lundi 13 avril 2015

«Nous nous comportons en majoritaires»


Réponse de Mme Tina Desabrais, présidente de l'ACFO de Prescott-Russell, à mon texte de blogue intitulé «Déclin du français: Prescott-Russell en transition» (http://bit.ly/1yfnlBW) et à un message sur Twitter indiquant ma déception devant l'insistance de l'ACFO de Prescott-Russell sur le bilinguisme plutôt que la francophonie. Le blogue n'autorisant pas des réponses si longues, j'espère qu'elle me permettra de reproduire son texte en entier comme texte de blogue séparé. Toujours heureux d'être commenté et contesté. Au plaisir. 

Monsieur Allard,

Me voici une fois de plus dans l’obligation de vous répondre, à la suite de cet article, mais surtout à la suite de ce que vous avez publié aujourd’hui sur votre compte Twitter, soit : « Est ontarien : un sommet pour promouvoir une réglementation bilingue… Misère… »  (@ONfr_TFO<https://twitter.com/ONfr_TFO> http://bit.ly/1COPpYP <http://t.co/nqHflD5WIX>)Je n’ai pas, pour ma part, de compte Twitter. Heureusement, un collègue à moi m’a informée de votre commentaire.

J’allais attendre poliment (oui, nous sommes trop polis, les Francos…) (référence à votre texte de juin 2014) (http://pierreyallard.blogspot.ca/2014/06/lacfo-na-pas-promouvoir-langlais.html ) à notre rencontre prévue ce vendredi pour discuter de votre dernier texte, « Déclin du français : Prescott-Russell en transition ». Mais puisque que vous vous acharnez publiquement à nous critiquer, je n’ai autre choix que de défendre, à nouveau, notre position (position que j’ai défendue en juin dernier, alors que je venais tout juste d’être élue à la présidence de l’ACFO PR, quand vous nous aviez accusés de vouloir promouvoir l’anglais. Promouvoir l’anglais!) Vous vous étiez alors excusé au téléphone et vous aviez écrit « Voici l’excellent commentaire reçu de Mme Tina Desabrais ». Je ne comprends donc pas pourquoi vous revenez à nouveau sur le sujet.

Êtes-vous conscient que nous travaillons bénévolement? Que j’accorde de 10 à 15 heures par semaine à la cause francophone, et ce, bien que je travaille à temps plein à La Cité et que je sois aux études à la maîtrise en administration publique? Bien des gens se dévouent pour la cause francophone. Quel type de remerciement recevons-nous? Des commentaires comme le vôtre. Vous m’aviez grandement insultée en juin dernier lorsque vous m’aviez dit que je cherchais à promouvoir l’anglais, et vous venez de le faire à nouveau.

Tout d’abord, notre perception de la situation diffère grandement. Pour vous, notre position est une défense du bilinguisme. Pour nous, c’est une défense du français. J’ai donc l’impression que vous ne comprenez pas très bien notre position. Vous présentez une multitude de chiffres (qui, soit dit en passant, parlent d’eux-mêmes… Je dirais comme Bernard Derome : « Si la tendance se maintient… ») qui ne sont guère rassurants, mais sans nécessairement connaître la réalité quotidienne dans l’Est ontarien. Les chiffres montrent que les francophones sont en déclin, malgré le fait qu’ils soient encore majoritaires. Vous suggérez, à la fin de votre texte, qu’ils se comportent en majoritaires et qu’il est encore temps de le faire. À cela, je vous réponds que, justement, ils se comportent en majoritaires. Il est là, le « problème ». Les francophones de Hawkesbury et de l’Est ontarien sont plus ou moins inquiets. 

Je ne peux pas généraliser; plusieurs sont sensibilisés, mais, aussi, plusieurs ne voient pas d’enjeux reliés à la langue. Comment dirais-je plus concrètement… Il y a un peu (beaucoup) de « je-m’en-foutisme » dans la communauté. La majorité des francophones vous répondraient, par rapport au service et à l’affichage en anglais : « Ouin pis, je parle aussi anglais ». C’est donc pour cela que l’ACFO PR veut tenir une consultation publique (je travaille au nom de la communauté et non pas en mon nom seulement) à savoir ce qu’en pensent les gens. Non pas pour promouvoir l’anglais ou le bilinguisme, mais pour assurer que le français gardera toujours sa place dans l’Est ontarien.
À l’ACFO PR, nous avons deux grands mandats : défendre et promouvoir la francophonie dans l’Est ontarien.

Défense

Je suis désolée de vous le dire ainsi, mais vous portez des lunettes roses lorsque vous dites que nous sommes majoritaires. Majoritaires, oui, mais dans les faits et chiffres seulement. Comme vous vous acharnez surtout sur le cas de Hawkesbury, je vais prendre cette ville en exemple (je vous rappelle que l’ACFO PR représente toutes les communautés des Comtés unis et non seulement Hawkesbury). Comment expliquez-vous qu’il soit difficile de se faire servir en français au Wal-Mart et au Tim Horton? Comment expliquez-vous qu’au nouveau A & W, seul « Drive Thru » figure sur l’affiche, et non pas la version bilingue, comme on pourrait la voir ailleurs? Comment expliquez-vous qu’au Wal-Mart, un citoyen se fasse répondre, dans le temps de Noël, qu’il n’est pas assez vendeur de tenir des jouets bilingues (c’est-à-dire en français aussi!)? Comment expliquez-vous que les propriétaires de multiples dépanneurs ne puissent pas s’adresser à leurs clients en français? Comment expliquez-vous que les Dollorama et les Dollar Tree n’offre pas de produits en français (décorations d’Halloween, de Noël, etc.)? Comment expliquez-vous que le site web des Hawks, l’équipe de hockey de Hawkesbury, soit unilingue anglais? Et j’en passe!

Vous l’avez bien dit : « La présence francophone a chuté, proportionnellement, de façon dramatique dans certains coins de Prescott-Russell. » Il faut, à mon sens, prévenir plutôt que guérir.
Allez-vous me donner une réponse aussi insignifiante que celle de la mairesse de Hawkesbury, Madame Jeanne Charlebois, quand je lui ai parlé, soit : « Oui, mais nous, on a le pont. »? (En ce sens que nous ne devons pas nous sentir menacés par l’assimilation à la langue anglaise, « le pont » signifiant que Hawkesbury est à la frontière du Québec, contrairement aux autres municipalités.) N’allez pas me faire croire que le West End de Montréal ne s’anglicise pas! Et ce, même s’ils ont, au Québec, la Loi 101. Hawkesbury n’est pas plus à l’abri de l’assimilation.

Lorsque je parle à Monsieur-et-Madame-Tout-le-monde, Monsieur Allard, je reconnais un manque d’engagement de leur part par rapport à la francophonie, de même qu’une tendance à tenir pour acquis notre francophonie. Et que ce passe-t-il entre temps? La région s’anglicise pernicieusement et insidieusement et, mal compris, on se fait traiter de « racistes » à l’égard des anglophones… (http://www.youblisher.com/p/923692-le-regional-hawkesbury-140626/ ) C’est pour cela que nous souhaiterions un règlement sur le bilinguisme. Pour que tous les citoyens soient sur le même pied d’égalité et pour que la francophonie conserve la place qui lui revient. Avec de telles mesures en place, les francophones seront mieux outillés pour faire valoir leurs droits de recevoir des services en français et de vivre dans un environnement où l’on retrouve le français partout.

Vous voyez, Monsieur Allard, la situation est beaucoup plus complexe que ne le laisse entendre votre interprétation des statistiques, une analyse quantitative. Des chiffres demeurent des chiffres. Il faut une bonne compréhension sur le terrain et une analyse qualitative avant de se prononcer.

Promotion

Maintenant, je vous entends lorsque vous dites que nous devrions nous comporter en majoritaires, que nous devrions promouvoir la francophonie davantage.

Soyez sans crainte, cela fait partie de nos objectifs. Depuis mon arrivée, nous avons déjà largement contribué à promouvoir la francophonie, et ce, même si nous vivons présentement une situation financière difficile (jusqu’à maintenant, six demandes de subvention ont été soumises. Une a déjà été acceptée. Croisons-nous les doigts pour les autres…). Nous avons, entre autres, appuyé le Salon du livre de l’Est ontarien, le Salon solidarité francophone organisé par le CALACS d’Ottawa, collaboré au 5e Tournoi de golf de la francophonie avec l’ACFO Ottawa, collaboré au Concours LOL organisé par l’ACFO SDG, etc. Nous préparons des célébrations dans le cadre du 400e de la francophonie en Ontario français, etc. Nous encourageons les artistes francophones locaux, etc. Nous travaillons donc très fort, avec les moyens du bord, comme dit l’expression, pour promouvoir la francophonie et s’assurer que les gens s’épanouissent dans la langue française.

Ceci dit, nous nous comportons en majoritaires. Il faut seulement s’assurer que, comme majoritaires, nous ne portons pas d’œillères et que nous n’ayons pas une confiance aveugle dans le fait que nous le serons toujours. En Ontario français, nous ne pouvons jamais tenir pour acquis… nos acquis, justement.
Je termine donc en reprenant les paroles de Madame Gisèle Lalonde : « Nous n'avons pas travaillé pour rien! » À nous, maintenant, d’assurer une pérennité de l’affichage et des services en français, voire de la vie en français!

Au plaisir d’enfin vous rencontrer ce vendredi,
Tina Desabrais, Ph. D.
Présidente de l’ACFO PR

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