Les attitudes des francophones du Québec, autant que chez les Acadiens et Canadiens français des autres provinces, sont difficiles à comprendre. D'un côté, à voir les sondages, une immense majorité, atteignant parfois 90%, estime - avec raison - que le français est en danger dans notre coin d'Amérique. De l'autre, dans des proportions frisant le 95%, ces mêmes gens sont d'avis que tous les jeunes francophones devraient être bilingues avant la fin du secondaire...
Il y a ici une contradiction flagrante... Ou bien on veut créer au Québec, et dans certaines régions limitrophes, des espaces où le français reste ou devient la langue commune et où la majorité de la population peut vivre (et travailler) à peu près uniquement en français... ou on abdique et on consent à ce que même au Québec, le bilinguisme soit la norme dans un nombre croissant de milieux de travail (notamment dans la région métropolitaine et en Outaouais) et que la compétence en anglais soit une exigence incontournable. Et avec cette seconde option, le Québec est condamné, à plus ou moins long terme, à devenir une seconde Louisiane dans un Canada unilingue anglais !
Ce n'est pas un constat alarmiste. C'est un regard lucide sur l'évolution que vivent les minorités francophones hors-Québec depuis la Confédération. Jusqu'à la Confédération, en 1867, ces minorités vivaient souvent isolées et avaient conservé parler et coutumes de leurs ancêtres québécois et français. Alexis de Toqueville, dans ses écrits des années 1830, avait été sidéré de rencontrer dans la région des Grands Lacs (dans l'actuel État du Michigan), un homme d'apparence autochtone qui parlait le français avec un pur accent de Normandie. Il était Métis (sa mère étant originaire du Bas-Canada).
C'est à partir de cette rencontre qu'il s'était frayé un chemin jusqu'à Sault-Sainte-Marie, en Ontario, alors peuplé majoritairement de francophones, puis jusqu'à la vallée du Saint-Laurent. Ses rencontres avec les différentes communautés l'avaient amené à conclure que la « vieille France », si elle existait toujours, se trouvait en terre d'Amérique. Avec la Confédération, on a jugé bon de protéger seulement les Anglo-Québécois, laissant les francophones des autres régions à la merci de majorités anglophones qui n'ont pas hésité, dans toutes les provinces, entre 1871 et 1912, à abolir les quelques droits jadis reconnus aux habitants de langue française.
On s'attaqua d'abord aux écoles acadiennes du Nouveau-Brunswick en 1871, et le reste suivit en cascade, en y ajoutant la répression des Métis, la pendaison de Riel et la crise du règlement 17 en Ontario. Par des lois discriminatoires, on a forcé la « bilinguisation » des jeunes générations, et l'érosion des communautés traditionnelles s'est intensifiée au fil des décennies, particulièrement dans les régions les plus urbanisées. Ce bilinguisme collectif a graduellement sapé l'identité culturelle et nationale qui cimentait ces groupes, au point où aujourd'hui, une proportion croissante (plus du tiers?) des francophones hors-Québec s'attribuent une double identité, se disant « bilingues ». Et ce bilinguisme de masse apparaît clairement comme une étape vers de futures générations unilingues anglaises.
Une analyse des données de recensements successifs révélerait sans doute une corrélation étroite entre la « bilinguisation » et l'accélération de l'anglicisation. Récemment, des membres de l'Association canadienne-française de l'Ontario de la région de Cornwall (pourtant à proximité du Québec) se sont dits inquiets devant l'assimilation croissante des francophones. S'ils comparaient les données des recensements de 1971 (le premier à recenser la langue d'usage, c.-à-d. la la langue la plus souvent parlée à la maison) et celles de 2011, ils s'inquiéteraient encore davantage.
En 1971, près de 40% des 47 000 résidents de Cornwall se disaient de langue maternelle française, et près de 82% de ce nombre parlait français plus que toute autre langue à domicile. De plus environ 15% des Franco-Ontariens de Cornwall (plus de 2 600) ne parlaient que le français - sans doute en forte majorité de jeunes enfants et des personnes âgées ayant grandi à une époque où le milieu était toujours homogène français. Mais en 2011, non seulement la population de langue maternelle française ne représente-t-elle plus que 25% de la population totale de 45 000 personnes, mais il ne reste plus que 5 350 résidents dont le français est la langue d'usage, et à peine 500 individus unilingues français (moins de 5% de la communauté). Le taux de persévérance du français a chuté en 40 ans de 82% à 48% !
Des analyses semblables pour d'autres régions urbaines de l'Ontario donneraient des résultats similaires. Moins il y a d'unilingues français, plus la collectivité est bilingue, plus le taux de persévérance du français diminue dans la génération suivante. Si on ne réussit pas à créer et protéger des espaces où il est normal de vivre en français, où l'anglais n'est pas nécessaire pour la majorité, mieux vaut abandonner tout de suite. Le Québec sera français ou il sera anglais, mais il ne sera pas bilingue. Le bilinguisme et le plurilinguisme individuel constituent un enrichissement, mais le bilinguisme collectif n'est q'une étape - douloureuse - vers un éventuel unilinguisme anglais...
Allez voir ce qui s'est passé hors Québec, et ce qui se passe de plus en plus souvent dans certains coins de l'Outaouais et de la région montréalaise... Plus on s'informera, plus on se convaincra que le projet de loi 14 conserve toute sa pertinence...
Assimilation en Écosse
RépondreSupprimerComment la langue minoritaire est remplacée par la langue dominante!
The process in which a minority language is gradually replace by a dominant language is called language shift.
https://www.facebook.com/#!/photo.php?fbid=10151620698153140&set=o.210185622366392&type=1&theater
http://whyquebecneedsindependence.blogspot.ca/2013_03_01_archive.html
Merci du lien à cet article que je n'avais pas lu.
SupprimerPierre A.
Et celui-ci, vous connaissez ?
RépondreSupprimerhttp://www.lautjournal.info Le bilinguisme et l’assimilation en douce
Le moyen le plus intelligemment efficace de faire disparaître une langue est de rendre les locuteurs minoritaires bilingues par Paul Daoust, linguiste.
Merci de m'en informer.
SupprimerPierre A.