jeudi 8 août 2013

La musique du Canada anglais, c'est quoi au juste?

La publication récente du Top 100 des albums « canadiens » par CBC Music, qui ne contenait que quatre albums de langue française, m'a fait jongler à cette notion de musique « canadienne », ou devrais-je plutôt dire Canadian, parce que dans notre coin de pays à nous, plus personne n'attribue le qualificatif « canadienne » à la musique d'origine québécoise - du moins à celle qui se fait en français.

Tout en avouant ma connaissance fort insuffisante de la scène musicale anglo-canadienne, mais étant né et ayant grandi en Ontario où j'ai été bombardé de musique anglophone jusque dans la vingtaine, je dois avouer qu'encore aujourd'hui, j'ai beaucoup de difficulté - en écoutant une chanson ou une pièce de musique - à distinguer ce qui est Américain de ce qui est Canadian. Oh il y a des exceptions, mais en général, pour moi, les rythmes, les mélodies et les thèmes sont semblables.

On n'a qu'à prendre le meilleur album « canadien » de tous les temps, selon CBC Music : l'excellent Harvest de Neil Young, sorti en 1972. Cet album n'a aucun titre qui semble indiquer une origine canadienne.  La chanson que je connais le mieux, Heart of Gold, ne mentionne qu'une localité - Hollywood. Dans son album suivant, une des chansons les plus célèbres s'appelle Ohio et parle des contestations étudiantes américaines. C'est là qu'on retrouve aussi les chansons Southern Man et Alabama. Ça ne fait pas très Canadian...

Dans l'album Blue de Joni Mitchell, troisième au palmarès des 100 meilleurs, la chanteuse lance : « California I'm coming home ». Pas Ontario ou Alberta (sa province natale), mais California... Il faut cependant reconnaître qu'elle prononce le mot Canada une fois, dans la chanson A Case of You. Dans l'album Funeral d'Arcade Fire (le numéro 4 du palmarès), le seul endroit mentionné est Haïti... Peut-être y a-t-il, dans ce top 100, des albums où on chante les vastes étendues du Canada et s'il y en a, j'aimerais bien les entendre...

On me dira, avec raison, qu'il n'est pas nécessaire d'énumérer les villes et villages de son pays pour que le disque soit véritablement canadien, mais ces mêmes artistes ne dédaignent pas, à l'occasion, d'utiliser des lieux américains... D'ailleurs, nos voisins du Sud ne se font-ils pas une fierté d'éplucher leur atlas national dans leur musique? De Memphis à Kansas City, de New Orleans à Chicago, de New York à L.A., de Motor City à St. Louis, les palmarès rock et pop des États-Unis sont remplis de chansons qui louangent la géographie et l'histoire de ce pays.

Je pense que cela vaut la peine d'être souligné parce que c'est aussi le cas pour la musique québécoise, qui a, depuis les années 1960, propulsé toutes les régions du Québec dans ses palmarès, de la métropole aux plus petits carrefours. Qui ne se souvient pas de Ste-Adèle PQ par Jean-Pierre Ferland ou de Montréal par Beau Dommage? Au milieu des années 1970, Beau Dommage fracassait d'ailleurs tous les records de ventes en nous faisant passer de la métropole à Châteauguay, de Sorel à Bois-des-Filion, de l'Île Perrot à 7760 St-Vallier...

Georges Dor avait percé même en Europe avec La Manic où il évoquait avec nostalgie Trois-Rivières, Québec et « les rues sales et transversales » de Montréal. Raoul Duguay chantait Val d'Or et son coin de pays, l'Abitibi, tandis que Gilles Vigneault racontait les histoires de Natashquan et de la rivière Mingan. Robert Charlebois parlait de Chibougamau avec sa Dolores avant que les soeurs McGarrigle nous amènent de la rue Ste-Catherine à Notre-Dame-de-Stanbridge et Ste-Anne de la Pérade... Sans oublier Claude Gauthier, qui chantait « l'énergie qui s'empile d'Ungava à Manicouagan »...

Nos chanteurs et chansonniers ont même débordé les frontières du Québec pour aller se promener musicalement au Canada hors Québec. Dans les années 70, un des succès de Pierre Lalonde s'appelait À Winnipeg les nuits sont longues. Quelques années plus tôt, Robert Charlebois évoluait de Québec vers Ottawa et Toronto en moto dans Les ailes d'un ange. Jean Leloup était reparti faire sa vie à Hawkesbury dans I lost my baby. Les Cowboys fringants n'ont pas quitté leur bar rue St-Denis ou le carré St-Louis mais ont évoqué le beau-frère de l'Alberta dans Toune d'automne. Et qui pourrait oublier le grand « classique » Saskatchewan, des Trois Accords ?

Autre que l'éternelle Running Back to Saskatoon, du groupe Guess Who, et l'une de mes préférées, Four Strong Winds, d'Ian and Sylvia (chantée aussi par Neil Young), où la destination est l'Alberta, je ne me souviens pas de chansons ou d'albums ayant trôné près du sommet des palmarès pan-canadiens qui mettaient en scène Halifax ou Toronto, Fredericton ou Winnipeg, Hamilton ou Edmonton, Windsor ou Vancouver... La plupart des artistes anglo-canadiens les plus populaires me donnent l'impression d'être gênés (musicalement du moins) de leurs origines, faisant de leur mieux pour s'intégrer au méga-marché américain... Est-une fausse impression? J'aimerais bien qu'on me corrige si c'est le cas...

Harvest, le numéro un du palmarès canadien de CBC Music... c'est donc ça, la plus parfaite incarnation de la musique Canadian ? La fierté, au Canada anglais, ne passe-t-elle pas trop souvent par une consécration du marché américain ?








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