samedi 11 juin 2016

Ce comité d'experts n'existe pas...

Dans un texte du quotidien Le Droit, publié le 26 février 2016, à peine huit jours après la manifestation de 200 étudiants franco-ontariens à Toronto pour appuyer le projet d'université de langue française en Ontario, et seulement quatre jours après que la première ministre Kathleen Wynne eut présenté les excuses officielles de la province pour les persécutions linguistiques issues du Règlement XVII de 1912, on pouvait lire l'information suivante, dans le cadre d'un interview de la journaliste Huguette Young avec la ministre ontarienne des Affaires francophones, Madeleine Meilleur:

«Un comité d'experts se penche actuellement sur le projet d'une université francophone et doit soumettre ses recommandations au gouvernement de Kathleen Wynne.» (voir http://bit.ly/21zGPMe)

Or il appert que ce mystérieux comité, dont je n'avais jamais entendu parler, n'existait pas. Ou la journaliste, pourtant chevronnée, avait mal compris, ou la ministre avait entretenu un flou dont l'effet avait été de lancer Mme Young sur la mauvaise piste. Car selon les nouvelles publiées hier (10 juin 2016), le seul comité «d'experts» ayant un lien avec le milieu universitaire franco-ontarienne était celui créé en février 2014, et ayant pour nom «Comité consultatif d’éducation postsecondaire en langue française dans le Centre et le Sud-Ouest de l’Ontario».

Ce comité n'avait pas pour mandat de se pencher sur un quelconque projet provincial d'université de langue française dont l'objet ultime est d'assurer une gouvernance complète des Franco-Ontariens sur l'ensemble du réseau universitaire de langue française, du nord à l'est au sud de la province. Et le gros morceau, dans le cadre d'un mandat provincial, aurait bien sûr été les deux universités bilingues (Ottawa, Laurentienne), où se retrouvent l'immense majorité des étudiants franco-ontariens au postsecondaire non collégial.


Le document «Le temps d'agir!», remis le 24 février mais rendu public le 10 juin… Un excellent rapport du Centre-Sud-Ouest… pour le Centre-Sud-Ouest...

Non, voici comment le comité lui-même définissait son mandat, en première page du rapport intitulé Le temps d'agir et adressé au ministre de la Formation, des Collèges et Universités, Reza Maridi: «Ce rapport est le fruit de 24 mois de réflexions et fait suite au mandat qui nous a été confié, en février 2014, de vous prodiguer des conseils quant aux meilleures façons de renforcer l’éducation postsecondaire en langue française dans la région du Centre-Sud-Ouest.»

Pour les non-initiés à l'Ontario, la région du Centre-Sud-Ouest inclut le Grand Toronto et les secteurs au sud et à l'ouest de la capitale provinciale, y inclus la péninsule du Niagara, ainsi que l'axe Kitchener-London-Chatham-Windsor. Le comité consultatif devait débroussailler, puis proposer des avenues de solution pour «renforcer» l'accès en français aux études collégiales et universitaires dans cette région seulement.

Cela n'a rien, mais rien à voir avec l'ensemble du projet d'université de langue française que défendent le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) et ses principaux alliés, l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO) et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) depuis 2012. La manifestation du 18 février 2016 regroupait aussi des délégations de l'est et du nord ontariens, et portait sur un vaste projet qui touchait très majoritairement les populations étudiantes de l'Est et du Nord, où l'on trouve les plus fortes concentrations de francophones.

Le comité n'est pas allé vérifier la situation des francophones à Ottawa, ou à Sudbury. Il n'en avait pas le droit. Il était confiné au centre-sud-ouest. Son nom et son mandat en font foi. Alors quand on lit ce qui suit dans le quotidien Le Droit d'aujourd'hui, 11 juin 2016, c'est une erreur: «Le comité chargé de se pencher sur la faisabilité du projet d'université franco-ontarienne propose d'accueillir la première cohorte d'étudiants en 2020 dans un campus situé dans le Grand Toronto.» (voir http://bit.ly/1PkR6EJ) Aucun comité n'était chargé de «se pencher sur la faisabilité du projet d'université franco-ontarienne»… du moins pas celui proposé par le RÉFO et ses alliés…

Et quand l'éditorialiste Pierre Jury évoque les conclusions du «rapport sur une future université de langue française en Ontario», il fait référence au rapport inexistant d'un comité inexistant. À moins qu'il n'y ait un deuxième comité d'experts, avec mandat provincial… Est-ce possible? Sais pas…

Peut-être le pire, dans cette affaire, c'est qu'au moment où Mme Meilleur expliquait à la journaliste Huguette Young qu'un comité d'experts se penchait sur la question de l'université franco-ontarienne, le comité du Centre-Sud-Ouest (le seul et unique, semble-t-il…) avait déjà terminé ses travaux et remis son rapport final au ministre Maridi, le 24 février, l'avant-veille…

Et le comble, des représentants du RÉFO, de l'AFO et de la FESFO siégeaient à ce comité du Centre-Sud-Ouest… Ils savaient donc qu'aucun comité d'experts n'étudiait l'ensemble de leur projet… Compte tenu de l'ampleur du projet défendu depuis près de quatre ans, ils participaient un peu au sabotage du caractère provincial de l'université franco-ontarienne… et à la protection des universités bilingues…

Le texte le plus précis, celui de TFO (voir http://bit.ly/1UmaMO4), peint davantage le caractère essentiellement régional du comité et de son rapport, mais se tient loin de la contradiction évidente entre ce que les étudiants réclament depuis 2012 et ce qui vient de se passer. Tout le monde semble avoir remis ses lunettes roses… même s'il ne s'agit que du rapport d'un comité régional, même si le gouvernement n'a rien promis, même si Mme Meilleur, principal point d'appui des Franco-Ontariens au sein du gouvernement Wynne, vient de démissionner…

Entre-temps, à l'Université d'Ottawa, dans quelques jours, près de 3000 étudiants et étudiantes francophones recevront leur diplôme de Calin Rovinescu, nouveau chancelier de «l'université des Franco-Ontariens» (dixit le recteur Allan Rock). M. Rovinescu, qui est aussi PDG d'Air Canada, vient d'être convoqué au Parlement pour s'expliquer devant le comité des langues officielles… Ouais...





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