Il y a quelques jours, en Gaspésie, Pauline Marois a ressorti la question identitaire en affirmant que, sur le plan linguistique entre autres, la réélection d'un gouvernement libéral constituait une menace pour l'identité québécoise. Ses commentaires ont attisé des braises hostiles chez les adversaires du Parti québécois, tant au Québec qu'ailleurs au Canada, mais il me semble que de façon générale, la question ait soulevé assez peu d'intérêt. C'est bien dommage.
Il est vrai que dans cette campagne, il y a des urgences sur la table, en éducation, en santé, en fiscalité, en économie, en environnement, et que les sondages démontrent une certains indifférence de l'électorat envers les enjeux de la souveraineté et de la protection de la langue française. Mais c'est une illusion, Le débat identitaire est plus vieux que la Confédération et s'il est vrai qu'il couve la plupart du temps, un peu comme un volcan fumant, il reprend toute sa vigueur quand des crises surviennent et conservera son potentiel de mobilisation tant que la question ne sera pas réglée à la satisfaction générale.
Et la question n'est pas réglée. Au contraire, la réalité prouve qu'elle s'aggrave. Les études de l'Office québécois de la langue française démontrent qu'un nombre croissant de commerces viole depuis des années les dispositions d'affichage de la Loi 101, et que le service en français dans les commerces de Montréal recule. Le gouvernement québécois a entrepris de bilinguiser les sixièmes années de toutes les écoles françaises, une initiative qui provoquerait une levée de boucliers chez les francophones hors-Québec qui ont connu les affres des classes bilingues. Recensement après recensement, la situation du français se fragilise dans l'ensemble du pays et même dans certaines régions du Québec. Les statistiques du recensement 2011, qui sortiront à l'automne, risquent d'être catastrophiques.
Sur le plan constitutionnel (mot honni s'il en fut...), le blocage est complet depuis l'imposition du rapatriement et de la Charte canadienne sans l'accord du Québec, en 1982. Un oui au référendum de Charlottetown en 1992 ou au référendum québécois de 1995 aurait pu obliger l'engrenage constitutionnel à redémarrer mais ce ne fut pas le cas. Le poids du Québec dans la Confédération s'amenuise et l'élection de mai 2011 a démontré qu'on peut gouverner majoritairement à Ottawa sans le soutien des Québécois. Et nous avons à Ottawa, jusqu'à 2015, un gouvernement indifférent, voire ouvertement hostile, aux priorités qui touchent à la fibre identitaire du Québec et des francophones.
Ces enjeux peuvent sembler moins urgents que l'accessibilité des soins de santé et le règlement du conflit qui paralyse une partie de nos universités et collèges, moins urgents que la création d'emploi, le contrôle des déficits gouvernementaux et la facture d'impôts et taxes. Mais ils ne sont pas moins importants. La question identitaire ne parle pas de ce que nous avons, mais de ce que nous sommes, et de ce que nous allons devenir.
Le Québec est formé d'individus, de citoyens, de groupes, de régions, de classes, avec des intérêts variés, mais c'est aussi une nation. Une nation qui n'a aucun statut constitutionnel, même si son existence est officiellement reconnue par la Chambre des communes du Canada. À cet égard, une élection québécoise est une élection nationale. C'est un moment privilégié pour nous intéresser au devenir national et, donc, identitaire. Mme Marois a haussé le niveau du débat en ramenant cette question à l'avant-plan, quels que soient ses motifs. Ceux qui refusent d'inclure le débat identitaire dans leurs priorités de campagne se comportent comme des petits politiciens provinciaux...
Pierre Allard
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