Extrait du journal La Vérité, de Québec, du 8 juillet 1899. Point de vue intéressant sur la Confédération encore jeune, et sur les liens entre francophones du Québec et les citoyens, francophones et anglophones, des autres provinces. Le texte n'étant pas signé, on peut présumer qu'il représente l'opinion du propriétaire du journal, Jean-Paul Tardivel. Les mots en italique l'étaient dans le texte original.
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La Confédération du Canada vient de célébrer, sans le moindre éclat, son 32e anniversaire.
Le 1er juillet est une fête purement statutaire. Ce n'est pas une fête nationale. Les banques et les bureaux publics se ferment, en ce jour-là; il y a des excursions à bon marché dont bon nombre de gens profitent; les affaires sont plus ou moins suspendues. Mais aucune fibre patriotique ne s'émeut à l'occasion du Dominion Day.
C'est l'anniversaire d'un mariage de raison: ou plutôt qu'on a cru de raison et nécessaire. L'amour n'a joué aucun rôle dans l'union contractée en 1867.
Sans doute, quelques-uns des auteurs de la Confédération se sont imaginé qu'ils jetaient les bases d'une nation nouvelle; que les populations des différentes provinces allaient se fusionner étroitement pour ne former qu'un seul peuple: le peuple canadien. Quelques-uns des nôtres redoutaient cette fusion, et craignaient que la nationalité canadienne-française ne vînt à disparaître.
Heureusement, notre peuple n'est pas encore sérieusement entamé. Sa fête nationale, c'est toujours la Saint-Jean-Baptiste; ce n'est pas le 1er juillet. Nos hommes publics, en général, se sont laissé entraîner loin de l'idéal canadien-français. Ils se proclament volontiers partisans du grand tout canadien et de l'idée impériale. Mais, Dieu merci! les masses de notre population ne les ont pas suivis jusqu'ici. Pris dans son ensemble, notre peuple est resté fidèle à l'idée nationale d'autrefois. Il veut garder son autonomie relative, son caractère distinct, sa langue et ses traditions, en attendant des jours meilleurs.
Nous devons donc remercier le ciel de ce que la Confédération de 1867 n'a pas encore produit les effets qu'on en espérait, d'un côté, qu'on en redoutait, de l'autre.
Pour les Canadiens français, la vraie patrie c'est toujours la province de Québec. Si nous sommes attachés aux groupes français des autres provinces, c'est par les vieux liens du sang, de la langue et des traditions; non point par le lien politique créé en 1867.
Nous nous intéressons à nos frères de l'Est et de l'Ouest parce qu'ils sont nos frères; non parce qu'ils sont nos concitoyens.
Nous avons certaines relations d'affaires avec les populations anglaises des autres provinces; mais nous n'éprouvons pas pour elles le moindre sentiment fraternel. De même, elles sont parfaitement indifférentes à notre égard, au point de vue national. Les Anglais du Canada ne considèrent pas les Canadiens français comme leurs nationaux; et de notre côté, c'est le même sentiment qui domine encore à leur égard. Ils sont pour nous, et nous sommes pour eux, de simples associés, s'accordant plus ou moins bien. Mais, patriotiquement parlant, nous ne sommes pas plus liés aux Anglais d'Ontario ou du Nouveau-Brunswick qu'aux gens de New York et du Vermont.
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