À un moment, jeudi soir, pendant le débat en anglais des chefs de partis pan-canadiens, j'ai cru voir en Justin le vieux Pierre Elliott à son plus tranchant, à son plus «polarisant» au risque d'employer ce mot dans son sens anglais…
Le chef libéral avait détourné l'échange sur la démocratie pour attaquer la position référendaire de Thomas Mulcair, et plus particulièrement l'acceptation par le NPD du principe du seuil décisionnel de «50% + 1».
Le chef néo-démocrate a saisi la balle au bond et tenté d'asséner le coup de grâce - comme Mulroney à Turner en 1984 - en le mettant au défi: «Quel est votre chiffre?», lui lança-t-il à deux reprises. «Vous ne répondez pas», insista-t-il par deux fois. Et un dernier crochet: «Donnez-nous un chiffre»! Il salivait sans doute en croyant être sur le point de knock-outer l'adversaire...
Et tout à coup, c'est comme si l'esprit de Pierre Elliott était là. La réplique n'avait rien du regard coupable de John Turner, jadis. Elle était vive, cinglante: «Je vais vous en donner un chiffre. Neuf. Mon chiffre, c'est neuf. Neuf juges de la Cour suprême ont dit qu'un seul vote ne suffisait pas pour briser ce pays, et c'est pourtant la position de M. Mulcair. Il veut être premier ministre de ce pays, et il choisit de se ranger du côté du mouvement séparatiste et pas avec la Cour suprême.»
Et vlan! Le matin même, avant le débat, Justin Trudeau avait enfilé ses gants de boxe et s'était réchauffé dans le ring. Le message était clair et jeudi soir, il a démontré - pour un instant - qu'il pouvait aussi être pugiliste verbal. Il avait appris d'un grand maître. J'ai couvert la crise d'octobre du début à la fin en 1970, comme journaliste à la Tribune de la presse parlementaire, et j'ai eu l'occasion de voir son père à l'oeuvre de très, très près.
On se souviendra de son interview avec le reporter Tim Ralfe, de la CBC, qui tentait de le pousser dans ses derniers retranchements. Jusqu'où M. Trudeau était-il prêt à aller pour combattre la menace posée par l'action felquiste? «Just watch me», répondit-il, trois jours avant les mesures de guerre, ajoutant que «seuls les coeurs saignants aux genoux faibles avaient peur de telles mesures». Et le 16 octobre, l'armée entrait au Québec…
Il n'y a pas beaucoup de similitudes entre la crise d'octobre et le débat des chefs de 2015, autre que l'on parle du même grand thème du statut du Québec, mais l'attitude du père et du fils se ressemblent. J'ai toujours eu l'impression que Trudeau père avait plus de mépris pour les fédéralistes jugés trop mous (comme Robert Bourassa et Claude Ryan) que pour les chefs indépendantistes. Comme Justin, jeudi soir, dans son attaque aussi imprévue qu'excessive contre le NPD.
Le message du chef libéral était clair. On marque des points en polarisant. Si on n'adopte pas la ligne la plus dure, si on propose le moindre compromis, en acceptant par exemple un texte comme la Déclaration de Sherbrooke au NPD, alors on n'est plus un allié. On est «du côté des séparatistes» et tous les coups sont permis.
Remarquez que cette tendance à accentuer les divisions existe aussi chez les conservateurs depuis l'accession de Stephen Harper comme chef puis comme premier ministre. Il n'a pas le style oratoire fendant de Pierre Elliott (et, sait-on jamais, de son fils Justin) mais ses politiques disent tout. Depuis près de 10 ans, il a aiguisé le conservatisme à l'excès, et a réduit à néant l'influence des Red Tories, qui furent jadis le coeur de l'ancien Parti progressiste-conservateur.
Pour Stephen Harper, les Joe Clark et Robert Stanfield, ce sont un peu comme les Bourassa et Ryan de Pierre Elliott Trudeau. Des coeurs saignants aux genoux faibles qu'on ne veut pas à ses côtés dans des combats sans compromis…
La morale de cette histoire? Aucune idée. Une chose est sûre. Tout le monde réévaluera le jeune Trudeau à la lumière du débat de jeudi, Thomas Mulcair en tête. Si le chef libéral a décidé de jouer définitivement la carte de la polarisation (comme M. Harper), ça risque d'être laid de temps en temps…
Ce jeu est toutefois risqué. L'objectif de Justin Trudeau est bien sûr d'amasser plus de votes au Canada anglais, mais l'effet peut être fort différent au sein de l'électorat québécois. On rétorquera qu'à l'époque de Trudeau père, le mouvement indépendantiste était en plaine ascension, dirigé par des chefs charismatiques comme René Lévesque et Pierre Bourgault, et qu'il constituait donc une menace plus immédiate. Et que l'électorat était plus volatile.
Présentement, les souverainistes sont divisés, sérieusement divisés, traînent dans les sondages, et sortent d'une série d'échecs électoraux et référendaires. Les chefs fédéraux semblent unanimes à croire que le Québec a définitivement tourné le dos au projet d'indépendance. Ils estiment donc pouvoir fanfaronner à leur guise, sans trop craindre un électorat québécois fatigué et dégriffé…
Mais attention… C'est parfois quand la bête est blessée qu'elle devient la plus dangereuse. Le Bloc décimé a élu un pur et dur, Mario Beaulieu, pour refaire sa base, et Gilles Duceppe est de retour pour un ultime affrontement… Et le Parti Québécois a choisi comme chef celui qui n'a pas craint de brandir le poing et de remettre l'indépendance à l'avant-scène du débat.
La campagne sera longue.
Une conclusion? Si j'étais politicien, j'aimerais mieux être détesté que méprisé…
Trudeau et Harper ont profité de l'ouverture de Mulcair pour le qualifier de "séparatiste!".. Le pire des noms à avoir dans le ROC!
RépondreSupprimerFalardeau était un ami de PKP!
"Si tu te couches, ils vont te piler dessus. Si tu restes debout et tu résistes, ils vont te haïr mais ils vont t'appeler 'monsieur' " -Pierre Falardeau
https://www.facebook.com/#!/photo.php?fbid=10151462815333720&set=a.10150844278353720.413888.24867583719&type=1&theater
"Vos adversaires vous haïssent ? Bien. Ça veut dire que vous vous tenez réellement debout pour quelque chose !"
- Winston Churchill
Ce médecin conclu que l’hostilité de Trudeau contre la nation Québécoise s'expliquerait par son conflit œdipien et des identifications familiales Mulcair aurait la même maladie mentale !
RépondreSupprimer"Le vrai visage de Pierre Elliot Trudeau"
http://lesintouchables.com/livre-576-Le-vrai-visage-de-Pierre-Elliott-Trudeau.php
Voir l'essai à la fois psychanalytique, anthropologique et politique au sujet de ce dernier: "Le vrai visage de Pierre Elliot Trudeau" par François-Xavier Simard, éd. Les Intouchables, 2006. ISBN : 2-89549-217-4.
Ce médecin conclu que l’hostilité de Trudeau contre la nation Québécoise s'expliquerait par son conflit œdipien et des identifications familiales.