Dans deux textes récents, l'un dans Le Droit, l'autre dans Le Devoir, on cite la professeure Linda Cardinal, de l'Université d'Ottawa, selon laquelle les francophones représentent «presque 20%» de la population de la capitale. Dans deux autres articles du Droit, les auteurs avancent le chiffre de 150 000 francophones à Ottawa. D'où provient cette information? J'ai beau chercher...
Selon le recensement de 2011, dont les données linguistiques ont été publiées en octobre 2012, il y a à Ottawa 123 925 personnes de langue maternelle française. Quand on considère que la population totale est de 872 450, cela fait une proportion de 14,2%. Quand les médias et les professeurs se servent du mot «francophones», utilisent-ils comme référence les personnes «de langue maternelle française»? Il y en a, moi inclus, qui considèrent la langue d'usage (la langue la plus souvent parlée à la maison) comme meilleur indice du nombre de «francophones». Et, à Ottawa, le recensement de 2011 fait état de 86 025 personnes dont la langue d'usage est le français, soit 9,9% de la population.
Certains ont parfois recours aux statistiques du recensement sur la connaissance des langues officielles. Si, pour Ottawa, on additionne les personnes qui ne connaissent que le français (12 915) et celles qui connaissent l'anglais et le français (324 690), on arrive à un total de 337 605 personnes (38,8% de la population d'Ottawa) qui sont en mesure de comprendre et de s'exprimer en français. Ce total inclut donc les anglophones et les allophones bilingues ou plurilingues, qu'on peut difficilement, sur le plan identitaire, compter comme francophones.
Alors qui sont les francophones, et combien sont-ils dans la capitale? Les personnes de langue maternelle française (première langue apprise et encore comprise) ou celles qui parlent principalement le français à la maison, ou autre chose? Une combinaison des deux, peut-être un peu plus que la proportion de 9,9% (langue d'usage) mais moins que les 14,2% de langue maternelle? Pas sûr, mais il n'y en a pas 150 000, et d'aucune façon on s'approche de 20%…
Et n'oubliez pas que chaque recensement est une photo de la population à une date précise. Ces proportions sont en baisse constante depuis plus d'un demi-siècle. Selon le critère de la langue maternelle, les «francophones» représentaient 22,9% de la population d'Ottawa-Carleton (territoire correspondant plus ou moins à celui de la grande vole fusionnée actuelle) en 1961, et 20,7% en 1971. Les taux d'assimilation oscillaient autour de 17% en 1971, mais dépassent le seuil des 30% en 2011. Il faut prévoir de nouvelles baisses en 2016…
Il ne manque pas d'arguments pour faire la promotion d'un statut bilingue dans la capitale d'un pays officiellement bilingue. Utiliser des chiffres gonflés à l'appui de la thèse ne servira à rien, et risque de la discréditer. Le maire Watson lui-même déclarait récemment que le débat sur un éventuel statut bilingue de la capitale était entretenu par les médias et que la question «importe peu pour la grande majorité de la population ottavienne, y compris les francophones. La plupart, probablement 99% des questions sont des médias, pas de la population francophone. (…) Cette année, j'ai visité près de 20 000 maisons dans tous les coins. Aucune personne ne pose la question è savoir si je suis en faveur du bilinguisme officiel.»
Je n'ai pas vu de réponse à cette objection du maire, ni de tollé au sein de la population. Quand le gouvernement Harris avait voulu fermer l'hôpital Montfort en 1997, il y avait 10 000 personnes au centre municipal et une ferveur palpable dans la rue. Le maire Watson, qui est loin d'avoir brillé dans ce dossier, ne voit rien d'une telle ferveur. Moi non plus, malheureusement. J'espère me tromper, mais dans l'état actuel des choses, je vois peu d'indices hors-médias, hors-université, hors-quelques-organisations, d'une mobilisation populaire francophone autour de cet enjeu.
Au cours des prochaines semaines et des prochains mois, plus que l'appui des médias, les promoteurs d'un statut bilingue officiel pour Ottawa ont besoin d'un soutien populaire visible. Ils doivent montrer qu'ils ne sont pas déconnectés de leur collectivité. Si même une petite fraction des 14,2% de gens de langue maternelle française se faisait entendre, le maire Watson ferait moins la fanfaron et réévaluerait ses positions. Mais pour le moment, c'est presque le calme plat…
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Lien à mon texte de blogue précédent sur le bilinguisme à Ottawa: http://bit.ly/1s792sq. Et en voici un extrait:
Au cours des prochaines semaines et des prochains mois, plus que l'appui des médias, les promoteurs d'un statut bilingue officiel pour Ottawa ont besoin d'un soutien populaire visible. Ils doivent montrer qu'ils ne sont pas déconnectés de leur collectivité. Si même une petite fraction des 14,2% de gens de langue maternelle française se faisait entendre, le maire Watson ferait moins la fanfaron et réévaluerait ses positions. Mais pour le moment, c'est presque le calme plat…
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Lien à mon texte de blogue précédent sur le bilinguisme à Ottawa: http://bit.ly/1s792sq. Et en voici un extrait:
«Qu'Ottawa ne soit pas officiellement bilingue s'explique peut-être par le contexte dans lequel la ville a évolué et notamment, par l'hostilité historique des anglophones à l'endroit des Canadiens français. Mais avouons-le: que la capitale d'un pays bilingue ne soit pas elle-même officiellement bilingue est difficile à justifier. Et pour que cet état de fait persiste ici en 2014, il doit y avoir de la mauvaise foi quelque part…»
Bonjour Pierre,
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec toi que les personnes qui utilisent des chiffres et des pourcentages doivent indiquer leurs sources. À cet égard, j'attire ton attention sur l'article La représentation politique des francophones d’Ottawa : la situation des élus francophones
au conseil municipal, 2000-2010 par Linda Cardinal et Anne Mévellec, publié dans la revue Francophonies d’Amérique, no 34 (automne 2012), p. 81-103, et disponible également au lien http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=5610. Il y a là des statistiques intéressantes, entre autre au niveau des quartiers de la ville d'Ottawa, selon la langue d'usage.
Je vais t'envoyer par courriel de l'information sur quelques initiatives en cours pour inciter nos gens à passer à l'action.
Bonne journée!
Gérard Lévesque
Merci de l'info!
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