux de construction, j'en profitais pour jaser avec Jeannette Bernier. On discutait de la météo, des chemins, du service d'Hydro-Québec, de la ville, de la campagne, du bon vieux temps, de la vie quoi…

Les enfants l'aimaient bien… et elle aimait elle aussi ces fillettes qui raffolaient de ses bonbons… Nos visites à son magasin général ont meublé les souvenirs de mes filles, qui ont conservé un attachement à ce doux épisode de leur vie. Aujourd'hui, d'ailleurs, ma fille Véronique et son conjoint Nicolas sont copropriétaires avec nous du chalet voisin de celui de Mimi, qui a transformé le sien en résidence permanente depuis près d'une vingtaine d'années. Mais le magasin général n'est plus…

Fini l'époque où l'on s'amenait «chez Bernier» et où la souriante Jeannette saluait la marmaille ou, bien plus tard, s'informait de nos filles devenues adolescentes puis jeunes adultes. Elle était un peu le carrefour de la vie communautaire de l'endroit… de la vie politique aussi. Je me souviens de l'époque où, chaque année, elle militait pour l'asphaltage de quelques kilomètres de plus du chemin de terre, poussiéreux ou boueux selon la météo, mais où la «laveuse» bardassait invariablement conducteur et passagers…

C'était une femme pieuse, avec une belle croix de chemin en face du magasin… Elle m'avait d'ailleurs offert il y a longtemps - et je l'ai conservée - une copie d'une bénédiction des archevêques de Québec (Mgr Villeneuve) et d'Ottawa, offerte en 1938 aux abonnés du Droit à l'occasion du 25e anniversaire du quotidien (où je travaillais), considéré à l'époque comme une oeuvre d'action catholique. C'était une de ses possessions précieuses.

Jeannette Robertson-Bernier était aussi une femme forte. Le couple Eugène-Jeannette étaient des pionniers à leur façon, dignes héritiers d'une tradition entreprise par les générations précédentes qui avaient défriché le coin et fondé le premier magasin général en 1907. Ils travaillaient de longues heures, et connaissaient bien leurs étagères et entrepôts, jusqu'au dernier boulon… et au dernier bonbon! Quand nos enfants étaient tout petits, les Bernier semblaient sans doute devoir être là pour l'éternité…

Mais les temps changent. Nous vieillissons tous. Les bobos, la maladie, et un jour la mort. Eugène est parti le premier, puis Mme Bernier s'est vue confinée à un fauteuil roulant. Je me souviens de nos dernières rencontres, alors qu'elle sortait se sa cuisine (derrière le comptoir) pour venir me saluer et s'informer des enfants désormais adultes… La nouvelle génération - mes petits-enfants - ne connaîtront pas Mme Bernier, ni son magasin général…

Ce matin, j'ai une pensée pour elle. Je n'ai trouvé dans mes albums (nombreux) aucune photo prise dans le magasin général avec les enfants. Dommage, je l'aurais incluse. Ses 92 années ont marqué bien des gens. Au revoir, Mme Bernier!

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