À l'approche de la Journée d'«Appel à l'action» (18 février) pour une université franco-ontarienne (http://on.fb.me/1QfRzHr), un événement que je considère majeur est passé «relativement» inaperçu… Il s'agit de «l'installation» de Calin Rovinescu, nouveau chancelier de l'Université d'Ottawa (l'université des Franco-Ontariens, selon le recteur sortant Allan Rock), le 5 février 2016…
Cette nomination quasi scandaleuse du chef de l'administration d'Air Canada, une société moult fois dénoncée par le Commissaire aux langues officielles Graham Fraser, s'était déroulée dans une ambiance de secret et de censure en novembre 2015, lors de votes tenus par téléphone à la dernière minute et sans débat. Les demandes médiatiques d'information, et il n'y en a pas eu une tonne, se sont heurtées au mur de silence d'une direction universitaire qui se ose se prétendre transparente…
Au-delà des critiques acérées sur mon très humble blogue (voir liens à la fin du texte), d'autres médias - y compris Le Droit, TFO, La Rotonde et Radio-Canada - se sont intéressés à cette nomination, et à son apparente contradiction de la mission de promotion de la langue française de l'Université d'Ottawa. Le Droit, en particulier, a consacré au choix plus que douteux de M. Rovinescu un éditorial (voir http://bit.ly/1lwnWKy) qui fait honneur à la tradition combative du quotidien, historiquement défenseur des causes franco-ontariennes.
Puis, après quelques jours, plus personne n'en a parlé. Restait à venir cette «installation», l'espèce de cérémonie officielle qui marque l'entrée en fonction du nouveau chancelier. Après la laconique déclaration du Service des communications de l'Université, le 9 novembre, et la bouche cousue de l'ensemble des membres du Bureau des gouverneurs et du Sénat universitaire, les médias ne seraient convoqués qu'à l'installation, début février…
On était en droit de s'attendre, pour cette grande occasion, à un discours du nouveau chancelier, et à une rencontre avec les représentants des journaux, de la télé, de la radio et du Web… M. Rovinescu mettrait sûrement les points sur les «i» en matière d'engagement envers la langue française et la collectivité franco-ontarienne, y ajoutant peut-être - sait-on jamais - un commentaire sur le respect des langues officielles à Air Canada…
En bien non… la déception a été totale (ou presque). L'installation fut une gigantesque «photo-op» et guère plus… Si on se fie au texte publié sur le site Web de l'Université, le chancelier entrant n'a pas dit un traitre mot au sujet de la situation linguistique à Air Canada… ni au sujet de la mission francophone et franco-ontarienne de l'Université d'Ottawa. Zéro, un gros zéro! Et pire, après le discours, la journaliste du Droit sur les lieux, Justine Mercier, a rapporté que M. Rovinescu n'a pas accordé d'entrevue aux médias… On doublait l'injure d'un affront… et je n'ai vu aucune protestation dans nos médias de langue française...
Ce que l'on ne savait pas, cependant, dans la troupe médiatique habituelle, c'est que le chancelier avait accepté de répondre à quelques questions de deux reporters du journal étudiant de langue française de l'Université d'Ottawa, La Rotonde, Yasmine Mehdi et Clémence Labasse, et que l'une de ces dernières a posé la question que tous, toutes auraient dû lui proposer. Je rapporte ici un passage du texte (http://bit.ly/1RCimTS) qu'a publié La Rotonde:
«La Rotonde: Votre prédécesseur, Michaëlle Jean, est une grande dame de la francophonie. Comment voyez-vous votre rôle après elle? Il est de notoriété publique que les politiques de bilinguisme de votre compagnie, Air Canada, ont souvent été critiquées par le Commissaire aux langues officielles…
Calin Rovinescu: On va continuer avec les initiatives que Mme Jean a démarrées. Quand on a quelqu'un comme elle avant nous pour identifier des priorités, il est nécessaire de les réattribuer dans mon mandat et de les continuer. Et sinon, Air Canada est probablement une des compagnies les plus bilingues au pays. Il existe un débat, certes, mais celui-ci n'a rien à voir avec l'Université.»
Dans le texte de son discours d'installation que reproduit le site uottawa.ca (http://bit.ly/212qOy1), autre que de mentionner que l'Université d'Ottawa est devenue la plus grande université bilingue du monde, M. Rovinescu a relégué aux oubliettes tout ce que le recteur Rock avait affirmé en grande pompe pour justifier un abandon du projet d'université franco-ontarienne. Sans doute un peu dans le même esprit que la gestion anglo-dominante d'Air Canada…
Faire preuve de courage, dit-il dans son texte d'installation, c'est «contribuer à faire avancer la diversité, l'environnement, les droits de la personne et les programmes sociaux», y compris la promotion des femmes à des postes de direction. Mais la francophonie? Les causes franco-ontariennes? Ça, il n'en dit rien… Heureusement que les deux scribes de La Rotonde l'ont interrogé là-dessus… on a pu apprendre que son programme était déjà tout tracé grâce à Mme Jean et que - rassurez-vous - le «débat» sur le bilinguisme à Air Canada n'avait vraiment rien à voir avec les qualités qui le prédestinent à la chancellerie…
Cette semaine, le 18 février, quand des centaines (des milliers j'espère) d'étudiants et d'étudiantes de l'Ontario français se rassembleront à Toronto pour tenter de débloquer le dossier de l'université franco-ontarienne, ils pourraient mijoter ces paroles presque méprisantes du nouveau chancelier de l'université «bilingue» d'Ottawa. Et que dire des silences coupables de M. Rovinescu, qui a réussi à prononcer un discours de 3000 mots sans dire «francophone» ou «franco-ontarien» une seule fois…
Ces silences sont à l'image du manque flagrant de volonté politique à Queen's Park. Ils font partie de cette toile d'immobilisme qui étouffe le projet d'université de langue française depuis les années 1960…
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Université d'Ottawa: la nomination de Calin Rovinescu, une gifle pour les francophones - http://bit.ly/1HwFsrI
Calin Rovinescu, une semaine plus tard… - http://bit.ly/1H57gn7
Bonjour Monsieur Allard !
RépondreSupprimerExcellente chronique ! Je me dois cependant d'être intègre avec vous et les lecteurs, et préciser que le texte publié dans La Rotonde à été édité et condensé en raison de la longueur de l'entrevue. Lors de celle-ci, M. Rovinescu a un peu plus élaboré sur la question francophone, et a notamment dit que le fait que l'Université d'Ottawa est la plus grande université bilingue du monde est une des grosses raisons qui l'a poussé a accepté le poste, et précise qu'il a fait ses études dans les deux langues quand il était étudiant à l'U d'O (vous pouvez notamment le lire dans le texte du Fulcrum sur cet événement). Nous avons garder ce qui nous semblait cependant le plus pertinent.
- Clémence Labasse, de La Rotonde
Merci de la précision. L'important, pour les fins de mon argument, ici, cependant, c'est qu'il ait omis d'en parler dans son discours d'installation. Au plaisir.
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