lundi 27 juin 2016

Qui bene amat, bene castigat...

Le fait que «les écrits restent» les valorise, sans aucun doute, mais c'est aussi un problème. Parce qu'en fin de compte, tout reste... le bon comme le mauvais, le vrai comme le faux.

Le milieu de la presse écrite, celui que je connais le mieux, vit tous les jours avec cette réalité. Quand le journal est imprimé, les fautes - et il y en a toujours - sont là pour l'éternité.

Si la faute est suffisamment grave, on publiera le lendemain ou surlendemain un «erratum», signifiant qu'une erreur a été commise et qu'on apporte le correctif requis. Parfois, pour sembler moins coupable, on parlera de «précision»…

Mais que faut-il faire quand une erreur de fond, portant sur un enjeu important, n'est pas corrigée? Une salle de rédaction n'a rien d'une démocratie, et il n'existe - à l'interne et à l'externe - aucun mécanisme efficace et rapide pour imposer à la direction d'un quotidien la publication rapide d'un correctif…

La conséquence? Pour les chercheurs de l'avenir, qui fouilleront dans les archives médiatiques sur Internet ou dans des chemises de coupures de presse, l'erreur fera loi. Dans 50, 100 ou 200 ans, si cette planète existe toujours, il n'y aura aucun moyen de rétablir les faits avec certitude…

Je le fais donc aujourd'hui pour trois nouvelles du quotidien Le Droit. On me pardonnera de cibler mon ancien quotidien, mais c'est celui que je reçois le matin à la porte, version papier (ainsi que Le Devoir),  et celui auquel je tiens le plus. Qui aime bien châtie bien…

J'ai la certitude que si je vivais à Trois-Rivières ou Sherbrooke, et que j'épluchais le matin Le Nouvelliste ou La Tribune, j'en trouverais de semblables...

1. La plus récente, publiée le samedi 25 juin, sous le titre L'approche conditionnelle d'Allan Rock.


Dans le second paragraphe, on peut lire: Contrairement aux messages qui ont été véhiculés dans les médias, Allan Rock (recteur de l'Université d'Ottawa) assure ne pas être opposé au projet d'une université francophone en Ontario. Je ne sais pas de quels messages médiatiques on parle, mais une chose est sûre et Le Droit en a la preuve. Allan Rock était clairement opposé au projet d'université française en Ontario. Il l'a écrit lui-même dans le texte ci-dessous, signé de sa main, et publié dans Le Droit, en octobre 2014.

L'éditorialiste Pierre Jury, également dans l'édition du 25 juin du journal, rappelle ce texte d'opinion du recteur et affirme sans détour que M. Rock ne craint pas de dire une chose et son contraire. Voir l'éditorial à ce lien: bit.ly/28VD26L, et le texte du recteur ci-dessous:


C'est le recteur lui-même, et non quelque journaliste l'ayant interprété, qui a véhiculé un message clair d'opposition au projet d'université franco-ontarienne. La formulation du texte de nouvelles constitue une erreur dans la mesure où on laisse le recteur blâmer sans fondement les médias.

2. Le texte du 11 juin 2016 sous le titre Université franco-ontarienne: le Grand Toronto privilégié



L'erreur se produit dès le début du texte quand le journaliste affirme: Le comité chargé de se pencher sur la faisabilité du projet d'université franco-ontarienne propose d'accueillir la première cohorte d'étudiants en 2020 dans un campus situé dans le Grand Toronto. La même description du comité est reprise en page éditoriale. Le problème tient à l'inexistence d'un tel comité !

Le rapport en question avait été préparé par un comité régional du centre-sud-ouest ontarien (Toronto et les régions au sud et au sud-ouest) et portait sur l'éducation post-secondaire de langue française (collégiale et universitaire) dans cette région seulement. Cette information était clairement indiquée dans le rapport et reconnue depuis par les principaux interlocuteurs.

D'autres textes, y compris sur mon blogue (voir bit.ly/1Xg5eqp, ainsi que bit.ly/28XezjO), ont clairement établi le mandat purement régional, et non provincial, du comité. Quand un chercheur de l'an 2300 fouillera pour trouver le rapport de février 2016 sur la faisabilité du projet d'université franco-ontarienne, il cherchera en vain. Et il ne trouvera pas d'erratum…

3. Les titres du 14 août 2015, et notamment Pas d'anglais à la ville (de Gatineau) à la une et le titre L'anglais n'est pas nécessaire en page 3.



Le problème ici ne tient pas au texte, mais aux titres, clairement erronés et très en évidence. La nouvelle porte sur une décision de la Cour supérieure du Québec, accréditant une sentence arbitrale sur les exigences de bilinguisme au sein de la fonction publique municipale de Gatineau.

La décision de la Cour indique très clairement que la ville peut exiger l'anglais et le français d'un employé si la connaissance de l'anglais est nécessaire pour l'accomplissement des tâches liées à un poste. Or, dans le cas soumis à la Cour (celui d'un commis aux finances), la ville n'a pas réussi à démontrer cette nécessité, selon l'arbitre de première instance, puis selon le tribunal.

Les deux titres sont erronés. Je n'ai pas vu d'erratum. Je laisse un lien au texte du 14 août 2015, en page trois du journal: bit.ly/1DPqDin.

Conclusion

Ce texte de blogue ne se veut pas un blâme à l'endroit des auteurs de ces erreurs. Dieu sait qu'à l'époque où j'étais chef des nouvelles et rédacteur en chef, nous avons souvent piqué des crises en ouvrant le journal et en constatant des erreurs… Mais j'ose espérer que nous les avons corrigées avec diligence à la première occasion.

Alors, chercheur ou chercheuse de l'an 2300, en fouillant le vieux Web du 21e siècle, peut-être trouverez-vous cette offrande d'une certaine utilité…

Autre conclusion

Si, par hasard, des errata ont été publiés et que je ne les ai pas vus, je ferai vite mon propre erratum.

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