samedi 19 mai 2012

Face à la Loi 78, que faire?

« Les Forces armées canadiennes obligent leurs membres à obéir aux ordres légitimes des supérieurs. En revanche, le fait de refuser d'obéir un ordre illégal ne constitue pas une infraction. » Ce texte, publié par le gouvernement canadien, indique que même au sein de la structure militaire, un individu peut être amené à s'interroger sur la légitimité, voire la légalité, d'exécuter l'ordre de son supérieur. Cette règle vaut aussi pour le citoyen quand il est confronté à une loi injuste qui viole ou entrave des libertés fondamentales reconnues par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne ou par la Charte canadienne des droits et libertés.


La loi spéciale que vient d'adopter l'Assemblée nationale nous oblige à nous questionner sur le comportement à adopter. Faut-il obéir à cette loi tout en sachant qu'elle porte atteinte à la liberté d'expression, au droit de réunion pacifique et au droit d'association - des droits constitutionnels reconnus dans les deux chartes - pendant que l'on conteste sa constitutionnalité devant les tribunaux, dans l'espoir d'un jugement rétroactif favorable? Ou faut-il envisager une désobéissance civile pacifique, prenant le risque d'être accusé pour la bonne cause, encore une fois en espérant que la Loi 78 soit jugée inconstitutionnelle par les tribunaux et que la peine soit annulée?


L'histoire regorge de mouvements de désobéissance civile. Jadis, avant que la liberté d'association ne soit reconnue, des travailleurs ont fondé des syndicats illégaux et déclenché des grèves illégales. Aux États-Unis, avant la reconnaissance du droit à l'égalité, des Noirs ont refusé d'obéir aux lois ségrégationnistes. En Ontario, des institutrices ont enseigné illégalement en français après que le gouvernement provincial l'eut interdit. Quand des droits fondamentaux sont mis en péril par des gouvernements, on peut en arriver au point où des citoyens soucieux de protéger la démocratie, la constitution et la primauté du droit, doivent poser des gestes de désobéissance.


En sommes-nous là? J'ai la conviction que la désobéissance civile doit constituer l'ultime recours. J'ai lu la loi à quelques reprises ainsi que les opinions des juristes. Il me semble assez clair qu'elle ne résistera pas à l'examen des tribunaux mais la question est de savoir si les tribunaux auront le temps de trancher l'affaire avant que n'expire la loi en 2013. Pendant ce temps, le gouvernement québécois s'est arrogé le pouvoir d'entraver la liberté d'association (étudiante et syndicale), le droit de manifester pacifiquement et la liberté d'expression de tous les citoyens du Québec. Peut-être des juristes rusés pourront-ils trouver des brèches permettant de mener une guérilla légale en frôlant, sans les dépasser, les sévères limites imposées par la Loi 78.


Ce qui est sûr, c'est qu'il faut agir vite, et de façon responsable. Pour les casseurs masqués, je n'ai aucune sympathie. Ce sont des criminels en ce qui me concerne. Leurs actions jettent le discrédit sur la cause étudiante et tournent l'opinion publique en faveur du gouvernement. Le débat sur les droits de scolarité, et sur une éventuelle gratuité scolaire universitaire, doit se poursuivre. Les étudiants doivent tirer des enseignements de la lutte actuelle, et le premier, c'est de se prévaloir de leur droit de vote au prochain scrutin provincial. Mon instinct me dit qu'il faut trouver un juste milieu entre la contestation, obligatoirement pacifique, et le respect de cette loi (votée par des députés que nous avons élus), du moins pour le moment. Mais je poursuis ma réflexion...


Pierre Allard

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