«Ah non… encore parler de constitution… C'est plate… personne s'intéresse à ça… et pis j'haïs la politique…» Depuis un demi-siècle, à travers 17 élections fédérales, 15 élections provinciales, trois référendums et Dieu sait combien de crises fédérales-provinciales, il doit sembler à plusieurs que tout a été dit… À la simple mention d'un repas constitutionnel de plus, c'est la nausée…
Et pourtant… S'il y avait moins d'éteignoirs dans la classe politique et dans les grands empires médiatiques, la table pourrait être mise pour un excellent dialogue sur les différents moyens de s'assurer que la constitution canadienne reflète les aspirations des collectivités et nations qui partagent le territoire de la fédération. Entre le noble mais improbable projet d'indépendance du Québec et l'inertie du statu quo, il existe une gamme de compromis que seul un manque d'imagination chronique continue de voiler.
Évidemment, on objectera à juste titre que les Anglo-Canadiens forment une forte majorité de plus de 70% et que dans leur esprit, le Québec et les francophones sont déjà gâtés. À ce stade, pour la plupart d'entre eux, un compromis de plus serait un compromis de trop. Et comme l'imminente menace d'une sécession du Québec, le seul pétard qui risquerait de les faire bouger, n'est plus sur le radar, pourquoi s'essayer? Question pertinente, mais il nous reste une arme que même les fédéralistes peuvent utiliser…
Nous avons eu tendance à associer le mot «référendum» aux propositions souverainistes de 1980 et de 1995, mais l'outil référendaire a aussi servi en 1992 (Accord de Charlottetown) lors d'une tentative infructueuse d'un renouvellement du fédéralisme. En 1998, dans son avis sur la sécession du Québec, la Cour suprême a déclaré que le «oui» d'une majorité «claire» à une question «claire» obligerait le reste du pays à s'assoir avec le Québec et à négocier! Mais qui dit qu'au Québec, une question «claire» ne peut porter que sur l'indépendance? Pourquoi pas sur moins que l'indépendance? La règle édictée par la Cour suprême demeurerait la même...
Peut-être un jour réussira-t-on a bâtir un pays à notre image, mais en attendant des tas de choses sont possibles sans faire éclater le cadre fédéral. Le grand défaut des fédéralistes, tel que je le perçois, c'est de ne pas connaître grand chose au fédéralisme et de rester des acteurs plutôt neutres au sein d'une dynamique canadienne qui, sous l'impulsion d'une majorité anglophone de plus en plus intégrée, évolue vers une centralisation bientôt irréversible. Pour assurer au Québec tout au moins la reconnaissance constitutionnelle de sa «nation ou société distincte», rien n'empêche un parti fédéraliste comme le PLQ ou la CAQ de solliciter un mandat référendaire…
Bien sûr, un référendum coûte cher mais il serait possible de minimiser les coûts en faisant coïncider la ou les questions référendaires avec la prochaine élection générale de 2018. Un bulletin de vote de plus, c'est tout. Et si Stéphane Dion et Bernard Drainville peuvent sembler s'entendre sur une éventuelle question à l'écossaise, il y a sûrement moyen de trouver un terrain commun à l'Assemblée nationale délimitant un seuil minimum de réintégration du Québec dans la famille constitutionnelle canadienne (sans pour autant renoncer au droit à l'autodétermination, déjà reconnu par la Cour suprême). Avec un mandat de 65 ou 70% ou plus d'appuis au sein de la population, le Québec serait en mesure d'obliger Ottawa et les provinces de négocier une nouvelle entente.
Cependant, si tous, toutes s'y mettaient, on pourrait faire bien mieux que le contenu de l'Accord du Lac Meech… Avec un peu d'imagination et un bon remue-méninges, un ensemble cohérent de demandes susceptibles d'affirmer le caractère politique, culturel, juridique et national distinct du Québec pourrait être mis sur la table, laissant du même coup les autres provinces libres de centraliser à Ottawa certaines de leurs responsabilités provinciales si elles le désirent…
Voici quelques exemples d'éléments pouvant être inclus dans un projet constitutionnel québécois sans pour autant remettre en question le caractère fédéral du lien avec le reste du pays :
1. La reconnaissance du Québec comme État-province laïc à caractère républicain. Tous les partis peuvent s'entendre sur la laïcité, du moins en principe, et aucun parti du Québec n'est en amour avec la monarchie britannique. La constitution québécoise pourrait affirmer la souveraineté du peuple (plutôt que celle d'un monarque), le lieutenant-gouverneur (désormais nommé par l'Assemblée nationale) devenant un chef symbolique qui émane du peuple et non d'un roi ou d'une reine héréditaire.
2. L'extension des pouvoirs du Québec sur le plan de la politique extérieure, dans les domaines de sa compétence. En Belgique, la constitution fédérale accorde aux communautés wallonne et flamande le droit de négocier des traités internationaux séparément… Dans le domaine sportif, le Québec pourrait avoir ses propres équipes à l'étranger (comme l'Écosse, le pays de Galles, Hong Kong et d'autres). Deux anciennes républiques de la fédération de l'ex-URSS avaient même leur siège à l'ONU.
3. La reconnaissance d'une Loi 101 renforcée, qui s'appliquerait même aux entreprises sous juridiction fédérale et à la fonction publique fédérale au Québec. Si le reste du Canada est prêt enfin à reconnaître que seule la langue française est menacée au pays et qu'elle doit être protégée, cela devrait être possible. Dans le même esprit, on pourrait ajouter dans la Constitution, hors-Québec, des zones unilingues françaises en Acadie et dans quelques coins de l'Ontario, en plus de zones bilingues protégées là ou le nombre le justifie.
4. L'interdiction à Ottawa d'utiliser son pouvoir de dépenser pour violer les champs de compétence du Québec.
Après la déroute du Bloc en 2011 et la défaite du PQ en avril 2014, la balle est clairement dans le camp fédéraliste. Si Philippe Couillard et François Legault ne la saisissent pas au bond, vous pouvez être assuré qu'Ottawa (sous Harper, Trudeau ou Mulcair peu importe) continuera à gruger l'autorité du Québec et des autres provinces (avec l'assentiment de ces dernières cependant) dans un cadre constitutionnel d'exclusion et d'arbitraire. On le voit d'ailleurs, ces jours-ci, avec une nouvelle intrusion dans le domaine provincial des valeurs mobilières.
Mais rien n'est de bon augure ces jours-ci. Le PLQ n'a aucun appétit constitutionnel et semble même disposé à renoncer à l'objectif d'un Québec français… Pendant ce temps, en face, Québec Solidaire sabote le Parti québécois (qui ne fait rien pour s'aider) d'élection en élection… et le public, à l'exception de quelques minorités bruyantes, semble nettement amorphe… Misère…
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