Regards sur l'histoire
C'était en 1912.
La langue, gardienne de la foi, des traditions, de la nationalité
« La langue française a gardé la foi, elle a gardé les traditions du Canada français. Est-il besoin d'ajouter qu'elle a gardé également notre nationalité? Eh! qu'est-ce donc que la nationalité, si ce n'est pas les traditions nationales, si ce n'est pas la langue nationale elle-même? Tous ces éléments constitutifs, nous les possédons. Nous les possédons depuis trois siècles. Nous les possédons encore, un siècle et demi après la rupture du lien politique qui nous unissait à la vieille mère patrie de qui nous les tenons. Ils ont encore survécu au cataclysme où notre ancien régime s'est effondré. Ils ont survécu à la domination de la France sur les vastes territoires conquis jadis à son drapeau par nos explorateurs, nos soldats, nos pionniers et nos apôtres. Ils ont résisté à la persécution comme à la séduction. Loin de décroître, ils se sont développés, ils se sont fortifiés, ils manifestent incessamment sous nos yeux leur énergie puissante.
« On a quelquefois discuté, dans nos assemblées parlementaires, de la question suivante : le Canada est-il une nation? Messieurs, ce n'est pas ici le lieu ni le moment d'aborder ce problème, qui peut avoir plusieurs solutions différentes, suivant le point de vue auquel on se place. Ce Congrès n'est pas constitué en autorité pour trancher un semblable débat. Mais s'il ne nous appartient pas de décider que le Canada est une nation, au sens politique et diplomatique du mot*, parlant pour nous, et nous limitant à la constatation d'un fait historique et social, nous avons bien le droit de proclamer que les Canadiens français sont une nationalité. Oui, sur cette terre d'Amérique, où toutes les races humaines semblent s'être donné rendez-vous, nous occupons une place à part. Nos origines, disons-le avec une légitime fierté, sont d'une illustration sans rivale. Nous avons un passé, nous avons des souvenirs, nous avons une histoire, nous avons une physionomie, nous avons un nom, et tout cela constitue une personnalité nationale, qui, plus que jamais, a fixé l'intérêt intense de l'Amérique du Nord.
« Cette personnalité, quelle en est, avant tout, la marque distinctive? N'est-ce pas la langue? Oui, la langue, la chère et noble langue française est le signe national dont nous sommes marqués. »
Thomas Chapais (1858-1946), historien, journaliste et ancien ministre dans les gouvernements conservateurs de Taillon et Flynn à Québec.
Extrait de sa présentation devant le
Premier Congrès de la langue française au Canada, en 1912.
Imprimerie de l'Action Sociale Limitée, Québec, 1913.
* Le Canada était toujours une colonie britannique en 1912.
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