N'étant pas un grand amateur de spectacles, et m'arrivant parfois d'être l'un des seuls à marmonner au coeur d'un auditoire enthousiaste, c'est avec un brin d'hésitation que j'allais en fin de semaine (dimanche 6 septembre) avec mon épouse à la présentation de Ça s'est passé en Riponnie, un grand déploiement de talents locaux pour célébrer les 150 ans du village de Ripon. Le tout avait lieu dans l'église paroissiale qui, pour l'occasion, servirait de salle de théâtre… sans climatisation alors que la température ressentie à l'extérieur devait friser les 40 degrés selon la météo…
Après trois heures sur un banc de bois inconfortable dans l'église bondée de Saint-Casimir de Ripon (région de la Petite-Nation, en Outaouais), il n'y avait plus de doute... il faisait vraiment très chaud. Et pourtant, j'y serais bien resté quelques heures de plus pour applaudir à tout rompre une seconde représentation! Ripon a beau être un village d'à peine 1500 âmes, cette mise en scène de son épopée d'un siècle et demi aurait fait honneur à la plus grande des métropoles! Animation, décors, textes, interprétations, narration, musique et chansons… tout était parfait!
Oh, les organisateurs vous diront qu'il y a eu ça et là des pépins, et je les crois. Il y en a toujours. Mais le public ne les a pas vus, et les multiples ovations d'une salle comble attestent à la fois la qualité et l'authenticité des scènes illustrant la colonisation, les chantiers forestiers, l'ancienne vie paroissiale, la conscription et la guerre, les carnavals d'hiver, les nouveaux arrivants et la transition vers le 21e siècle. Du plus humble participant aux nombreuses vedettes (solistes, comédiens, musiciens), chacun, chacune aura contribué à créer - ainsi que le promettaient les organisateurs - « un spectacle dont on parlera longtemps dans les chaumières de Ripon»… et ailleurs!
De fait, si le comité du 150e de Ripon ne mérite pas des prix majeurs, régionaux ou nationaux, pour Ça s'est passé en Riponnie, ainsi que pour son livre du 150e anniversaire, intitulé Ripon, j'ai la couleur d'une rivière, publié sur papier glacé à l'automne 2014, il y a quelque chose de pourri dans les royaumes de l'Outaouais et du Québec. Ceux et celles qui en doutent n'ont qu'à se procurer le livre, une addition de qualité à toute bibliothèque, ou le DVD du spectacle, qui sortira sûrement bientôt. Je n'aurais aucune hésitation à les comparer à tout ce qui s'est fait ailleurs ces dernières années…
La recherche historique menant au livre et au spectacle a été intense et exhaustive. Le volume de plus de 250 pages est finement rédigé et richement illustré. Au spectacle, dans la scène des chantiers, quand un bûcheron lit une lettre de son épouse à son frère (photo ci-dessous), le document est authentique. Les costumes des différentes époques le sont tout autant. Et l'ensemble brosse un tableau captivant d'une collectivité aux facettes les plus diverses.
Du début à la fin du spectacle, dans mon esprit, plusieurs images se sont superposées. Les origines métisses des fondateurs, leur refus de payer des redevances seigneuriales excessives, leur poussée vers un nord sauvage, hors des limites du domaine des Papineau. Les durs labeurs de la vie agricole, l'exil des hommes vers les chantiers en hiver. Les luttes intestines causées par les crises de la conscription. Le conflit incessant entre les règles sévères de l'ancienne religion et les tentations discrètes de rébellion, pour s'en libérer. L'évolution dynamique d'une communauté tricotée serrée, à la fois réticente et accueillante envers les «étranges». La fierté de tous et de toutes.
Durant l'interprétation de Gens de mon pays, de Gilles Vigneault, je me suis rendu compte que les paroles pouvaient évoquer les résidents de Ripon, autant que ceux de Natashquan, quand notre barde national chante ce vaste pays «où vous vous entêtez à jeter des villages». Et cet hymne finit sur le désir universel de liberté, comme la finale de La bitt à Tibi, magnifiquement interprétée par la famille Céré-Bélisle (qui ferait un malheur n'importe où). Enfin, pour ceux qui pourraient douter de l'accueil envers les gens d'ailleurs, ce spectacle québécois pur-laine comptait parmi ses figurants et chanteurs des Riponais d'origine anglo-ontarienne, latino-américaine et belge flamande, entre autres.
Ginette Séguin, conceptrice du spectacle du 150e.
quel bel article... vous avez tout dit.. MERCI
RépondreSupprimerÇa nous a pris droit au cœur. Et tant de gens y ont mis tout leur cœur pour le réaliser. --- Oui y'a du talent et de l'énergie à Ripon.
RépondreSupprimer