S'il y a une chose que les Franco-Ontariens devraient avoir bien appris, c'est ce qui finit par leur arriver quand ils sont entièrement à la merci d'une majorité ou d'une direction anglophone... C'est pour cette raison qu'ils ont lutté et obtenu de peine et de misère le droit d'administrer leurs propres écoles et leurs propres commissions scolaires de langue française. Et que dire de l'hôpital Montfort. Laissé aux « bons soins » de Queen's Park, il aurait cessé d'exister. Grâce à une décision heureuse des tribunaux, il a échappé aux griffes de vous-savez-qui et appartient maintenant à la communauté franco-ontarienne.
Les francophones de la grande région d'Ottawa n'ont pas eu la main aussi heureuse en éducation supérieure et en affaires religieuses. En effet, deux institutions où ils ont été longtemps en majorité (ils ne le sont plus) et où ils se sont considérés chez eux, l'Université d'Ottawa et l'Archidiocèse catholique d'Ottawa, leur échappe de plus en plus. Dans un éditorial intitulé « Espaces francophones » et publié dans Le Droit en octobre 2005, j'avais évoqué cette situation et invité l'Université d'Ottawa à songer à des solutions, y compris la création possible - tout au moins - d'un campus de langue française.
L'Université d'Ottawa
Quelques jours plus tard, le recteur Gilles Patry et quelques-uns de ses adjoints venaient nous rendre visite, au journal, pour discuter de la situation. Ces derniers avaient vaillamment plaidé leur cause, notant avec justesse l'augmentation de l'offre et de la qualité des programmes en français de l'Université d'Ottawa. Ils avaient aussi insisté sur le fait que l'administration de l'Université restait largement francophone et qu'il y avait là une protection de taille pour la francophonie ontarienne. Oui, ai-je alors dit au recteur, mais qu'arrivera-t-il le jour où un anglophone vous remplacera, et cela finira bien par arriver un jour...
Le recteur Patry devait quitter son poste quelques années plus tard et a été remplacé en juillet 2008 par Allan Rock, un anglophone assez bilingue, ancien ministre libéral fédéral sous Jean Chrétien. On dira ce que l'on voudra, mais ils ont été rares, dans l'histoire canadienne, les anglophones en position de pouvoir qui ont pris le bâton de pèlerin pour promouvoir les droits des francophones. Dans tout le cafouillage récent entourant la protection (ou pas) de l'Université d'Ottawa en vertu de la Loi ontarienne sur les services en français, la direction de l'institution a été plus qu'hésitante...
Dernièrement, le recteur Rock parle d'un possible campus de langue française dans la région de... Windsor. Surtout pas où se situe la masse des 10 000 et plus étudiants francophones de l'Université... c'est-à-dire à Ottawa même. Et hier, dans cette ambiance de flottement, on apprend qu'il y aura au coeur du campus un « Monument de la francophonie », sauf que contrairement aux autres monuments du même genre ailleurs dans la région, il n'y aura pas de drapeau franco-ontarien géant. Selon un article du Droit, « l'Université s'est opposée à cette idée afin de ne pas froisser la communauté anglophone » !
Froisser la minorité franco-ontarienne n'a jamais dérangé personne dans cette province, mais faut-il que Dieu nous protège de tout ce qui pourrait alimenter la paranoïa anglo dans la capitale fédérale? Pas de drapeau au coeur du campus pour ne pas « froisser » les Anglais? Manquer de couilles à ce point relève du scandale et et j'espère qu'au moins quelques dirigeants franco-ontariens se chargeront de frotter publiquement les oreilles du recteur à ce sujet. Si on mouille ses caleçons à cause d'un mat et d'un drapeau, que fera-t-on devant le beaucoup plus sérieux dossier d'une université francophone?
L'Archidiocèse d'Ottawa
Du côté de la religion, l'Archidiocèse d'Ottawa est dirigé depuis 2007 par un anglophone, Mgr Terrence Prendergast. Sans doute un sympathique bonhomme, mais dans l'histoire de l'Ontario, d'autres évêques de langue anglaise - y compris Mgr Fallon et Mgr Smith - ont beurré leurs « toasts » avec notre foi et notre langue depuis l'époque du Règlement 17. On nous pardonnera de conserver une méfiance qui résulte largement de l'expérience vécue.
Quoiqu'il en soit, et tout en admettant que les églises se vident et qu'il faut bien en fermer ici et là, les paroisses canadiennes-françaises d'Ottawa ont été au coeur des luttes linguistiques du dernier siècle et les temples sont des monuments culturels autant que religieux. Il est sans doute difficile de faire comprendre à un anglophone - fut-il archevêque - l'émotion que peuvent ressentir des Franco-Ontariens devant l'église Ste-Anne ou l'église St-Charles. Les paroissiens francophones de la Basse-Ville ont perdu leur église et ont été annexés à une paroisse « bilingue »...
Dans le secteur Vanier, on discute maintenant de l'église St-Charles, « véritable phare de la francophonie » qui a vu la naissance de l'ancien Ordre de Jacques-Cartier (la Patente) en 1926. L'archidiocèse a fermé l'église en 2010, et, selon un article récent du Droit, on est « sans nouvelles de l'archidiocèse depuis plus d'un an ». Tous les soupçons sont permis... et on jugera aux résultats.
L'histoire a démontré que la charité chrétienne, même au sein de l'Église catholique ontarienne, ne s'étendait pas toujours aux francophones. On a des commissions scolaires linguistiques. Pourquoi pas des diocèses aussi? Au moins les francophones régleraient leurs propres affaires.
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