Les citoyens du Québec ont le droit le plus absolu de croire... ou de ne pas croire. D'être catholiques, protestants, musulmans, juifs, agnostiques, athées ou autres. L'État québécois représente et protège TOUS ces citoyens et assure le respect de leurs droits, y compris la liberté de religion ou de refus de religion. Voilà pourquoi l'État DOIT être rigoureusement neutre. Cette neutralité - certains préféreront le terme laïcité - doit se refléter dans les lois et règlements que l'État édicte, mais aussi dans les institutions publiques et les personnes qui en sont l'émanation.
Les plus vieux d'entre nous ont connu l'époque où les crucifix, les prêtres et les religieux étaient partout. Les écoles étaient confessionnelles, comme la plupart des hôpitaux. Cette époque est révolue. La Constitution a été amendée pour reconstruire le réseau scolaire québécois sur des bases linguistiques, plutôt que religieuses. L'apport de l'immigration a fait apparaître à un rythme croissant dans nos villes et quartiers des traditions et des religions différentes, qui s'intègrent à notre réalité citoyenne ou la heurtent. La quête de valeurs communes qui en résulte est un processus normal et nécessaire en démocratie.
La tolérance fait partie de notre héritage. Les Québécois de culture catholique ont été généralement accueillants pour ceux et celles qui ont respecté leur langue et leurs croyances. L'intolérance est une situation que nous avons le plus souvent subie, pendant longtemps, d'une part importante de la minorité anglo-québécoise, que René Lévesque qualifiait de « Rhodésiens ». Les francophones hors-Québec ont eu à endurer un sort bien pire, ouvertement persécutés par leurs majorités anglophones. L'affirmation du caractère français du Québec et la sécularisation rapide des francophones au cours du dernier demi-siècle ont fait de nous ce que nous sommes aujourd'hui.
Ces jours-ci, les débats en cours sur les valeurs au Québec, si l'on excepte la langue et la culture françaises, à forte teneur identitaire, ne sont guère différents de ceux qui se déroulent dans les autres sociétés occidentales, nord-américaines autant qu'européennes. L'accent est mis sur la démocratie, sur les droits et libertés, sur l'égalité des individus et des sexes. Ces droits et libertés sont énumérés dans des chartes et des constitutions et le soin de les protéger est confié à l'État, qui doit rester au-dessus des factions. Nous en sommes là.
Il n'y a plus grand monde ici qui voudrait mêler politique et religion. Il est fini le temps où Duplessis pouvait tenter de faire adopter des lois contre les Témoins de Jéhovah, et où un évêque catholique était invité à chaque grande cérémonie d'inauguration ou coupe de ruban. Et personne - enfin presque personne - ne voudrait des versions plus modernes de la fusion religion-État, comme dans certains pays musulmans et en Israël. Ni pour ni contre, l'État, chez nous, est désormais neutre.
Et cela signifie, si cette conviction est plus que superficielle, l'abandon des signes religieux visibles dans la sphère publique - dans tout ce qui tombe sous l'autorité ou le financement de l'État. Cela veut dire remiser le crucifix à l'Assemblée nationale. Et au sein des services publics, des employés qui ne portent pas de croix, de kippah, de hijab, de niqab, de turban ou tout autre symbole religieux, ni de signes épousant l'athéisme ou toute autre cause (économique, syndicale, environnementale, etc.) qui porterait atteinte à la neutralité du serviteur public.
Le temps est venu d'inscrire ce principe dans une charte des valeurs ou simplement dans les chartes existantes. Contrairement à ce que l'on peut souvent lire, il n'y a pas là-dedans de xénophobie ou de quelconque croisade (principalement contre l'islam). Les menaces viennent bien davantage de ces factions qui veulent imposer à l'ensemble des citoyens la présence dans la sphère publique de valeurs qui heurtent la neutralité et l'égalité (musulmans intégristes, chrétiens ultra-conservateurs, créationnistes, juifs ultra-orthodoxes, etc.).
La chicane sur une charte des valeurs dégénérera sans doute en querelles partisanes et linguistiques. C'est dommage. Sur cette question, tous, toutes devraient pouvoir s'entendre. Car seul un État neutre et laïc peut véritablement protéger la liberté de religion ou de refus de religion de TOUS les citoyens.
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