dimanche 29 mai 2016

Pontiac: le péché de l'Église...


Depuis trois ans, depuis cet été 2013 où il s'est véritablement informé de la situation, l'archevêque de Gatineau, Mgr Paul-André Durocher, n'a pas formulé de demande officielle pour retirer au diocèse ontarien de Pembroke son autorité sur les paroisses du Pontiac québécois. S'il fallait parler en termes religieux de cette inaction, on pourrait presque dire qu'il s'agit d'un péché.

Tant qu'il ne savait rien des injustices subies par les francophones du Pontiac depuis le 19e siècle, sous la férule d'anglo-catholiques racistes au diocèse de Pembroke, le prélat gatinois était innocent dans ce dossier. Mais depuis qu'il sait tout, n'avoir rien fait constitue une faute grave…

Mgr Durocher s'en est lavé les mains, comme un antique gouverneur romain. Peut-être aurait-il bougé au moins le petit doigt si les catholiques francophones avaient protesté énergiquement contre leur sort, mais de toute évidence ce ne fut pas le cas. Ils ne sont que 13, pour le moment, à brasser la cage en public…

Comme le dommage est fait depuis longtemps, peut-être ne reste-t-il plus que cette poignée de résistants, l'immense majorité ayant béatement ou de guerre lasse accepté la gouvernance anglo-ontarienne de leur diocèse et de leurs paroisses… Mais cette poignée suffit pour interpeller la conscience de l'archevêque.

Ayant pris connaissance des faits suivants, sa responsabilité sera désormais entière:

1. Mgr Durocher a lu Les sacrifiés de la bonne entente, de Luc Bouvier, qui a documenté les horreurs du dernier siècle dans le Haut-Outaouais. Ce qui s'y est passé fut ni plus ni moins une tentative - quasi réussie - d'ethnocide contre les communautés francophones du Pontiac, perpétrée en bonne partie par les autorités catholiques du diocèse de Pembroke et leurs complices quand ceux-ci contrôlaient le milieu scolaire.

2. L'archevêque de Gatineau connaît les statistiques d'assimilation des francophones dans le Pontiac, abondamment diffusées. Les trois quarts des anglophones sont unilingues (plusieurs ont des noms de familles français) pendant que plus de 80% des francophones sont bilingues. Et au moins 20% des francophones actuels sont en voie d'assimilation…

3. Paul-André Durocher a vécu assez longtemps en Ontario français pour connaître les effets culturels et identitaires de l'assimilation et de la bilinguisation massive de la population francophone. Il doit donc se douter de l'issue finale de la transformation des Franco-Pontissois… l'anglicisation.

4. Le prélat gatinois doit avoir, dans ses pérégrinations de 2013, vérifié le site Web du diocèse de Pembroke: en anglais mur à mur pour les anglophones, et français de temps en temps pour les citoyens québécois et franco-ontariens de second ordre… Les Québécois du Pontiac sont traités comme de vrais Ontariens…

5. Il doit savoir qu'à Fort-Coulonge, les quelque 180 anglophones (15% de la population) ont droit à une messe bilingue dans la paroisse francophone, pendant qu'à Bristol, les 265 francophones (plus de 20% de la population) se font offrir une messe en anglais seulement. Typique du Pontiac…

6. Mgr Durocher sait qu'il n'y aura pas de mouvement de masse des francophones parce que, dominés depuis tellement longtemps, ils acceptent désormais un milieu où les anglos peuvent évoluer en anglais seulement, pendant que les francophones doivent vivre en bilingues… en attendant de s'angliciser complètement d'ici quelques générations.

L'archevêque de Gatineau ne peut plus invoquer l'ignorance. S'il persiste à jouer à Ponce Pilate et à ne pas intervenir (il doit savoir qu'il a suffisamment d'autorité pour obtenir l'intégration du Pontiac à l'archidiocèse de Gatineau), il occupera un jour une place peu envieuse dans les livres d'histoire.

Le fait que les médias mettent rarement en lumière la situation dramatique du français dans le Pontiac n'aide pas. Les médias de l'Outaouais sont les premiers coupables. Mais le reste du Québec doit aussi assumer sa part de responsabilité pour l'abandon de la collectivité franco-pontissoise.

Le chroniqueur Gilles Proulx, du Journal de Montréal, a visité le Pontiac il y a quelques semaines et en est revenu horrifié. Comme Pierre Laporte, du Devoir, jadis, au milieu des années 50. Si l'ensemble du Québec connaissait l'histoire des 150 dernières années et le sort actuel de la francophonie pontissoise, la marmite sauterait.

Il reste ce mystérieux «groupe des 13» (voir bit.ly/1TeFmoU) et son éloquente porte-parole, Lise Séguin, pour lancer d'ultimes SOS au premier ministre Couillard et aux autorités religieuses… Je les comprends, ceux et celles d'entre eux qui n'osent pas s'identifier en public… Il y a de quoi avoir peur dans certains coins du Pontiac…

Parlez-en aux inspecteurs de l'OLF qu'on a chassés de Shawville, il y a une vingtaine d'années… On ne les a pas revus…






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