J'ai lu ce matin le communiqué de la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal, endossé par le réseau Cap sur l'indépendance et portant sur le 60e anniversaire du couronnement de Mme Élizabeth Windsor (je crois que c'est bien son nom de famille), mieux connue sous le nom Élizabeth II.
J'ai le plus grand respect pour la monarchie, même si je n'ai pour elle aucune affection. Et je reconnais la légitimité (du moins pour les anglophones) de souligner le jubilé de diamant de la reine même si, pour nous, la Couronne britannique semble susciter le plus souvent une indifférence ou une irritation bien justifiées.
Mais entre les critiques fondées et les attaques excessives, voire de mauvais goût, il y a un pas que nous ne devrions pas franchir. Au-delà d'un ton impertinent, plusieurs des affirmations du communiqué de la SSJB sont plus que douteuses sur le plan historique et certaines sont même outrancières.
Venant de défenseurs en vue de la cause indépendantiste, cela me déçoit au plus haut point. Une lecture franche de l'histoire du Québec et de celle des francophones ailleurs au Canada suffit pour discréditer ceux et celles qui, au nom des traditions britanniques y compris la monarchie, ont commis de nombreux actes de répression contre notre peuple. On n'a pas besoin d'exagérer ou, pire, de mentir.
Je cite quelques exemples tirés de la page Web de Cap sur l'indépendance :
* « Depuis 1755, les armées de Sa Majesté déportent les Acadiens après avoir violé les femmes, confisqué terres et cheptel, et brûlé maisons et récoltes. Ils seront 12 000 à mourir de faim. » Selon les chiffres de l'Université Laval, un peu plus de 12 500 Acadiens ont été déportés de 1755 à 1763. Des milliers se sont installés ailleurs (aux États-Unis, en France, au Québec) et quelques milliers sont revenus graduellement en Acadie. Sans doute des milliers sont-ils morts, par violence ou de la faim, mais 12 000 de la faim seulement? Quant aux viols, nul doute qu'il y en a eus, mais toutes les femmes? La déportation est déjà suffisamment horrible en soi; on n'a pas besoin d'en rajouter...
* « En 1837, Londres proclame la loi martiale. Les armées de Sa Majesté tuent les hommes et brûlent les villages. » À lire ce texte, ils ont exterminé l'ensemble de la population mâle du Bas-Canada (Québec) de l'époque, et brûlé tous les villages. Ils en ont tué, des hommes (un peu plus de 300?), et en ont brûlé, des villages. Et ce qu'ils ont fait serait sans doute aujourd'hui considéré, avec raison, comme crimes de guerre ou crimes contre l'humanité. Mais pourquoi ne pas s'en tenir aux faits?
* Qu'on s'en prenne au symbolisme de la Couronne, ainsi qu'au colonialisme et à l'impérialisme britanniques, soit. C'est de bonne guerre et pleinement justifié. Mais d'ajouter que « célébrer le jubilé, c'est célébrer un système - la monarchie constitutionnelle canadienne - qui favorise la corruption et qui, tout en réduisant les Québécois(es) à un statut de sujets et de minoritaires, confère au premier ministre fédéral des pouvoirs dignes d'un roi élu », on dérape. Il n'y a aucun lien évident entre monarchie constitutionnelle et corruption. Et si on vivait dans une république du Canada, on serait toujours minoritaires et assujettis. Quant aux pouvoirs du PM fédéral, ils sont excessifs mais cela n'a rien à voir avec le Jubilé de la Reine. Quel fourre-tout!
* Qu'on évoque la nuit des longs couteaux de 1981 et le rapatriement unilatéral de 1982 dans le contexte du Jubilé me semble un peu beaucoup tiré par les cheveux. Le coup de force était l'oeuvre de Pierre Elliott Trudeau, de Jean Chrétien et de leurs complices au Canada anglais. La reine n'y était pour rien, et elle n'avait guère le choix que d'être présente pour signer les documents. Peut-être la pauvre aurait-elle même préféré être ailleurs... Si on veut s'en prendre à la Loi constitutionnelle de 1982, l'argumentaire est riche. Mais cela n'a rien à voir avec le Jubilé de la reine.
* Si l'objectif d'une intervention de la SSJB et du réseau Cap sur l'indépendance est de critiquer le Jubilé dans le cadre de la « royalisation » du pays par Stephen Harper, c'est raté. Pourtant, il y aurait peut-être eu là un bon terreau pour promouvoir la cause de la souveraineté, mais autrement. Ce n'est pas en jouant sur le sens du mot trône et en affirmant que le temps est venu de tirer la chasse, ou en disant qu'on se « fout royalement » du jubilé d'Élizabeth II, qu'on suscitera une discussion sérieuse et fructueuse.
La cause de la souveraineté mérite mieux que ça.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire