Quand on est à quelques mois de ses 70 ans, il y a une page du journal quotidien qu'on regarde toujours attentivement: les avis de décès. Surtout les mercredis et samedis, où une véritable hécatombe nous attend dans cinq, six ou plus pages de nécrologie… On ne sait jamais quand on y verra le visage d'une connaissance, d'un ami, voire d'un parent éloigné que le tamtam familial (téléphone, courriel, Facebook) n'aura pas transporté jusqu'à nous…
Jadis, à l'époque où j'ai débuté dans ce métier (fin années 60), les chefs des nouvelles épluchaient les avis de décès - auxquels ils avaient accès avant publication - pour voir s'il n'y avait pas dans le lot des individus ayant suffisamment marqué l'actualité pour justifier un texte de la rédaction dans les pages de nouvelles, s'ajoutant à la nécrologie. Je ne sais pas s'ils (elles) font toujours ça en 2016, mais il arrive à l'occasion qu'une personne ayant défrayé les manchettes des journaux et de la télé à une époque révolue décède dans un relatif anonymat, sa vie se résumant alors (médiatiquement) à quelques paragraphes biographiques et familiaux suivis de l'annonce d'un service funéraire.
Ce fut le cas ce matin (12 avril), quand j'ai vu le nom et la photo de Léo Dorais dans la section nécrologique de mon quotidien régional, Le Droit. Il avait terminé sa carrière professionnelle et ses années de retraite en Ontario mais les souvenirs que je conservais de lui remontaient à mes premières journées de journalisme alors qu'il menait la barque mouvementée de l'UQAM (Université du Québec à Montréal). Il en fut d'ailleurs le recteur-fondateur.
La revue Point de mire lui avait consacré sa page couverture et un interview de fond en septembre 1970, quelques semaines avant la crise d'octobre, sous le titre Un recteur dans la tourmente universitaire. Plus tard, il évolua à l'ACDI, et fut, comme secrétaire général des Musées nationaux du Canada, l'un des concepteurs du Musée canadien de la photographie, du Musée des civilisations (devenu Musée de l'histoire sous Harper) et du Musée des Beaux-Arts à Ottawa. Il fut aussi professeur à l'Université d'Ottawa, et bien plus.
Il est décédé le 8 avril… et son avis de décès est paru ce mardi matin, 12 avril, sous une photo embrouillée (comme elles le sont souvent dans ces avis…). En mi-matinée, je n'avais pas vu de texte dans les pages de nouvelles du Droit, et une recherche Web n'a rien donné pour La Presse, Le Devoir et le Journal de Montréal… Radio-Canada et TVA non plus… Même le site Web de l'UQAM n'en fait pas mention… L'essentiel de sa carrière s'étant déroulée avant l'ère Internet, sa présence Web est négligeable, mais quand même…
Peut-être verra-t-on plus tard aujourd'hui (mardi 12 avril) ou demain, des courts rappels de sa présence et de son oeuvre à des périodes troubles de la vie universitaire montréalaise, et de son rôle comme l'un des architectes de grands musées fédéraux dans la région de la capitale canadienne.
Plusieurs de ceux et celles qui ont marqué leur milieu avant l'arrivée du Web dans les années 1990 (Léo Dorais était né en 1929) sont-ils condamnés, trop souvent, à l'oubli? Peut-être. En tout cas, si aucun média ne souligne le passage de M. Dorais sur cette terre au moment où il la quitte, il restera sur Internet ce petit texte de blogue et les avis de décès. C'est mieux que rien…
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* Ce texte de blogue a été publié le matin du mardi 12 avril.
* L'après-midi du 12 avril, l'UQAM a mis une nouvelle en ligne. http://bit.ly/22sMwdz
* Le jeudi 14 avril, la Fondation pour l'avancement du théâtre francophone au Canada publié un texte. http://bit.ly/1TajCwj
* Le soir du vendredi 15 avril, Le Devoir a publié un texte complet. http://bit.ly/1SkDcJe
Tellement d'accord avec toi. Il y en a beaucoup de gens comme lui que l'on oublie.
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