Deuil et espoir
par Pierre Allard
Au-delà de la terrible responsabilité que devra porter pour l’éternité ce jeune terroriste norvégien, au-delà du châtiment insuffisant que la justice humaine lui imposera pour le tort irréparable qu’il a commis, au-delà des deuils difficiles que devront vivre parents et amis de ces plus de 90 jeunes et moins jeunes victimes des attentats, au-delà du flot de condamnations et de condoléances venues de partout, chaque humain doit aujourd’hui s’interroger sur le sens de cette tragédie. Car nous sommes tous impliqués.
Pourquoi faut-il que les unes soient éclaboussée par la folie meurtrière d’un ou de quelques individus, sortis d’on ne sait où, assassinant des dizaines, des centaines ou des milliers d’innocents, pour qu’on s’interroge sur les causes des drames qui affligent l’humanité? La mort de milliers d’enfants affamés, tous les ans, passe largement inaperçue. Le crime organisé tue 15 000 personnes par année au Mexique? Et que pense-t-on des 15 000 meurtres par an aux États-Unis? Un haussement d’épaules collectif…
Puis survient un jeune intégriste chrétien, infecté des pires préjugés, qui voit dans le meurtre les solutions à tous les maux de la société. Il fait exploser un édifice gouvernemental puis se rend à un camp de jeunes où il fusille sans discernement. Près d’une centaine d’innocents abattus ou déchiquetés. Les médias se déchaînent. Il faut tout savoir. Qui est ce type? Pas d’Al-Qaïda? Oh non! Sa vie privée? Ses fréquentations? Ses opinions? On passe tout au peigne fin pour un auditoire aux aguets. Dans quelques mois, la poussière retombera et on reviendra en mode attente.
Trop souvent, les catastrophes, petites et grandes, ne sont malheureusement que des biens de consommation. On achète les magazines et journaux, on ouvre la télé, on navigue sur le Net à la recherche de sensations fortes. De temps à autre, l’opinion publique s’insurge, se mécontente. Les lignes téléphoniques, les pages de lettres, les blogues s’animent et la colère des auditoires cible une panoplie de coupables. Mais ça s’arrête là. Rien ne se règle et aux élections suivantes, 40% des citoyens n’iront même pas voter…
Une société ignorante, amorphe et passive est toujours à risque. Les fanatiques de tout acabit, des intégristes religieux aux idéologues intolérants et totalitaires, jugeant les régimes actuels corrompus et irrécupérables, s’estiment investis du droit – voire de la mission – de les abattre par tous les moyens y compris par la violence. Ils n’ont aucun respect pour la démocratie. Et le faible niveau d’engagement des citoyens en Occident leur facilite la tâche.
On ne pourra compter exclusivement sur les lois et sur le travail policier pour nous protéger des terroristes d’ici et d’ailleurs. Même les forces policières les plus efficaces seront impuissantes devant la détermination d’un détraqué isolé et secret. La meilleure prévention, ce sont des sociétés et des communautés de nations où des citoyens bien renseignés et responsables s’attaquent aux causes des problèmes qui donnent naissance au mécontentement et à son exploitation par des individus ou groupuscules d’extrémistes.
Est-ce rêver en couleur de penser ainsi? Oui, sans doute… Mais dans le deuil, il doit y avoir de l’espoir.
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