vendredi 8 août 2014

SOS...


Hisser un drapeau à l'envers est reconnu comme un signal de détresse. Ce matin, j'ai inversé mon fleurdelisé. Pour une journée seulement. Chacun a droit à sa journée de détresse une fois l'an…
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Certains jours, je crains que notre trajet comme peuple, comme nation, ne tire à sa fin. Jadis une présence active un peu partout en Amérique du Nord, nous en sommes réduits aujourd'hui à défendre, tant bien que mal, notre «brave petit village encerclé». Depuis des siècles, nous avons été conquis, soumis, dominés, et semblons avoir raté nos chances de prendre place au sein du concert des nations. La langue française a été notre seul rempart solide, et voilà que notre demi-État est aux mains d'un parti qui veut que tous les Québécois apprennent l'anglais…

Les recensements successifs, depuis un siècle, brossent un tableau cru de nos reculs, de l'effet des persécutions linguistiques hors-Québec, d'un effritement qui se fait sentir désormais jusque dans la métropole et en Outaouais. Le plurilinguisme volontaire est enrichissant mais le bilinguisme tel qu'on nous l'impose gruge l'identité culturelle et précède l'assimilation à l'anglais. La jeune génération, en particulier, semble davantage perméable aux assauts d'un franglais plus agressif qu'autrefois, surmultiplié par les nouvelles technologies…

Ce qui nous rend unique, intéressant, utile, c'est notre culture originale, issue de la vieille France et enrichie des multiples apports du vécu nord-américain. Elle a donné de brillantes oeuvres littéraires, une richesse musicale incontestée, et une abondance d'écrits qui témoignent en français de notre présence ici comme peuple. Mais cela s'arrêtera net si des générations peuplées de bilingues en voie d'anglicisation finissent par nous succéder. L'Amérique du Nord regorge déjà d'exemples probants… en Louisiane et ailleurs au pays.

L'anglais intensif mur à mur en sixième année n'est que la pointe de l'iceberg. À écouter plusieurs de nos dirigeants politiques, il faudrait presque arrêter d'enseigner l'histoire, de peur que les jeunes en tirent quelque enseignement «dangereux»… Et pendant ce temps, à Ottawa, le gouvernement conservateur réécrit l'histoire à son image royaliste et militariste… Nous finirons par avoir un «peuple» qui connaît mal ou pas son passé, plus ou moins bilingue, qui lira moins, qui écrira moins… un terreau fertile pour ceux qui n'ont que faire de la démocratie…

Face à la puissance de gouvernements aveuglés ou aveuglants, il ne reste que les médias et la rue en attendant les élections. Parlons-en des médias. À l'exception du Devoir et de quelques chroniqueurs ou blogueurs dans d'autres quotidiens, le rouleau compresseur est en marche contre tout ce qui voudrait renforcer le dynamisme politique et culturel d'un Québec français. Un bon jour, il faudra qu'on enquête sur le rôle joué par les grands médias dans diverses situations de crise identitaire au Québec. Pour le moment, suffit de dire que les plumes éditoriales sont souvent trop dociles et les salles de rédaction silencieuses… Il ne reste que les médias sociaux, anarchiques et fragmentés… Et la rue? N'y pensons pas...

Au moment où le Québec pourrait faire entendre sa voix - notre voix - dans les grands débats mondiaux  sur l'environnement, sur le Moyen-Orient, sur les conflits en Afrique et en Ukraine, sur les grands enjeux de la francophonie et bien d'autres, une voix qui n'est surtout pas celle du gouvernement Harper,  nous déclinons et risquons de nous désagréger comme peuple. Le poète Paul Chamberland aura-t-il eu raison, finalement, quand il écrivait dans L'afficheur hurle il y a 50 ans (en 1964) : «Nous n'aurons été qu'une page blanche de l'histoire», «un peuple jamais né, une histoire à dormir debout, un conte qui finit par le début»… 

Ce matin, je vois mal la lumière au bout du tunnel. Mais ça, c'est l'affaire d'un matin. Les humeurs, les perceptions, c'est un peu comme la météo… Les nuages s'amoncellent, le ciel s'obscurcit, le tonnerre gronde au loin, l'orage éclate… puis le beau temps revient. Demain je repasse en mode résistance!







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