jeudi 13 août 2015
Enjeux linguistiques: prudence ou lâcheté?
À chaque fois que le mouvement indépendantiste au Québec reprend du galon dans l'opinion publique, quelque porte-parole fédéral ne manque jamais sa chance de nous rappeler l'importance du fait français et du bilinguisme au Canada, sans oublier l'apport essentiel du Québec comme foyer principal de la francophonie canadienne et, bien sûr, la présence vitale de minorités francophones dans toutes les provinces à majorité anglaise.
Alors comment se fait-il que ces thèmes, apparemment fondamentaux pour justifier la survie de la Confédération, disparaissent des radars des grands partis politiques en période électorale? Sont-ils moins pertinents? Moins intéressants? Pas du tout. On fera tout pour éviter de parler des enjeux linguistiques parce qu'ils n'ont aucune rentabilité électorale… Entre une opinion publique francophone amorphe et l'indifférence teintée d'hostilité des Anglo-Canadiens, on s'imposera un silence prudent…
On reproche déjà à Thomas Mulcair les nuances qu'il apporte à son discours sur Énergie Est selon qu'il se pavane au Québec ou en Alberta… Alors pensez-vous que le chef du NPD, ou Justin Trudeau, ou pire, Stephen Harper, vont se promener de Rimouski à Saskatoon à Halifax pour promettre de renforcer la Loi sur les langues officielles, pour garantir aux fonctionnaires fédéraux francophones le droit de travailler dans leur langue, pour augmenter les fonds destinés à la promotion du français hors-Québec?
De leur point de vue ce serait suicidaire, compte tenu qu'une proportion appréciable de l'opinion anglo-canadienne trouve déjà que le Québec et la francophonie sont trop bien servis, et que cette importante frange hostile n'a pas de contrepartie organisée, ni au sein de l'opinion anglo-canadienne francophile, ni au sein des collectivités canadiennes-françaises et acadiennes, trop dispersées et usées par les combats de l'existence pour forger des forces de frappe efficaces sur l'échiquier électoral fédéral.
Les cris du coeur récents de Marie-France Kenny, ancienne présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne, resteront… des cris du coeur. Et pourtant, elle avait des choses importantes à dire au gouvernement fédéral: «La Loi sur les langues officielles est l'un des garde-fous de la langue française au Canada, affirmait-elle. Mais c'est la loi la moins bien appliquée au pays, et ça fait 45 ans que c'est comme ça.»
Pas une des lois piétinées parmi d'autres, mais la plus piétinée! Il y a quelques jours, au début de la campagne électorale, la FCFA a demandé «que le prochain gouvernement s'engage à ne jamais plus tolérer rien de moins que l'excellence en matière de respect de la Loi sur les langues officielles». A-t-on entendu une réponse quelconque? Non… Ciel, sauf pour Radio-Canada, les médias - y compris ceux du Québec - n'en ont à peu près pas parlé… comme d'habitude. Les francophones hors-Québec resteront encore et toujours les laissés-pour-compte de cette campagne…
Dans un contexte où la francophonie québécoise reste fragile et où nos avants-postes hors-Québec risquent de succomber les uns après les autres, l'administration fédérale demeure une partie du problème, et non de la solution. On n'a qu'à lire les rapports successifs des commissaires aux langues officielles. Au Québec, Ottawa refuse de soumettre les entreprises sous sa juridiction aux exigences de la Loi 101, et les milieux de travail de la Fonction publique fédérale demeurent partout (et surtout dans la région d'Ottawa-Gatineau) un gigantesque instrument d'assimilation pour le grande majorité des fonctionnaires de langue française.
Sans oublier les interminables contestations devant les tribunaux pour obtenir une application juste des droits scolaires garantis par l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, les consultations bidon entourant le renouvellement de la Feuille de route fédérale sur la dualité linguistique, et les plaintes constantes de francophones incapables d'obtenir des services en langue française dans des établissements fédéraux...
Quand le Bloc était politiquement aux commandes du vaisseau québécois à Ottawa, on pouvait compter sur l'appui constant des troupes de Gilles Duceppe en matière de francophonie. Au sein du NPD, il restait bien sûr la voix d'Yvon Godin, forte et droite. Mais le guerrier acadien est parti, comme le Bloc depuis 2011, et les braises de leurs combats refroidissent à vue d'oeil.
En matière de francophonie, québécoise et canadienne, il y a trop de lâcheté… Et les médias, qui devraient être nos chiens de garde, ne font pas - ou mal - leur boulot…
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