jeudi 7 avril 2016

«La 50, y'a rien qui Labatt»… On ne parlait pas de l'autoroute...


Le 8 avril 1970, je n'avais que 23 ans et, à titre de courriériste parlementaire au quotidien Le Droit, j'étais affecté à la couverture de la campagne en vue des élections québécoises du 29 avril. Cette journée-là, le premier ministre sortant, Jean-Jacques Bertrand, de l'Union nationale, avait annoncé la construction des premiers tronçons d'une nouvelle autoroute: la 50!

«Montréal a eu son tour, Québec a eu son tour. Il est maintenant temps que Hull et la région de l'Outaouais aient leur tour», avait-il déclaré. Avant le milieu des années 70, promettait-on, une vingtaine de kilomètres d'autoroute traverseraient quatre villes de l'époque (Gatineau, Pointe-Gatineau, Hull et Aylmer). Viendrait par la suite l'engagement de prolonger ce tronçon vers l'est jusqu'à Berthierville (à la 40) et vers l'ouest jusqu'à la ville ontarienne de Pembroke, aux limites du Pontiac.

Ce qui s'est passé entre avril 1970 et le parachèvement de ce qu'on appelle généreusement l'«autoroute» 50, en l'an 2012 (j'avais désormais 66 ans!) pourrait faire l'objet d'un roman tragicomique, à l'image du sort que Québec réserve habituellement à une population outaouaise fidèle (aux libéraux) et docile… Aucune autre autoroute québécoise n'a été construite de façon aussi bizarre pendant 42 ans, et aucune ne lui ressemble. Pas surprenant qu'on ait de la difficulté à lui trouver un nom approprié…

La partie urbaine de l'autoroute qui vire au sud et mène au centre-ville de Gatineau ainsi qu'au pont Macdonald-Cartier (vers Ottawa) s'appelait au début la «550». La vraie 50 devait rester au nord du périmètre urbain, d'est en ouest, et traverser le parc de la Gatineau vers le Pontiac. Cette partie de l'autoroute n'a jamais été construite… Si vous roulez sur la 148 à l'ouest de Gatineau, dans la municipalité de Pontiac, vous verrez la route s'élargir à quatre voies séparées sur quelques kilomètres… pour aucune raison. On a enlevé les affiches «50» , il y a une vingtaine d'années peut-être…

Les résidents de longue date vous parleront du viaduc au centre-ville de Hull (traversant l'autoroute 5) qui ne menait nulle part, et du merveilleux pont à quatre voies sur la rivière du Lièvre, à Masson-Angers, accessible pendant des années par… hélicoptère seulement. Ou du bout orphelin de la 50 au sud de Lachute. Combien d'années? Plusieurs… Et quand on a finalement relié les cases remplies pendant deux ou trois décennies, on l'a fait parcimonieusement, avec une route à deux voies, émaillée d'aires de dépassement.

Le résultat? En empruntant la 50 vers l'ouest à Mirabel, à la jonction de l'autoroute des Laurentides (la 15), une vraie celle-là, on fonce sur un tronçon à quatre voies jusqu'à l'éléphant blanc de Mirabel, avec son hôtel désert, son aéroport désert et ses quelques avions de fret aérien. Après c'est deux voies jusqu'aux quatre voies du contournement de Lachute, puis deux voies de nouveau avec zones de dépassement occasionnelles jusqu'à la ville de Gatineau. Et n'oubliez pas: il n'y a qu'un seul secteur de restauration, à Lachute. Entre Lachute et Gatineau, rien que des paysages…

L'autoroute 50, au-delà de l'absence à peu près totale de stations d'essence, de restos et d'aires de repos, a tous les défauts de sa construction en slalom - de deux à quatre à deux à trois à deux à quatre voies, et ainsi de suite. Vous voulez rouler à 100? Bonne chance! Vous pourriez devoir suivre un lambin à 80 ou 90 sans possibilité de dépasser ou, plus souvent, vous retrouver avec un casse-cou qui voudrait bien propulser son bolide à 130 ou 140 et qui vous grimpe presque sur le pare-choc arrière en attendant la prochaine voie de dépassement.

Parfois, aucun panneau n'indique l'élargissement de l'autoroute, ou son rétrécissement après un bout à trois voies. On voit ça et là, comme partout, des affiches indiquant la présence de cerfs (orignaux je ne suis pas sûr) mais aucun avertissement du danger des troupeaux de dindons, parfois nombreux et toujours menaçants. Heureusement ces bestioles peuvent voler sur de courtes distances et ainsi éviter votre pare-brise de peu… Des croix plantées au bord du chemin marquent l'emplacement d'accidents mortels survenus sur la 50… Plus qu'ailleurs? Je ne sais pas…

Mon GPS de voiture, qui ne reconnaît pas les nouveaux tronçons de l'autoroute, appelle la 50 «Maurice-Richard» mais il se trompe (de fait il se trompe souvent, j'ai un GPS pourri…). On cherche toujours un nom à cette «route-autoroute»… Il me semble que Maurice Richard mérite mieux… Un joueur célèbre de hockey a grandi dans une ville que traverse la 50… Guy Lafleur, à Thurso, mais lui aussi mérite décidément mieux que ça…

Le nom «Louis-Joseph Papineau» irait comme un gant à la 50, surtout que l'autoroute traverse la Petite-Nation où l'ancien chef patriote est enterré, sur le territoire de son ancienne seigneurie. On dira sans doute que lui aussi aurait droit à une véritable autoroute à quatre voies, mais en attendant que cela se réalise un jour, d'ici l'an 2100 ou après, inscrire le nom de Louis-Joseph Papineau sur les cartes routières du Québec a tout de même du mérite.

Et si jamais un jour on a à Québec un gouvernement avec un peu de vision, ou des députés qui voient un peu plus loin que leur réélection, on pourrait rappeler que cette autoroute devait aboutir à la 40 et servir de lien entre la capitale, la métropole et la quatrième région urbaine du Québec, Gatineau, avec près de 300 000 habitants. Mieux encore, en la prolongeant vers le nord-ouest et en complétant la 148 vers l'Abitibi-Témiscamingue (il ne manque que 150 km), la 50 pourrait devenir un axe Abitibi-Outaouais-Montréal-Québec au lieu d'un cul-de-sac aboutissant aux ponts vers l'Ontario…

«Montréal a eu son tour, Québec a eu son tour»… C'était en 1970… L'Outaouais attend toujours…



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