dimanche 31 mai 2015

Adieu Philippe Gagnon !

Loin de moi de croire que la presse - écrite ou électronique, régionale ou nationale - doive inclure automatiquement dans ses actualités le décès d'un journaliste. Certains ne font que passer dans la profession, d'autres y font carrière. Dans l'univers de l'imprimé en particulier, la plupart des scribes piochent toute une vie derrière un clavier (ou un appareil photo) dans un relatif anonymat, la célébrité durable étant réservée à quelques-uns...

Pour le grand public, la mort d'un ancien journaliste se limitera donc, le plus souvent, au traditionnel avis de décès dans les pages nécrologiques d'un hebdo ou d'un quotidien. Cet avis sera vu par ses proches et par les lecteurs et lectrices d'une seule région, à moins d'être publié dans un grand quotidien urbain. Mais qu'en est-il des autres membres de la profession qui l'ont connu, qui l'ont côtoyé, qui ont été ses collègues et amis? À moins d'être restés en contact ou de faire partie des mêmes réseaux, ils n'en sauront rien…

En fin de semaine j'ai reçu un courriel d'un ancien collègue du Droit, Michel Beauparlant, m'annonçant tout simplement: «Philippe est décédé». Ouvrant le lien au site Web du salon funéraire Lépine Cloutier (région de Québec), je trouve cet avis: «À l'Hôtel Dieu de Québec, le 26 mai 2015, à l'âge de 72 ans, est décédé monsieur Jean-Philippe Gagnon, fils d'Anita Bouchard et de feu Joseph-Édouard, époux de Lyne Desharnais. Il demeurait à Fossambault-sur-le-lac.» On peut visionner l'avis à http://bit.ly/1K3nRqc.

J'ai fait le tour de l'Internet, espérant glaner ça et là des textes sur les carrières de Philippe, d'abord comme reporter, éditorialiste et courriériste parlementaire au quotidien Le Droit dans les années 1960 et 1970 (et par la suite à La Presse et au Soleil?), puis sur ses nombreuses années au service de l'État québécois. Malheureusement, ce collègue d'une autre génération a oeuvré dans l'ère pré-électronique et le Web ne semble guère avoir conservé de trace de ses réalisations.

Heureusement, sur la plate-forme Facebook, une page de retrouvailles des anciens de la rédaction du Droit, créée en 2012 à la veille du centenaire du journal, existe toujours (http://on.fb.me/IYkxwM) et accueille près d'une centaine de membres actuels et passés de la salle des nouvelles. J'y ai relancé le lien au salon funéraire, pour rappeler aux abonnés de la page que Philippe était l'un des nôtres. (Dans l'édition du lundi 1er juin, Le Droit en a tiré un court texte.) Mais cette page Facebook n'a aucune permanence, tout comme ses rares contributeurs...

Quand je suis entré à la salle des nouvelles du Droit en juin 1969, Philippe était déjà dans le cercle des vétérans de notre rédaction même s'il n'avait que trois ans de plus que moi et moins de cinq années d'expérience. Il faut savoir cependant qu'à cette époque, la rapidité du roulement de personnel donnait le vertige et ceux (pas beaucoup de celles) qui avaient réussi à accumuler quelques années de service en imposaient aux p'tits nouveaux…

La salle des nouvelles du Droit était située à cette époque sur la rue Rideau, dans la Basse-Ville d'Ottawa, mais le quotidien avait un bureau de quatre ou cinq journalistes en sol québécois, à Hull, et Philippe Gagnon en était le chef. Un poste convoité. Par la suite, il est devenu courriériste parlementaire à Québec et éditorialiste, toujours au Droit.

J'ai eu l'occasion de travailler en étroite collaboration avec lui durant la campagne électorale québécoise d'avril 1970. Le directeur de l'information nous avait confié une mission particulière, nous libérant de nos tâches pour couvrir la campagne sur la route, Philippe dans la région de Québec, moi dans la grande région montréalaise. Nos péripéties durant ces trois semaines mouvementées, avec l'occasionnelle navette entre la métropole et la Vieille capitale, mériteraient un chapitre à part…

La campagne électorale de 1973 devait nous amener de nouveau à collaborer, mais cette fois comme collègues syndicaux, Philippe étant éditorialiste syndiqué et moi président du syndicat des journalistes. Un bon matin, tôt, on m'appelle à la maison pour m'annoncer que des employés du Droit (pas de la rédaction) avaient débrayé pour protester contre un ou plusieurs éditoriaux de Philippe Gagnon, que certains jugeaient - à tort selon moi - trop sympathiques aux thèses souverainistes.

Je me revois encore sur le trottoir de la rue Rideau, devant l'édifice du Droit, en train de discuter avec des employés d'autres services pour tenter de désamorcer l'affaire… Finalement tout est rentré dans l'ordre mais Philippe avait acquis une notoriété certaine au sein de l'entreprise. Une chose est sûre. Philippe avait une excellente plume, et ses textes étaient lus!

Quand il a quitté le journal, nous nous sommes perdus de vue. Je l'ai rencontré par la suite une ou deux fois seulement. Mais son départ me touche comme celui de bien d'autres collègues du Droit de la même époque, décédés trop jeunes après une carrière dans ce métier usant… les Marcel Desjardins, Guy Béland, Jean-Guy Bruneau, Hubert Potvin, Murray Maltais, Pierre Tremblay, Michel Gratton, François Roy, Jean-Pierre Haineault et j'en passe…

Il est regrettable que dans une profession entièrement dédiée à l'information et aux communications, nous ayons si peu de moyens pour suivre - jusqu'au décès - la vie de ceux et celles qui ont été les artisans des page de nouvelles de nos quotidiens, de nos hebdos, de nos bulletins de nouvelles et, désormais, de nos réseaux d'information sur le Web.

Serait-ce une tâche pour la FPJQ, pour les fédérations et organisations syndicales, pour un organisme de presse quelconque? Le décès de Philippe Gagnon, et de milliers d'autres comme lui, devrait circuler dans tous les réseaux. J'espère que d'anciens collègues jugeront bon d'offrir un témoignage ou quelque anecdote pour combler mes immenses trous de mémoire et rompre le silence du Web.




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