lundi 29 août 2016

L'une des pires du monde occidental?

Un texte du quotidien Le Droit du 2 juin 2016

Le vendredi 26 août, les médias faisaient état du rapport dévastateur d'un coroner sur l'urgence de l'hôpital de Gatineau (qui n'est guère différente de celle de l'hôpital du secteur voisin, Hull)… Pour les délais d'attente, notre urgence - je demeure dans ce secteur - serait «l'une des pires du monde occidental»! J'inclus ici un lien au texte du quotidien Le Droitbit.ly/2bSDAfx.

Il n'y a pas de quoi rire... À deux ou trois kilomètres de chez moi, j'ai un hôpital dont l'urgence ultra moderne, selon toute apparence, risque d'achever les patients en les abandonnant trop longtemps sans soins sur une civière… Enfin, est-ce aussi dramatique que l'affirme le coroner Pierre Bourassa? Peut-être, peut-être pas… J'imagine que ça dépend des moments de la journée, du volume de patients, de la disponibilité (et parfois de l'humeur) du personnel…

Non, ce qui me désespère dans cette affaire, et dans d'innombrables autres situations où des malades ont eu à subir des délais inacceptables de soins, c'est l'incapacité du public et des médias d'identifier les véritables responsables et de voir clairement des avenues de solutions. Invariablement, on blâmera le personnel ou l'organisation qui l'encadre (dans ce cas-ci l'hôpital de Gatineau et le CISSSO, acronyme pour Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Outaouais).

Cette vue est trop simple, voire simpliste…

Il faudrait peut-être commencer par retourner à la Révolution tranquille, quand la commission Castonguay avait proposé de mettre sur pied un vaste réseau de centres locaux de services communautaires (CLSC), où l'accent aurait été mis nettement sur l'identification des problèmes de santé et sur la prévention… et ce, au niveau local! Le gros bon sens: en favorisant, dans chaque localité, des conditions favorables à une bonne santé publique, moins de médecins finiraient par crouler sous un fardeau excessif de malades…

Le problème des CLSC, ce fut leur réussite. Quand on attaque les causes des maladies, pour vrai là, on ne remet pas seulement en question la consommation de médicaments, ou la teneur en sucre des aliments, ou le manque d'exercice physique… On vise aussi les conditions sociales et économiques susceptibles de dégrader l'état de santé des gens - la pauvreté, les milieux de travail, l'inégalité des sexes, la salubrité des logements, etc. - et ce, dans chaque région où se trouve un CLSC…

Ainsi, dans les centres locaux de services communautaires, le personnel comptait, au-delà du personnel médical (les médecins qui les ont trop longtemps boudés et les infirmières), des psychologues, des diététiciens, des travailleurs sociaux et des organisateurs communautaires. En brassant la cage de la santé dans une localité, les CLSC brassaient la cage socioéconomique et politique du Québec tout entier. Une situation inquiétante pour tout gouvernement, et en particulier pour les libéraux…

Et finalement, qu'a-t-on fait alors que la population vieillissait à vue d'oeil et que le nombre de médecins de famille devenait insuffisant dans plusieurs régions, dont l'Outaouais? On a saboté l'institution et la philosophie qui aurait pu faire la différence en ce début de 21e siècle. Les CLSC devaient être la première ligne de santé pour le grand public, ils devaient surtout être locaux. Leur objectif n'était pas tant de guérir des malades que de réduire le nombre de malades à guérir. J'ai la conviction que la réussite d'une telle mission aurait plu à l'immense majorité des médecins actuels, qui croulent sous le poids des patients.

Mais non, on a commencé par fusionner les CLSC à l'intérieur des municipalités et grandes régions, ce qui signifiait l'arrêt de mort de la philosophie de l'intervention locale. Le «L» des CLSC venait d'être décapité. Puis, pour achever la bête blessée, on a créé des monstres régionaux dominés par les médecins et où les CLSC perdaient la capacité de déterminer eux-mêmes leurs priorités: chez nous, ce monstre s'appelait Centre de santé et de services sociaux de Gatineau. Depuis ce temps, les libéraux clouent le cercueil...

On est passé depuis 40 ans du concept des centres locaux de services communautaires à l'ultime monstre organisationnel: la pieuvre Gaétan Barrette et ses tentacules régionales. Chez nous, cette tentacule s'appelle le CISSSO, Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Outaouais… Nous avons maintenant, grâce à Gaétan Barrette, la pire structure de services de santé qui soit… et notre ministre n'a pas fini de faire des dégâts…

Alors quand un incident malheureux se produit dans une urgence devenue un refuge pour tous ceux et celles qui n'ont plus de médecins de famille (ils sont des dizaines de milliers), dans une organisation qui manque de ressources parce que le ministre Dr Folamour persiste à la vouloir rentable (pas de déficits!), dans un pays où la population vieillissante a besoin de plus en plus de soins, j'aurais tendance à juger des coupables sur place, bien sûr, mais j'aurais aussi une bonne pensée pour le premier ministre, pour son ministre de la Santé, ainsi que nos députés libéraux de l'Outaouais qui se font complices d'un système aberrant.

Et malgré tout, dans cette urgence que tant décrient, j'ai reçu d'excellents soins à plus d'une occasion…













1 commentaire:

  1. Définitivement la première ligne présente un défaut structurel. Il faudrait commencer à songer à réformer la Loi Médicale canadienne et songer à constituer un plan stratégique pour évaluer l'opportunité de créer au Canada un '' Canadian Affordable Act '' inspiré de l'assurance médicament du Québec et de créer aussi de '' Canadian Accountable Care Organisations ''. En terminant si nous voulons vraiment améliorer la première ligne au Canada, il faudrait aussi commencer à regarder ce que font les britanniques avec leur système à performance imputable et nos amis français de France avec leur deux caisses complétements séparées l'une de l'autre: une caisse de la Santé Communautaire qui gère tout le pré hospitalier, le hors institutionnel et une caisse institutionnelle qui gère que les institutions hospitalières, hospices et asiles. Deux caisses gouvernementales totalement gérée avec chacune leurs visions différentes:
    Première vision: s'occuper du client pour ne pas qu'il ait besoin d'aller à l'hôpital, à l'hospice, à l'asile;
    Deuxième vision: s'occuper du patient d'abord pour lui permettre de sortir des hôpitaux, des hospices et des asiles et si le patient n'est pas assez autonome pour être traité hors institutions, il est pris en charge par l'institution.
    Ce n''est pas qu'en brassant les cartes une ''N'' nième fois que nous amélioreront enfin la performance de nos soins de santé au Canada, mais c'est en se donnant des moyens efficaces, performants et imputables que tous ensembles nous offriront des soins d'excellence à la population.
    P. Clifford Blais, mdcm, mcmf, médecin de famille
    Lic. 83465, QC, Canada
    Lic. A41648, CA, U.S.A.

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