La salle de classe s'est vidée malgré les protestations du prof et tous se sont dirigés vers la bibliothèque, où il y avait une télé. En arrivant à la maison (je demeurais à Ottawa à l'époque), à l'heure du souper, j'ai vite jeté un coup d'oeil à la dernière édition du journal, comme la majorité des citoyens de la région. Parce qu'à cette époque - je ne sais pas comment c'était ailleurs - nous recevions notre journal quotidien en fin d'après-midi. Il était livré par des enfants, après l'école, et contenait les actualités du jour, jusqu'en début d'après-midi.
Quand j'ai été embauché comme journaliste au Droit en juin 1969, le directeur de l'information m'attendait avec impatience. Personne ne m'avait dit d'entrer à 8 heures, et je me suis présenté au poste à 9 h... Le photographe, un type bourru, ancien policier de la PP à Duplessis, m'attendait avec une égale mauvaise humeur parce que mon affectation était à 9 h 30 en banlieue. J'ai appris en chemin qu'on couvrirait la première pelletée de terre de l'autoroute 417, qui ferait dans quelques années la jonction avec la 40 vers Montréal.
En revenant vers 10 h 30, même branle-bas de combat dans la salle des nouvelles. Bruit infernal de dizaines de machines à écrire. Vite, Allard, on attend ton texte pour 11 h 30. Deux feuillets et que ça saute! À quelques minutes de la tombée, il arrivait qu'un chef des nouvelles arrache le feuillet complété de la machine à écrire pour l'apporter au « pupitre » où se faisait le montage des pages pour la dernière édition. L'ambiance fébrile durait quelques heures, puis la salle des nouvelles reprenait son cheminement routinier vers la première édition du lendemain.
Le matin, dans la salle de rédaction, c'était toujours une course contre la montre. Les jeunes journalistes apprenaient non seulement à couvrir l'actualité, mais aussi à travailler très vite, sous pression, devant parfois improviser des textes qu'un collègue prenait en dictée au téléphone. Cela fait maintenant partie du folklore au Québec. Les journaux de l'après-midi n'existent plus. Les lecteurs du Droit avaient lu sur l'assassinat de Kennedy, l'attentat contre Jean-Paul II, l'explosion de la navette Challenger, le jour même de l'événement.
Quand Le Droit a publié sa dernière « dernière édition » le vendredi 15 mai 1987 et s'est transformé complètement en journal du matin le lundi 5 octobre de la même année (j'étais alors rédacteur en chef), notre presse écrite a perdu une partie de son âme. Nous étions le dernier... tous les autres publiaient déjà le matin.
Pierre Allard
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