C'était en octobre-novembre 1831.
« Il y a ici tous les éléments d'un grand peuple. Les Français d'Amérique sont aux Français de France ce que les Américains sont aux Anglais. Ils ont conservé la plus grande partie des traits originaux du caractère national, et l'ont mêlé avec plus de simplicité et de moralité. Ils se sont débarrassés comme eux d'une foule de préjugés et de faux points de départ qui font et feront peut-être toujours les misères de l'Europe. En un mot, ils ont tout ce qu'il faudrait pour créer un grand souvenir de la France dans le Nouveau monde. Mais parviendront-ils jamais à reconquérir complètement leur nationalité? C'est ce qui est probable sans malheureusement être assuré. »
.......
« Je viens de voir dans le Canada un million de Français braves, intelligents, faits pour former un jour une grande nation française en Amérique, qui vivent en quelque sorte en étrangers dans leur pays. Le peuple conquérant tient le haut du commerce, les emplois, la richesse, le pouvoir. Il forme les hautes classes et domine la société entière. Le peuple conquis, partout où il n'a pas l'immense supériorité numérique, perd peu à peu ses moeurs, sa langue, son caractère national. »
Alexis de Tocqueville
auteur de « De la démocratie en Amérique »
qui a visité le Bas-Canada en 1831.
extraits de « Tocqueville au Bas-Canada »
Éditions du Jour, 1973.
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Réponse de Louis-Joseph Papineau à Lord Durham après l'insurrection de 1837-1838.
« Ce n'est plus à moi à me porter l'accusateur du gouvernement anglais, comme il a été de mon devoir de le faire pendant trente ans de ma vie publique. Ce gouvernement s'est lui-même confessé coupable dans les cent vingt pages in-folio que vient de publier Lord Durham. Corruption systématique, péculats honteux, antipathies contre les peuples, exemples révoltants d'irresponsabilité dans les agents du pouvoir, accaparement du domaine public, rien ne manque à ce tableau des misères du Canada, tableau tellement hideux que son pendant ne pourra être fourni que par l'histoire d'une autre possession anglaise, l'Irlande.
« Et pourtant, l'auteur a uniformément adouci ses formules accusatrices contre l'autorité dont il est l'organe, et à laquelle il veut conserver son sceptre de plomb sur les colonies par de si pitoyables moyens, qu'il s'est perdu de réputation comme homme d'état.
« Voulant prouver que sa race favorite, la race saxonne, est seule digne du commandement, lord Durham l'a mensongèrement peinte en beau, et il a assombri par les plus noires couleurs le faux portrait qu'il a tracé des Canadiens français. Mais malgré cette avilissante partialité, je renvoie avec confiance les lecteurs équitables à cet étrange rapport, bien convaincu qu'ils en tireront cette conclusion, que les Canadiens n'ont aucune justice à espérer de l'Angleterre; que pour eux, la soumission serait une flétrissure et un arrêt de mort, l'indépendance, au contraire, un principe de résurrection et de vie.
« Ce serait plus encore, ce serait une réhabilitation du nom français terriblement compromis en Amérique par la honte du traité de Paris de 1763, par la proscription en masse de plus de vingt mille Acadiens chassés de leurs foyers, enfin, par le sort de six cent mille Canadiens gouvernés depuis quatre-vingts ans avec une injustice incessante, aujourd'hui décimés, demain condamnés à l'infériorité politique, en haine de leur origine française.
« Vrai quand il accuse le pouvoir, faux quand il accuse le peuple, le rapport de Lord Durham servira aussi à prouver que l'indépendance du Canada est un événement voulu par l'intérêt de l'ancienne comme de la nouvelle France, et par l'intérêt de l'humanité tout entière. »
Extrait de l'« Histoire de l'insurrection au Canada » (1839), par Louis-Joseph Papineau
Éditions Leméac, 1968.
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C'était en 1839.
Testament politique de Chevalier de Lorimier
« Je meurs sans remords. Je ne désirais que le bien de mon pays dans l’insurrection et l’indépendance, mes vues et mes actions étaient sincères et n’ont été entachées d’aucun des crimes qui déshonorent l’humanité et qui ne sont que trop communs dans l’effervescence de passions déchaînées.
« Malgré tant d’infortune, mon cœur entretient encore son courage et des espérances pour l’avenir, mes amis et mes enfants verront de meilleurs jours, ils seront libres, un pressentiment certain, ma conscience tranquille me l’assurent.
« Voilà ce qui me remplit de joie lorsque tout est désolation et douleur autour de moi. Les plaies de mon pays se cicatriseront après les malheurs de l’anarchie et d’une révolution sanglante. Le paisible Canadien verra renaître le bonheur et la liberté sur le Saint-Laurent; tout concourt à ce but, les exécutions même, le sang et les larmes versés sur l’autel de la liberté arrosent aujourd’hui les racines de l’arbre qui fera flotter le drapeau marqué des deux étoiles des Canadiens.
......
Chevalier de Lorimier
14 février 1839, à 11 heures du soir
Extrait du livre « Les patriotes 1830-1839 »
Les Éditions Libération, 1971.
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C'était en 1899
«
Pour les Canadiens français, la vraie patrie c’est toujours la province de
Québec. Si nous sommes attachés aux groupes français des autres provinces, c’est
par les vieux liens du sang, de la langue et des traditions; non point par le
lien politique créé en 1867. Nous nous intéressons à nos frères de l’Est et de l’Ouest parce qu’ils
sont nos frères; non parce qu’ils sont nos concitoyens. »
Éditorial du journal La Vérité (région
de Québec), de Jean-Paul Tardivel, le 8 juillet 1899, commentant la tiédeur des célébrations
entourant le Dominion Day (1er
juillet) marquant le 32e anniversaire de la Confédération de 1867.
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C'était en 1912.
La langue, gardienne de la foi, des traditions, de la nationalité
« La langue française a gardé la foi, elle a gardé les traditions du Canada français. Est-il besoin d'ajouter qu'elle a gardé également notre nationalité? Eh! qu'est-ce donc que la nationalité, si ce n'est pas les traditions nationales, si ce n'est pas la langue nationale elle-même? Tous ces éléments constitutifs, nous les possédons. Nous les possédons depuis trois siècles. Nous les possédons encore, un siècle et demi après la rupture du lien politique qui nous unissait à la vieille mère patrie de qui nous les tenons. Ils ont encore survécu au cataclysme où notre ancien régime s'est effondré. Ils ont survécu à la domination de la France sur les vastes territoires conquis jadis à son drapeau par nos explorateurs, nos soldats, nos pionniers et nos apôtres. Ils ont résisté à la persécution comme à la séduction. Loin de décroître, ils se sont développés, ils se sont fortifiés, ils manifestent incessamment sous nos yeux leur énergie puissante.
« On a quelquefois discuté, dans nos assemblées parlementaires, de la question suivante : le Canada est-il une nation? Messieurs, ce n'est pas ici le lieu ni le moment d'aborder ce problème, qui peut avoir plusieurs solutions différentes, suivant le point de vue auquel on se place. Ce Congrès n'est pas constitué en autorité pour trancher un semblable débat. Mais s'il ne nous appartient pas de décider que le Canada est une nation, au sens politique et diplomatique du mot*, parlant pour nous, et nous limitant à la constatation d'un fait historique et social, nous avons bien le droit de proclamer que les Canadiens français sont une nationalité. Oui, sur cette terre d'Amérique, où toutes les races humaines semblent s'être donné rendez-vous, nous occupons une place à part. Nos origines, disons-le avec une légitime fierté, sont d'une illustration sans rivale. Nous avons un passé, nous avons des souvenirs, nous avons une histoire, nous avons une physionomie, nous avons un nom, et tout cela constitue une personnalité nationale, qui, plus que jamais, a fixé l'intérêt intense de l'Amérique du Nord.
« Cette personnalité, quelle en est, avant tout, la marque distinctive? N'est-ce pas la langue? Oui, la langue, la chère et noble langue française est le signe national dont nous sommes marqués. »
Thomas Chapais (1858-1946), historien, journaliste et ancien ministre dans les gouvernements conservateurs de Taillon et Flynn à Québec.
Extrait de sa présentation devant le
Premier Congrès de la langue française au Canada, en 1912.
Imprimerie de l'Action Sociale Limitée, Québec, 1913.
* Le Canada était toujours une colonie britannique en 1912.
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C'était entre 1913 et 1927.
Note de Pierre Allard : J'ai été Franco-Ontarien pour les 29 premières années de ma vie, et je me souviens encore de mon grand-père paternel, Joseph Allard (né en 1895, échevin à Ottawa au début des années 1950), qui disait quand j'étais enfant : Il y a deux sortes de monde au Canada, les Canadiens et les Anglais. Ce texte parle de son époque, et est tiré du livre « Entre deux livraisons », publié pour les 50 ans du quotidien Le Droit, d'Ottawa.
« Au Canada, deux races s'affrontent parce qu'elles ont été unies d'un lien forcé, à la fois brusque et bizarre. Lors de la conquête, l'une des deux s'est soumise en conservant tous ses droits, l'autre a vaincu sans vaincre en acceptant que le perdant demeure libre et vive sur le même pied que le vainqueur. Le traité de 1763 fut moins une conquête qu'un mariage de raison.
« Mais on ne marie pas impunément deux êtres qui s'ignorent, qui ne se sont jamais recherchés ni désirés, qui dans leur coeur se rejettent comme deux étrangers, qui n'éprouvent l'un pour l'autre aucun attrait ni aucune estime, qui n'ont rien de commun : ni langue, ni religion, ni éducation, ni goûts, ni opinions, ni modes de vie. Un tel ménage est nécessairement voué aux mésententes domestiques; car tout devient problème de foyer : la soupe, le café, les rideaux, les tapis, le chien et le programme de télévision. À des journées d'incompréhension se succèdent des soirs de chicane et des nuits d'enfer. Les conjoints les plus délicats et les plus vertueux du monde ne parviendront qu'après quinze ans ou vingt ans à s'entendre, à s'estimer et enfin à s'aimer pour de bon; mais cette évolution, qui dans la vie conjugale ne dure que vingt ans, exigera bien davantage dans le cas de deux races qui s'opposent.
« Ce sera l'oeuvre de siècles. Or, au Canada, les siècles ne sont pas révolus et les deux groupes ethniques, après quelque cent cinquante ans de vie commune, en sont encore au stage des amertumes, des heurts et des continuels agacements. En somme, chacun accuse son conjoint de vouloir être roi dans sa maison. L'Anglais ne parvient pas à comprendre pourquoi ces mots puissants et irrésistibles de British Empire et de Union Jack n'enflamment point un peuple aussi fier et intelligent que le nôtre. Le Canadien français ne parvient pas à s'expliquer pourquoi dans la tête d'un Anglais, si sensée, si pratique, le simple mot Canada ou Canadien ne constitue pas un idéal par lui-même. Que vaut un God Save the King exotique, à côté de l'Ô Canada, poème de notre cru et âme de notre coeur?
« L'un voudrait que les meubles de la maison soient entièrement tapissés en bon jersey d'Angleterre, l'autre veut les couvrir en étoffe du pays. Et la querelle bat son plein de l'Atlantique au Pacifique entre l'élément majoritaire, toujours porté à jouer un rôle de mari brutal, et l'élément minoritaire, toujours tenté de prendre trop au sérieux son rôle de femme contrariée et d'épouse battue, parce qu'elle est devenue défiante, soupçonneuse et obsédée de mauvais rêves. »
Laurent Tremblay, « Entre deux livraisons », chapitre 1913-1927.
Éditions Le Droit, 1963.
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C'était en 1952.
« La grande presse d'information en général ne contribue pas à enrichir notre vie culturelle française. Tout au contraire. Par ses nouvelles mal traduites de l'anglais et remplies d'anglicismes, elle contribue à déformer chaque jour notre langue déjà appauvrie et incorrecte. Par ses nouvelles à sensation et souvent tendancieuses et par ses pages sportives, où l'on déifie les étoiles du hockey et de la balle au camp, elle détourne l'attention de nos gens des problèmes culturels et les attachent à toutes les futilités de la vie.
« Si l'on ajoute à cela la vogue que connaissent chez nous les comics et toute cette masse de revues folichonnes ou franchement immorales qui encombrent nos kiosques à journaux et nos magasins de tabacs et que lisent une bonne proportion des nôtres, on peut déclarer sans exagération que le matérialisme américain entre en toute liberté dans un grand nombre de nos foyers et sape lentement à leur base les vieux principes de foi chrétienne et les traditions françaises qui ont fait jusqu'ici la force de notre peuple. C'est à se demander si, d'ici 50 ans, une forte proportion de notre peuple ne sera pas déchristianisée et défrancisée.
« Quant à la radio, qui joue un rôle de plus en plus important dans notre mentalité, elle nous cause un tort presque aussi considérable. De nombreux et beaux programmes nous consolent à peine de la masse des programmes idiots et bêtes qui abâtardissent lentement l'esprit de notre peuple, surtout de nos jeunes. Que sera-ce, grands dieux! quand nous aurons la télévision? »
Henri Lallier, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec
Extrait de « La vie française dans le Québec », pour le Troisième Congrès de la langue française au Canada, Québec, 18-26 juin 1952.
Les Éditions Ferland, Québec, 1953.
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C'était en 1961.
Il n'y a plus de pacte entre deux nations.
« Encore une fois, un peuple ne vit pas de sempiternelles réclamations mais de Dignité.
« Encore une fois, un peuple qui veut vivre doit faire beaucoup plus que ne pas mourir.
« Cette vie intense que vous voulez pour le Canada français, vous le cherchez dans le pacte entre Deux Nations?
« Vous vous contez des histoires. Il n'y a plus de pacte entre deux nations. Il y avait un vainqueur et un vaincu. Il y avait quatre provinces qui sont maintenant dix dont l'une était, comme par hasard, française. C'est vrai qu'elle n'est pas une province comme les autres: le Québec est l'État national des Canadiens français. Mais la Confédération l'a diminué au rang de province comme les autres.
« Cette vie intense que vous cherchez pour le Canada français, vous le cherchez dans la correction d'injustices?
« Vous êtes injuste. Il n'y a pas d'injustices dans cette Confédération qui n'en est pas une. Il n'y a qu'une majorité anglophone, toujours la même, qui en vertu de la Conquête ou de la Démocratie est maîtresse incontestée d'un gouvernement; et une minorité française, toujours la même, qui en vertu de la même Conquête ou de la même Démocratie mène une vie de tutelle.
« Encore une fois, la démocratie et la nature humaine exigeront toujours que le peuple canadien-français se soumette, de gré ou de force, aux désirs de la majorité.
« Si la nation canadienne-française n'est pas satisfaite de cette confédération qui n'en est pas une, c'est à elle d'en sortir. »
Marcel Chaput, extrait du livre « Pourquoi je suis séparatiste »,
Éditions du Jour, 1961.
M. Chaput était alors fonctionnaire fédéral à Ottawa, résidant de Hull et sur le point d'être élu président du RIN (Rassemblement pour l'indépendance nationale).
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C'était en 1964.
L'afficheur hurle (extrait)
à ceux qui t'accuseront d'emboucher les trompettes
patriotiques tu répondras qu'un pays de mauvais
aloi est ton mal et ta mort
est-ce ma faute à moi si je souffre d'une terre à naître
d'une terre occupée
d'un mal qui est le bien des autres
d'une mort qui nourrit la vie des autres
oui je sais les vraies blessures ont la noble démesure
d'un vin malheureux elles sont belles elles émeuvent
et nos blessures sont grises muettes elles sonnent faux
est-ce ma faute à moi si nous mourons de vivre à demi
si notre malheur est la demi-vérité de notre confort
nous n'aurons même pas l'épitaphe des décapités des
morts de faim des massacrés nous n'aurons été qu'une
page blanche de l'histoire
même chanter notre malheur est faux d'où lui tirer
un nom une musique
qui entendra nos pas étouffés dans l'ornière américaine
où nous précède et déjà nous efface la mort terrible
et bariolée des peaux-rouges
en la ruelle Saint-Christophe s'achève un peuple jamais
né une histoire à dormir debout un conte qui finit
par le début
il était une fois... et nous n'aurons su dire que le
balbutiement gêné d'un malheureux qui ne sait
nommer son mal
et qui s'en va comme un mauvais plaisant honteux
de sa souffrance comme d'un mensonge
Paul Chamberland, poète québécois
Extrait de « L'afficheur hurle »
Éditions Parti Pris
Collection Paroles 2, 1964 (réédition 1969)
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C'était en 1965
Au Canada, « la règle du jeu constitutionnel a été faussée. Tant sur le plan scolaire que sur le plan des droits politiques, les valeurs chères aux Canadiens français ont été un peu partout escamotées, de sorte qu'ils vinrent à se croire chez eux uniquement dans la province de Québec.
« Et pis encore peut-être, là où la constitution était muette, la majorité anglophone profita de son nombre et de sa richesse pour imposer une règle du jeu social où la minorité francophone était constamment humiliée. Dans le fonctionnarisme fédéral, par exemple, et dans les forces armées, le Canadien français partait avec un handicap énorme, quand il n'était pas tout bonnement écrasé au départ. Il en alla de même dans la finance, les affaires, et à tous les niveaux de l'industrie. C'est ainsi que dans la province de Québec elle-même, depuis le rang de contremaître jusqu'à celui de président de banque, la langue anglaise devint la langue de commandement. »
........
Faute d'un « combat égal », « il se développera chez nous une mentalité d'état de siège, et nous nous replierons sur le Québec où nous pourrons le mieux soutenir un tel siège. Autrement dit, les Canadiens français risquent d'être amenés par le «nationalisme» canadien-anglais à faire évoluer le Québec vers la position d'État national et - tôt ou tard - indépendant. »
Pierre Elliott Trudeau
en 1965.
Extrait du livre « Le fédéralisme et la société canadienne-française »
Éditions HMH, 1967.
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C'était en 1966.
Mon pays, Québec ou le Canada
« Comme tous les nationalistes du Canada français, je voudrais écrire ce soir, mon pays c'est le Québec, mais précisément, le pays du Québec n'existe pas encore. Je ne le créerai ni avec des mots, ou des rêves, ni avec de la colère, de la haine, de la précipitation ou du chauvinisme. Je ne l'inventerai pas pour refuser de vivre au rythme anglo-américain, pour justifier ma faim de liberté, ou pour me venger parce que le gouvernement d'Ottawa refuse de me donner ce que je lui demande. Le pays du Québec sera si la nation le veut. »
.....
« Je ne savais pas au moment de mon départ de Dorval, en cette nuit de février 1966, combien me transformeraient mes rencontres avec certaines personnalités des Canadas anglais et français. [...] J'ai honnêtement cherché un dénominateur commun entre Canadiens de langue française et anglais, et je ne l'ai pas trouvé.
En conséquence, je reviens à la Terre-Québec plus québécoise que canadienne, parce que j'ai appris durement, douloureusement et définitivement, que pour demeurer fidèle à la ligne profonde de mon passé, de mon présent et de tout ce qui compose mon être de langue et de culture française, je dois vivre au Québec, dans un Québec qui un jour deviendra peut-être, mon pays. »
Solange Chaput-Rolland (1919-2001)
auteure, ancienne députée libérale à Québec et sénatrice conservatrice à Ottawa.
Extrait de la conclusion de « Mon pays, Québec ou le Canada »
Le Cercle du livre de France, 1966.
Mme Chaput-Rolland avait visité le Canada d'un océan à l'autre entre février et juillet 1966, et la publication du livre avait été commanditée par la Commission du centenaire du Canada.
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C'était en 1967.
« Nous savons que les anglophones sont majoritaires dans neuf des dix provinces canadiennes; les francophones, eux, sont majoritaires au Québec : voilà la situation dont il faut tirer profit. En effet, la concentration de plus de quatre millions de francophones dans une même province est le seul facteur qui donne, au départ, quelque réalité au concept d'association dans l'égalité. Le Québec est donc un milieu où les aspirations et les besoins de quatre francophones sur cinq, au Canada, peuvent être satisfaits : du seul fait de la concentration, la vie en français s'y réalise spontanément et est plus facile à organiser.
« C'est pourquoi, à notre avis, le rôle des Québécois dans la vie française au Canada doit être reconnu bien plus qu'il ne l'est dans la pratique, aujourd'hui : nous songeons en particulier au monde du travail, dans le secteur public fédéral et dans le secteur privé.
« Mais la situation a aussi un aspect politique : le Québec est la seule province où les francophones sont en majorité et les anglophones, en minorité. Cette fois, le poids du nombre joue en faveur des francophones et c'est pour eux un puissant levier. Ils peuvent d'abord exercer chez eux une influence prépondérante; il leur est en outre possible de se faire entendre par le reste du pays, notamment au Parlement fédéral, et ainsi de participer avec vigueur à la vie du Canada.
« Cela, bien entendu, ne va pas sans risque. Le problème peut donc se formuler ainsi : comment intégrer le Québec nouveau dans le Canada d'aujourd'hui, sans restreindre l'élan québécois, mais aussi sans risquer l'éclatement du pays. »
Extrait du Livre I, « Les langues officielles » du
Rapport de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme
(Commission Laurendeau-Dunton).
Gouvernement du Canada, 8 octobre 1967.
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C'était en 1967
« Revenons à l'essentiel. De la coquille morte du nationalisme de naguère, les Canadiens français sont-ils capables de libérer leurs plus vieilles solidarités et d'en nourrir enfin un projet collectif qui puisse apporter sa petite contribution à l'édification de l'humanité? Alors seulement, nous aurons des raisons de perpétuer l'homme canadien-français.
« Pour l'instant, et je l'avoue sans honte, j'en suis réduit comme tout le monde aux sentiments les plus élémentaires. Quand j'observe les piétinements et les contradictions de nos pouvoirs politiques, quand je m'enlise dans le marais de nos querelles domestiques, quand je vois passer l'heure des options décisives dans tel ou tel domaine, je confesse mon pessimisme.
« Comme bien d'autres de ma génération, mon choix est fait, car s'annonce l'âge où on ne revient plus en arrière et où on s'obstine à des fidélités jalouses. Je continuerai de vivre, d'aimer, de rêver, d'écrire au Canada français. Je ne sais trop pourquoi. Pour ne pas trahir quelque idéal obscur qui vient de mes ancêtres illettrés et qui, même s'il ne devait jamais avoir de clair visage, ramène au sens le plus désespéré de l'honneur. »
Fernand Dumont (1927-1997), sociologue, professeur, poète, philosophe, théologien québécois.
Né un 24 juin, il a participé à la création de la Loi 101.
Extrait d'un article publié dans Le Devoir à l'occasion du centenaire de la Confédération, reproduit dans « La vigile du Québec », Hurbubise HMH, 1971.
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C'était en 1973.
Un René Lévesque prophétique...
« À cause des menaces aussi bien que des promesses qui se profilent à l'horizon, il le faut pourtant (se défaire de notre mentalité de colonisés), et avant trop d'années. Les menaces : elles sont démographiques, culturelles et sociales.
« Ainsi, alentour de 1980, la dernière grande vague de natalité d'après-guerre aura atteint l'âge adulte et la société québécoise, pendant un nombre d'années dont on ne voit pas encore la fin, plafonnera numériquement. Dans un pays fédéral dont la politique d'immigration tend naturellement à renforcer la majorité anglophone, elle aurait alors toutes les chances de décliner et de commencer à subir cette assimilation par la noyade, vieux rêve du conquérant que seule notre ancestrale « revanche des berceaux » empêcha jadis de se concrétiser.
« Culturellement, il va de soi que ce déclin démographique saperait bientôt la vitalité débordante, mais encore si jeune et foncièrement complexée, du nouveau Québec français.
« Quant à l'animal social très particulier qu'est l'homme d'ici, l'occasion qui passe pour lui de se forger un contexte à la fois original et fécond, qui reflète nettement son identité et lui serve de chantier pour son apport propre à l'ascension laborieuse de l'humanité -- cette occasion risque d'être chauve terriblement vite! Les cheveux qu'elle a, s'ils ne sont pas saisis sans trop de délai, risque de tomber pour ne plus jamais repousser. Car notre version à nous de la crise universelle des structures sociales, elle s'inscrit sur un arrière-plan de fragilité toute spéciale. La société québécoise ressemble un peu au homard en saison de mue, sa vieille carapace émiettée est, jusqu'à la repousse, extrêmement vulnérable. Notre carapace, faite des valeurs de la « survivance » (cléricalisme étouffant mais encadreur, « langue gardienne de la foi », agriculturisme), achève de voler en éclats, même les plaques les plus coriaces s'écaillant peu à peu dans les régions rurales à mesure que s'effectue la relève des générations.
« Charriée par tous les courants torrentueux de notre époque, la société québécoise a donc le besoin pressant d'un nouvel encadrement, de ce minimum vital de « consensus », faisceau toujours mystérieux des liens et des modèles qu'on accepte, sans quoi elle serait, plus que toute autre peut-être, en danger de désintégration irrémédiable.
« Or, ce consensus nouveau, ce cadre vital, on n'en voit nulle part la perspective solide si ce n'est dans l'indépendance. »
René Lévesque, extrait de l'introduction au volume « Québec - Canada », de la série « l'humanité en marche »
Les Éditions Fides, 1973.
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C'était en 1997.
Un épisode dans la lutte pour sauver l'Hôpital Montfort, à Ottawa.
Durant l'hiver, Michel (Gratton)* me dit : «On va aller au Parlement même, chez Jean Chrétien, faire une conférence de presse. On va aller dire au Fédéral qu'il a un rôle important à jouer pour la défense des minorités. On fera savoir au premier ministre Chrétien que si nous ne pouvons pas garder un seul hôpital francophone universitaire en Ontario et le seul à l'ouest du Québec, nous n'avons pas notre place au Canada et les souverainistes auront eu raison.»
J'hésite. Je veux y penser sérieusement. Cela aura des répercussions au Canada anglais comme au Québec. « Allons-y. Montfort, c'est un problème d'envergure nationale. Montfort aura des répercussions sur tout le Canada français et sur la minorité anglophone du Québec.» Enfin, Montfort aura des répercussions sur l'avenir du Canada. [...]
Puis, me voilà partie. Le discours, je le prononce bien (au Parlement), mais je n'ai pas le temps d'anticiper les questions-réponses avec Michel. Un journaliste anglophone me demande : «S'il y a un référendum au Québec, voulez-vous dire que vous allez travailler avec les souverainistes et contre le Canada?» J'ai vu, plus que jamais, que mes mots auraient un effet grave au Canada tout entier. [...]
Je réponds à ce journaliste : « Nous sommes un million de francophones au Canada à l'extérieur du Québec. Lors des autres référendums, nous avons été les meilleurs ambassadeurs que le Canada pouvait avoir. Nous (les Franco-Ontariens) avons tous des enfants, des parents, des amis au Québec. Nous leur disions ce que signifiait un «oui» pour nous. Comment voulez-vous que je leur tienne le même discours quand on laisse fermer notre seul hôpital? Cela n'aurait pas grand sens, non? Pour répondre à votre question, «non»! Mais nous demeurerons silencieux.» Ils ne sont pas revenus sur le sujet.
Gisèle Lalonde, ancienne maire de Vanier (maintenant un quartier d'Ottawa) et présidente du mouvement SOS Montfort, de 1997 à 2002.
Extrait de son livre « Jusqu'au bout! »
Éditions Le Nordir, 2003.
* Michel Gratton, auteur, journaliste, chroniqueur, ancien attaché de presse du premier ministre Brian Mulroney, décédé en 2011.
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C'était en 2005
La reconnaissance du caractère national du Québec
« La population du Québec, particulièrement depuis la Révolution tranquille, a démontré clairement une volonté de partager un « vivre ensemble », une volonté de bâtir un projet de société solidaire. Or, la construction de l'État moderne et d'un projet de société pour les Québécoises et Québécois s'est faite principalement autour de l'État québécois. Nous saluons le fait que les gens du Québec se soient donnés des institutions permettant de se développer autrement, tant aux points de vue linguistique, social, culturel et économique. Dans ce contexte, le rôle de l'État fédéral était plus souvent qu'autrement vu comme étant secondaire ou périphérique. Cette vision contraste évidemment avec celle portée par une majorité des gens des autres provinces, qui voient le gouvernement fédéral comme étant leur gouvernement « national », avec un rôle secondaire aux provinces.
« Bref, la construction d'une identité et d'institutions nationales s'est faite de manière différenciée que l'on soit au Québec ou ailleurs au Canada. Voilà un des noeuds du beau dilemme canadien. Voici ce que l'asymétrie vise à résoudre : il faut faire coexister ces deux visions.
« Nous reconnaissons que les Québécoises et Québécois ont un sentiment d'appartenance au Canada différent de celui de la majorité canadienne. Ce sentiment particulier d'appartenance et d'identité n'est cependant pas incompatible avec un fédéralisme flexible et coopératif. Lorsque bien compris et reconnu, le nationalisme québécois peut être une force, et non une menace, pour le Canada. »
Extrait de la « Déclaration de Sherbrooke »
du Nouveau parti démocratique du Canada (NPD), Section Québec
Déclaration adoptée en 2005.
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