Je rédige ce texte le 3 septembre 2015. Peut-être pourrai-je pouvoir écrire autre chose d'ici quelques semaines mais pour le moment, le paysage électoral dans la circonscription de Gatineau est désolant pour quiconque arbore des sympathies bloquistes. À se promener dans les rues de la ville (le territoire à l'est de la rivière Gatineau, sauf les secteurs Masson et Angers), on ne croirait absolument pas que la population avait élu ici un député du Bloc québécois, Richard Nadeau, aux élections fédérales de 2006 et 2008…
J'ai roulé sur plusieurs des artères principales de l'est de Gatineau (le secteur le plus francophone), et j'ai entrevu une seule petite affiche électorale du Bloc, sans mention du candidat, dans un océan de grosses pancartes conservatrices et libérales, auxquelles s'ajoutent depuis quelques jours un nombre croissant de pancartes néo-démocrates aux couleurs de la députée sortante - élue en 2001 dans la vague orange avec une majorité de près de 25 000 voix… Et à moins d'un cataclysme, elle sera facilement réélue...
Pour les souverainistes, Gatineau a toujours été une terre de mission. Pas que la majorité de la population soit nécessairement fermée à l'option, mais ici la faction anti-séparatiste, menée par la vieille garde libérale, est particulièrement hostile et hargneuse. L'ancien député libéral de Hull-Aylmer, Gilles Rocheleau (avant qu'il ne se convertisse lui-même au Bloc), disait jadis qu'il allait jusqu'à se réveiller la nuit pour haïr les séparatistes… De tels excès d'intolérance - chez certains ça devient presque de l'intimidation - couvent encore aujourd'hui, un peu partout, et effraient sans doute de nombreux citoyens qui pourraient être tentés d'aider le Bloc sur le terrain…
Malgré tout, bon an mal an, entre 20 et 30% (parfois moins, parfois plus) de la population gatinoise coche le nom d'un candidat ou d'une candidate indépendantiste aux élections québécoises et fédérales. Une minorité largement silencieuse, discrète, qui refuse de se dévoiler dans un milieu dominé par l'appareil fédéral (le Parlement canadien est bien visible de la rive gatinoise de l'Outaouais), et un environnement où la chasse aux souverainistes est toujours ouverte.
Les gens d'ici ont-ils raison de craindre d'appuyer ouvertement le Bloc, ou le PQ? Peut-être que non, peut-être que oui. Mais je peux les comprendre. Le climat actuel, au fédéral, est répressif. À Québec aussi. Et les couteaux volent bas. Par contre, les vieilles machines ont perdu de leur force. Aux dernières élections fédérales, le candidat du PLC (le même qu'en 2015), a terminé troisième, derrière le NPD et le Bloc québécois, avec seulement 14% des voix… Et cette semaine, quand Justin Trudeau est venu visiter la circonscription, on a organisé l'événement à un Tim Hortons - un endroit où on savait qu'il y aurait achalandage avec ou sans politicien vedette...
Jusqu'à maintenant, donc, visuellement, c'est une guerre de pancartes que les partis se livrent. Les libéraux ont été les premiers à décorer poteaux et lampadaires avec leurs affiches étranges, aux couleurs sombres d'un film de vampires. Rouge et noir. Le candidat est mis en vedette en plein centre. Suivent en bien plus petits caractères le nom de la circonscription, le nom du chef et le nom du parti. Le «L» libéral avec la feuille d'érable orne le coin gauche, tout en haut. En tout cas, ça frappe...
Les pancartes conservatrices ont suivi, plus grosses, également axées sur le nom et la photo du candidat, Luc Angers, ancien porte-étendard de la CAQ aux élections québécoises. Le nom du parti reste assez petit, mais plus visible que sur les affiches libérales, et la photo du candidat est positionnée - bien sûr - à droite… Le parti de Stephen Harper n'avait récolté qu'un maigre 8% des voix ici au scrutin de 2011, mais à voir le nombre de pancartes (plus que le PLC), les coffres du parti doivent être bien garnies… Mais ses chances sont nulles...
Les plus récentes sont celles de Françoise Boivin, du NPD. Encore une fois, l'accent sur la candidate (positionnée à gauche cette fois), avec le nom du parti et du chef en petits caractères. Je crois qu'elle était la députée néo-démocrate à avoir récolté la plus forte proportion de voix au Québec en 2011 - 62%. Faut dire qu'elle ratissait large, ayant été auparavant députée libérale de la même circonscription et profitant, par surcroit, des filets de la pêche miraculeuse du sympathique Jack. Si le NPD perd Gatineau en 2015, il sera anéanti partout… et personne n'envisage présentement une telle éventualité.
Reste le Bloc québécois, avec son jeune candidat, Philippe Boily, issu d'Option nationale, que je ne connais pas mais qui se présente - dans les photos que j'ai vues en tout cas - en veston et noeud papillon, comme un vieux prof d'université… Le verra-t-on sur nos lampadaires, présentement peuplés des binettes de ses adversaires? Aura-t-on la chance de voir ici en Outaouais ces belles pancartes bleues avec le merveilleux slogan «Qui prend pays prend parti» ? Dira-t-on aux citoyens d'ici que l'option souverainiste est toujours disponible pour ceux et celles qui y croient et qui désirent voter en conséquence? Pour le moment, il règne un silence de mort...
On ne sait jamais ce qui se peut se produire dans le dernier droit d'une campagne électorale… Et malgré l'avalanche de sondages décourageants que les médias nous infligent, jour après jour, les militants ont le devoir d'optimiser la performance de leur parti - peu importe le parti, peu importe la cause. Sinon, quel sens aura la démocratie? Pour le Bloc, cela signifie - tout en restant réaliste - de travailler fort pour aller chercher, dans Gatineau, le 15, 20, 25 ou 30% de voix sympathiques à la cause souverainiste, même si les chances de gagner sont à peu près nulles.
Le travail amorcé en septembre et en octobre 2015, s'il ne donne pas de résultats immédiats, servira tout au moins à préparer le terrain pour le scrutin québécois de 2018, bien plus important. Où sont-elles, ces pancartes du Bloc???
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