mardi 28 mai 2013

1968 et 2013 - une comparaison qui s'impose

Quelques jours après le congrès de la Convergence nationale, à Montréal, les partis indépendantistes semble semblent toujours bien loin d'un rapprochement. Je suis assez vieux pour me souvenir d'une situation semblable à la fin des années 1960. Pourquoi a-t-on réussi là, et pas maintenant? Je n'ai pas de réponse, mais je pense que cela vaut la peine de poser la question en comparant les deux époques.

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En ce début de 21e siècle, les souverainistes québécois et leurs sympathisants de toutes orientations apparaissent forts en principes, mais plutôt faibles en calculs. Plus, en tout cas, que leurs prédécesseurs des années 1960, les premiers à porter sérieusement l'option de la souveraineté-association dans l'arène électorale provinciale.

Après l'élection de 1966, et ce jusqu'à 1968, l'idée d'un Québec pays-plus-que-province faisait son chemin. La portée des succès relatifs du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN), qui avait regroupé les pionniers du mouvement depuis le début de la décennie, de Marcel Chaput à Pierre Bourgault, avait été comprise par nombre de politiciens « nationalistes » affiliés aux partis traditionnels. La présence du RIN, même si le parti n'avait récolté aucun siège, avait contribué à la défaite du gouvernement Lesage et à l'élection de l'Union nationale de Daniel Johnson.

Les 73 candidats du RIN, occupant le côté gauche de l'échiquier politique, avaient récolté près de 130 000 voix, soit 5,55% des suffrages. Et les 90 candidats du plus récemment formé Ralliement national (RN), second parti indépendantiste composé de dissidents du RIN et d'anciens créditistes, avaient quant à eux amassé près de 75 000 voix (3,2% de l'électorat). Ensemble, les deux formations avaient réussi à ravir aux vieux partis l'appui d'environ 11% des électeurs francophones.

L'année suivante, c'était De Gaulle et son « Vive le Québec libre », suivi du schisme au sein du Parti libéral avec la défection de François Aquin et René Lévesque, puis la fondation du Mouvement souveraineté-association (MSA). Il y avait donc, en 1968, trois formations indépendantistes, comme aujourd'hui, et les écarts idéologiques entre leurs dirigeants (Pierre Bourgault, René Lévesque et Gilles Grégoire) étaient au moins aussi importants, sinon plus, que ceux qui séparent aujourd'hui le Parti québécois, Québec Solidaire et Option nationale.

La fusion de 1968

À l'époque, à cause de son chef et de son orientation centre-gauche, celle qui avait caractérisé l'esprit de la Révolution tranquille, le MSA semblait rallier le plus d'appuis populaires. Le RN et le MSA ont assez rapidement décidé d'unir leurs forces, et le Parti québécois est né de leur fusion. Malgré les divergences majeures et des chefs qui s'enduraient difficilement à l'occasion, le RIN s'est ensuite sabordé au nom de l'unité du front électoral indépendantiste, permettant au Parti québécois de présenter seul l'option d'un Québec souverain aux élections de 1970.

Comment se fait-il qu'en 2013, des chefs comme Pauline Marois, Françoise David et Jean-Martin Aussant, qui ont - me semble-t-il - moins de divergences entre eux que René Lévesque, Gilles Grégoire et Pierre Bourgault en 1968, ne parviennent pas à s'entendre sur une formule qui permettrait de ne pas diviser inutilement le vote souverainiste au prochain scrutin général? De fait, non seulement n'envisage-t-on pas une fusion ou un quelconque front uni, les partis indépendantistes semblent parfois attaquer leurs «frères» souverainistes avec plus de virulence que leurs adversaires fédéralistes...

Purs et durs sur le plan de la partisanerie, mais nuls en calculs électoraux. La situation a changé depuis l'époque fébrile des années 1960 et du début des années 1970. L'élection de gouvernements successifs du Parti québécois et l'expérience de deux référendums a favorisé un durcissement du bloc d'environ 20% d'anglophones et d'anglicisés (formé d'allophones et de francophones assimilés ou en voie d'assimilation). Ce bloc s'est à toutes fins utiles retiré des grands débats constitutionnels québécois et s'est fermement ancré, yeux fermés et oreilles bouchées, dans un statu quo qui frise l'immobilisme.

Le poids mort...

Ce bloc anglo/anglicisé est devenu un boulet que l'autre 80% (formé surtout de francophones, mais incluant aussi une minorité d'anglophones francophiles et d'allophones francisés ou en voie de francisation) traîne d'élection en élection, de référendum en référendum. À chaque élection, le «boulet» s'accroche principalement au Parti libéral. Les tentatives d'autres partis, comme la CAQ, ou de formations anglophones comme le Parti égalité, n'auront que des succès mitigés à court terme. Le PLQ continuera d'amorcer chaque campagne avec un acquis de près de 20 points sur lequel il peut bâtir...

Les autres partis se disputent donc, essentiellement, 80% de l'électorat. C'est là que vit la démocratie au Québec. Les règles du jeu nous obligeront toujours à accepter la présence du «boulet» de 20% d'anti-francophones, sans vraiment pouvoir espérer d'eux une contribution positive à la protection et à la promotion d'un Québec français (même dans le cadre fédéral actuel, et encore moins dans un État autonome ou souverain). Les partis autres que le PLQ se disputent donc la faveur de 80% d'électeurs et pour prendre le pouvoir avec une majorité à l'Assemblée nationale, il faut probablement aller chercher au moins la moitié de ce 80%. Pour gagner un référendum sur l'indépendance ou sur un degré d'autonomie accru pour le Québec, il faut obtenir l'appui de près des deux tiers de ce bloc de 80% !

En septembre 2012, les votes combinés du PQ, de Québec solidaire et d'Option nationale frisaient ce seuil de 40% et sous une seule bannière, auraient donné au Parti québécois une solide majorité d'au moins 70 circonscriptions, surtout avec la forte présence de la CAQ. La division des partis «souverainistes» a presque redonné le pouvoir à Jean Charest. Tout indique qu'une élection pourrait avoir lieu en 2014, même si la CAQ ne précipitera rien avec la remontée en flèche de la marque libérale depuis l'élection de Philippe Couillard et de l'effet provincial - ou il y en a un... - de l'élection de Justin Trudeau chez les libéraux fédéraux.

L'enjeu : notre avenir

Si la tendance actuelle se maintient, c'en sera fini, à court et à moyen terme, de tout effort de renforcement du français et des pouvoirs du Québec - même à l'intérieur du Canada. De recensement en recensement, depuis les années 1960, notre masse critique s'effrite. Le PLQ est à deux doigts de transformer le Québec en province bilingue. Et la CAQ ne fera guère mieux. Pendant ce temps, ceux et celles qui ont la meilleure chance de protéger le Québec et la langue française poursuivent des affrontements qui ne peuvent que mener à leur défaite. Savent-ils que l'enjeu principal, l'avenir de notre peuple, compte plus que leurs trop souvent stériles confrontations ?






mardi 7 mai 2013

MétéoMédia et la région de Gatineau...

Je ne sais si, comme mon épouse et moi, vous syntonisez MétéoMédia en début de journée, en faisant le lit et en vous habillant... Un petit 15 ou 20 minutes à écouter le bulletin régional et les échanges entre les deux Miss Météo du matin... Toujours étonnant quand celle qui est en studio, ayant à la main tous les ordinateurs et cartes, demande à celle qui n'a rien d'autre qu'un micro, à l'extérieur, dans la rue, quelque part, d'expliquer aux auditeurs les prévisions météorologiques partout au Québec...

Enfin, ça c'est amusant, guère plus... Ce qui me dérange le plus c'est le bulletin régional, diffusé aux 10 minutes... Il suffit de le regarder une fois pour voir à quel point MétéoMédia ne connaît absolument rien à la région de Gatineau et d'Ottawa. Ce ne sont que des détails, mais ils sont irritants pour des types comme moi, et d'autres sans doute, qui suivent la météo de près.

Durant le bulletin, on indique les valeurs record, et celles de Gatineau, je ne sais pas où ils les ont dénichées mais ce doit être dans un coin reculé de l'arrière-pays plus près du cercle arctique que du sud de l'Outaouais. Pour aujourd'hui, et ce n'est qu'un exemple parce que c'est comme ça tous les jours, on indique un maximum record de 20 degrés en 1971 - ce qui n'a absolument aucun sens.

La température moyenne pour ce temps-ci de l'année oscille entre 15 et 20 degrés, et le record pour Ottawa (pour ceux qui ne le savent pas, la température au centre-ville de Gatineau est à peu près identique, la plupart du temps, à celle du centre-ville d'Ottawa - à peine un km les sépare...) est de 28,8 degrés pour un 7 mai... et on risque de le surpasser aujourd'hui. Même en Abitibi, à Val-d'Or, et jusqu'à la Baie d'Hudson, le record pour un 7 mai dépasse les 20 degrés...

D'autre part, MétéoMédia présente durant son bulletin les prévisions pour trois « points d'intérêt » différents situés dans le secteur des prévisions. Pour la nôtre, ils ont choisi la Colline du Parlement, le Parc Major et le « Byward Market » (que tous les francophones, par ici, appellent « Marché By »...). Le type qui a fait ce choix n'a de toute évidence jamais mis les pieds à Ottawa. Sinon, il saurait que du Parc Major, on peut presque jeter un caillou sur la Colline du Parlement d'un côté, et sur le Marché By de l'autre. Ces trois emplacements sont exactement au même endroit...

Enfin, à la fin du bulletin, on donne également les températures pour « Gatineau Park » et « Rockcliffe Park », au lieu de les appeler par leur nom français... Parc de la Gatineau et Parc Rockcliffe... Pire, ce matin, on a remplacé « Gatineau Park » par « Tulip Festival »... encore l'appellation anglaise... Ça existe, Festival des tulipes !

Et pour boucler la boucle, on peut aussi visionner d'autres prévisions régionales, avec petite musique de fond, présentées parce que les animateurs en studio parlent de la circulation sur les routes de Montréal...  pour le gros bloc d'auditeurs de la métropole. Le problème c'est qu'on entend leurs voix camouflées en même temps que la trame musicale...

Ça fait un peu broche à foin...







lundi 6 mai 2013

Le Tigre, les francophones et les « gars de l'Ontario »

Michel Bergeron n'est pas le seul à se plaindre de la raréfaction des joueurs de langue française à Montréal. La plupart des francophones, y compris moi, seront d'accord avec lui. Mais M. le Tigre devrait s'en tenir à ce qu'il connaît bien... et ne pas trop s'aventurer hors de la métropole, de Québec ou de la grosse pomme...

Dans Le Droit de samedi, dans sa chronique (rédigée, il est vrai, par autre que lui), après avoir affirmé qu'il ne reste que deux francophones au sein de l'équipe des Canadiens de Montréal - David Desharnais et Francis Bouillon - il poursuit en déclarant qu'on retrouve un seul francophone chez les Sénateurs d'Ottawa - Guillaume Latendresse.

Ce matin, après le spectaculaire tour du chapeau d'hier soir, M. Bergeron doit bien se demander comment il a fait pour oublier la présence du Gatinois Jean-Gabriel Pageau, qui se donnait tout à coup des airs de Guy Lafleur. Et comme si cette omission n'était pas en soi une faute suffisamment grave pour un expert de la trempe du Tigre, il est allé ajouter, sans doute pour les écarter de la liste des francophones : « Marc Méthot et André Benoit sont deux gars de l'Ontario. »

Je ne sais pas à quel point Marc Méthot et André Benoit sont « francophones » dans leur vie quotidienne de hockey. De fait, combien de joueurs, même québécois, le sont-ils ? Ce que je sais c'est que Marc Méthot a été identifié comme franco-ontarien par le vétéran chroniqueur Marc Brassard (du Droit) et qu'André Benoit est originaire de Saint-Albert, un village de l'Est ontarien où les Anglais sont aussi rares que la marde de pape...

Il faudrait peut-être informer M. Tigre que le simple fait d'être Ontarien ne signifie pas automatiquement que l'on ne soit pas francophone, et que, même, près d'un million d'Ontariens anglophones connaissent le français... du moins d'après le recensement de 2011...


dimanche 5 mai 2013

Si c'étaient des étudiants anglo-québécois...

Si les étudiants collégiaux et universitaires anglo-québécois étaient présentement réunis en assemblée générale à Montréal pour parler du statut de l'anglais et des services en anglais au Québec, la horde médiatique - anglophone et francophone - déferlerait sur leurs assises !

Mais voilà, ce sont les délégués du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) qui sont en assises annuelles à Toronto pour discuter, entre autres, du projet de créer une université de langue française en Ontario et des moyens d'assurer la survie et l'essor du français au postsecondaire... Alors là, bien sûr, c'est l'indifférence médiatique presque totale...

Cela ne surprend guère de ne pas y voir les médias de langue anglaise... J'ai souvent l'impression qu'ils ne s'intéressent à nous que pour assouvir leur perception erronée d'une nation de bébés gâtés qui en demande toujours plus ou, pire, quand il s'agit du Québec, de racistes toujours prêts à s'en prendre aux pauvres Anglo-Québécois démunis... L'histoire de ce pays réfute toutes leurs perceptions mais ils n'ont que faire de la vraie réalité...

Cela fait mal, cependant, de constater la relative indifférence des médias de langue française... et en particulier ceux du Québec. Les rencontres étudiantes franco-ontariennes sont rarement des affaires flamboyantes. Ce n'est pas pas le « style » d'une minorité à qui l'on imposé, depuis plus de 100 ans, de quêter des miettes et surtout de s'abstenir de trop brasser la cage... Demander peu, et en douceur... parce que si les Anglais se choquent, ce sera pire...

Il y a eu une seule exception majeure depuis le règlement 17, en 1912, et c'est l'affaire Montfort où des milliers de Franco-Ontariens, appuyés cette fois par une forte présence médiatique, ont monté aux barricades et signé une importante victoire politique et judiciaire. Or, dans cet environnement où il faut presque toujours dire les choses sans les dire vraiment pour ménager les susceptibilités, et où il est de bon aloi de gonfler les statistiques favorables pour se convaincre que tout va bien, le RÉFO est une bouffée d'air frais.

Il y a là un noyau de jeunes qui semblent prêts à monter au front pour réclamer ce que les Anglo-Québécois ont en abondance depuis la Confédération : une université bien à eux, ouverte à toute la francophonie canadienne et internationale. Et ils ne cherchent pas à escamoter l'urgence de la situation, « Les statistiques sont alarmantes. L'assimilation est un enjeu auquel on fait réellement face », lançait vendredi Geneviève Latour, coprésidente du RÉFO juste avant l'ouverture des assises annuelles de l'organisation.

Dans un petit reportage de Radio-Canada, un des rares à parler du congrès, le journaliste s'est donné la peine d'interviewer la ministre ontarienne Madeleine Meilleur, qui a confirmé les craintes des sceptiques et sapé l'optimisme de ceux qui avaient cru voir un changement important de cap dans le présent gouvernement ontarien. L'université franco-onarienne, a-t-elle dit, « c'est pas une priorité pour moi pour l'Instant. Pour moi, c'est d'augmenter la disponibilité des cours pour les francophones dans le centre et le sud-ouest ontarien (Toronto et le sud-ouest). »

Voilà. Le ballon, déjà trop petit, se dégonfle à vue d'oeil. Alors que plus de la moitié des Franco-Ontariens qui poursuivent des études universitaires dans des institutions bilingues le font à l'Université d'Ottawa et que plus de 20% des étudiants francophones à l'Université Laurentienne, à Sudbury, sont inscrits à des programmes en anglais alors que ceux-ci sont disponibles en français... la ministre n'a comme priorité que la « disponibilité » de programmes en français dans le sud de la province... Retour à la réalité 101...

Pour le RÉFO, la route risque d'être longue et ardue. Sans le poids du nombre, sans un fort niveau de mobilisation, dans un climat d'indifférence médiatique, le défi est formidable. Mais pas impossible. Il suffit parfois d'une poignée d'irréductibles pour ébranler les puissances en place. La cause est juste et noble. Il ne faut surtout pas lâcher !