samedi 30 novembre 2013

Des doutes ? Attachez vos ceintures !


S'il existait encore des doutes, ils ont disparu à La Cité collégiale, aujourd'hui, à Ottawa, quand quelque 150 francophones de tous âges - étudiants du secondaire, collégial et universitaire, enseignants, représentants de conseils scolaires, collèges et universités, figures connues d'associations et organisations franco-ontariennes, et de simples citoyens intéressés - se sont réunis toute la journée pour parler d'accès et de gouvernance des programmes postsecondaires de langue française dans l'Est ontarien et dans l'ensemble de la province.

Des doutes sur quoi? D'abord sur le sérieux du projet de consultation lancé par le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), qui représente les quelque 22 000 étudiants francophones collégiaux et universitaires inscrits dans des programmes postsecondaires de langue française en Ontario. Non seulement l'organisme a-t-il réussi à relancer un débat vieux de plus de 40 ans qui a toujours piétiné, mais le RÉFO a recruté sur son parcours deux importants partenaires, l'Assemblée de la Francophonie de l'Ontario (AFO), représentant attitré de l'ensemble de l'Ontario français, et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO), qui représente les élèves du secondaire francophone en Ontario.

Toute la journée, en ce froid samedi de fin de novembre, il était clair que le RÉFO menait la barque. Ses représentants, désormais aguerris par une tournée de consultations qui les a menés du nord au sud, de l'est à l'ouest de cette province grande comme un pays, ont animé de main de maître des plénières et ateliers fort chargés. Des vieux routiers des causes franco-ontariennes aux jeunes militants fraîchement issus de l'adolescence, des cadres d'importantes organisations aux professeurs d'université, personne ne contestait l'ascendant du RÉFO dans le débat en cours sur le postsecondaire.

Des doutes sur quoi? Sur le sérieux de la volonté de faire aboutir le projet d'université de langue française. L'idée a été lancée à diverses reprises depuis les années 1940, mais ses promoteurs ont toujours manqué de souffle ou de soutien. Cette fois, sans doute conscient que le temps presse et que c'est peut-être la dernière chance qui se présente, le RÉFO a bien planté son hameçon dans la proie et n'entend pas la laisser s'échapper. Plus question de se satisfaire de demi-mesures ou de programmes ajoutés à la pièce. Le gros morceau, cette fois, c'est la gouvernance.

La tradition des gouvernements successifs en Ontario depuis la disparition du Règlement 17 dans la brume, c'est d'accorder des miettes. On ne lâche des concessions importantes que sous une très forte pression. Le climat explosif des années 60 a obligé John Robarts à autoriser des écoles primaires et secondaires de langue française. Les tribunaux ont constitutionnalisé des droits de gestion qui ont forcé Queen's Park à céder aux Franco-Ontariens la gestion de leurs réseaux scolaires et secondaires à la fin des années 80. Les collèges francophones ont été arrachés dans les années 90. Seul l'universitaire reste hors de portée.

Le bilinguisme institutionnel, chassé à tous les autres niveaux, n'a plus de crédibilité à l'universitaire où les institutions bilingues sont la règle pour la francophonie ontarienne. Dans ces institutions où les anglophones sont partout majoritaires, les Franco-Ontariens sont toujours à la merci de la bonne volonté  des « autres »... et en paient le prix. Pour le RÉFO, et désormais pour une majorité croissante des intervenants aux consultations, cette époque est révolue. Le mot « gouvernance » est devenu incontournable. Il est martelé sans répit et s'enfonce dans la conscience collective.

Il y a diversité quand vient le temps de privilégier un modèle d'institution « par et pour » les francophones ontariens, mais la gouvernance - l'autogestion - est désormais exigée. Le sommet des États généraux sur le postsecondaire en Ontario français, qui aura lieu en 2014, exigera un engagement du gouvernement ontarien. S'il ne vient pas, le RÉFO devra mobiliser tous les appuis disponibles.

Les discussions de ce 30 novembre à La Cité collégiale me laissent croire que cette fois, le projet d'université de langue française ne manquera pas de souffle et que Queen's Park aura vraiment du fil à retordre. Les Anglo-Québécois, qui ont trois universités bien à eux, seront sans doute des spectateurs inquiets pendant que le gouvernement québécois prendra des notes en voyant de quelle façon dont Toronto traitera sa collectivité francophone...






mardi 26 novembre 2013

Les partielles d'hier: personne n'a gagné...

Tous les chefs de parti fédéraux doivent se gratter le front aujourd'hui en cherchant à interpréter les résultats des quatre partielles d'hier soir. Officiellement, rien n'a bougé aux Communes, les libéraux ayant conservé Toronto-Centre et Bourassa, les conservateurs ayant résisté avec succès dans les deux circonscriptions manitobaines de Provencher et Brandon-Souris. Mais en regardant les résultats de plus près, bien des choses semblent avoir changé depuis l'élection générale de 2011...

Il me semble, à regarder l'évolution depuis les élections de 2008, qu'aucun chef de parti n'a vraiment de quoi se réjouir aujourd'hui. Et surtout pas Justin Trudeau...

À tout seigneur, tout honneur, commençons par le premier ministre Stephen Harper, celui qui, selon moi, devait être le plus soulagé ce matin en dépit des pertes de soutien populaire enregistrées hier. Mais il aurait tort de célébrer. Si hier avait été jour d'élection générale, son parti aurait été battu. Mais ce ne l'était pas, et le Parti conservateur a près de deux ans pour colmater les brèches.

Il devra cependant tenir compte des sévères avertissements reçus hier. Entaché par les scandales du Sénat, il savait que son chien était mort dans Toronto Centre, l'ancienne circonscription de Bob Rae, et Bourassa, l'ancien fief du nouveau maire de Montréal, Denis Coderre. Mais peut-il vraiment, sans pointe de panique, encaisser le fait que ses candidats aient été relégués à la marginalité dans les deux circonscriptions ontarienne et québécoise? S'il perd l'Ontario en 2015, fini le pouvoir...

En 2011, le candidat du PC dans Toronto-Centre avait amassé 22% des suffrages. Cette fois, un maigre 8,7%... Dans Bourassa, c'est bien pire... Loin d'amorcer un redressement dans l'opinion publique québécoise, la situation de Stephen Harper empire. Le candidat conservateur avait à peine recueilli 9% des suffrages en 2011. La candidate du parti ministériel a fait pire à la partielle d'hier, obtenant la faveur de moins de 5% des votants... On est proche du néant à ce niveau...

Au Manitoba, le PC a à peine réussi à conserver Brandon-Souris avec 44% du vote. Dans Provencher, le score de 58% est solide, mais bien en-deça du 70,6% enregistré par Vic Toews en 2011. Face à la possibilité de marges conservatrices réduites dans les châteaux-forts de l'ouest et de défaites au centre du pays, des grognements vont vite commencer à se faire entendre chez les députés d'arrière-ban.

Les libéraux

Justin Trudeau devrait être le plus inquiet des chefs de parti aujourd'hui. Il sait qu'il aurait probablement gagné une élection générale, mais elle ne l'était pas, justement. Les libéraux l'ont élu sans programme, sans vision, pour la simple raison qu'ils le croient capable de les mener à la victoire. Les résultats d'hier démontrent que la lune de miel est déjà terminée et que le public commence à déchanter. Face à un premier ministre en déclin rapide, il avait besoin d'au moins une victoire au Manitoba... Ses candidats ont fait beaucoup mieux qu'en 2011 (au Manitoba) mais pas assez pour gagner...

C'est cependant en Ontario et au Québec que le jeune Trudeau doit analyser avec la plus grande attention les résultats. Dans Toronto-Centre, sa candidate vedette a obtenu 49% des suffrages, mieux que le score de 41% de Bob Rae dans la débandade libérale sous Ignatieff en 2011 mais moins bien que la performance  de 53,5% de M. Rae en 2008 sous un chef bien moins charismatique, Stéphane Dion.

Et dans Bourassa, le candidat libéral Emmanuel Dubourg a amassé 48% des suffrages exprimés, une amélioration sur le scrutin de 2011 avec sa vague orange au Québec mais en-deça du score de 49,8% obtenu par M. Coderre en 2008 sous Stéphane Dion. Il y a fort à parier qu'on s'aperçoit déjà que la marque Trudeau n'est pas une garantie de succès au Québec en 2013, et risque de ne pas l'être en 2015.

Le NPD

Thomas Mulcair peut à la fois se réjouir et s'inquiéter après les partielles d'hier. S'inquiéter parce que dans les deux circonscriptions de l'ouest, son parti a été anéanti. Il n'était déjà pas très fort en 2008 et 2011, mais le vote néo-démocrate dans Provencher et Brandon-Souris oscillait entre 15 et 25%. Cette fois, le Nouveau Parti démocratique récolte à peine 8,2% des votes exprimés dans Provencher, et 7,4% dans Brandon-Souris... Aussi bien dire qu'il n'y reste plus grand-chose...

Par contre, les nouvelles sont meilleures dans les partielles de Toronto-Centre et de Bourassa. Dans Toronto-Centre, la proportion des votes néo-démcrates augmente depuis depuis 2008, étant passée de 15% (2008) à 30% (2011), puis hier à 36%. À un certain moment, en début de soirée, la candidate néo-démocrate menait dans Toronto-Centre...

Dans Bourassa, l'époque de la vague orange est révolue, les libéraux ont un jeune chef que l'on croit très populaire et les conservateurs sont à terre. La table était mise pour un raz-de-marée libéral et pourtant, le candidat du NPD, Stéphane Moraille, a accaparé 31,4% des suffrages, égalant presque la part de 32,3% obtenue aux générales de 2011. Le libéral semble avoir augmenté sa part en grignotant les votes du PC et du Bloc, mais pas vraiment ceux du parti de Thomas Mulcair.

Pour le Bloc québécois, Bourassa n'était pas un comté prenable... mais le parti doit être déçu de ne pas avoir au moins pu égaler, voire dépasser, sa performance de 2011... C'est peut-être à la prochaine fois... comme aurait dit l'autre...






lundi 25 novembre 2013

Légende ailleurs, inconnu ici

Samedi, 23 novembre. Nous sommes une vingtaine au resto Le petit Italien sur la rue Bernard, à Montréal, en biais du Théâtre Outremont où nous assisterons en soirée au spectacle 15e anniversaire de la troupe Vertiges (à laquelle ma fille Catherine est associée comme chorégraphe et choriste). Je me retrouve, par hasard, à la table des enfants où, sans surprise, chacun a son écran et personne ne se parle vraiment, sauf pour commenter les jeux sur leurs iPod...

Au moment où certains commencent à régler la note pour se rendre au Théâtre, il ne reste à la table, avec moi, que le fils aîné d'une de mes nièces, Théo Allard-Metwalli, âgé de 11 ans. Je ne souviens plus trop comment la conversation s'est amorcée, mais sachant sans doute que je suis allé récemment en France et connaissant mon intérêt pour le débarquement de Normandie durant le seconde Guerre mondiale, Théo me demande si j'ai entendu parler du soldat canadien le plus décoré de l'histoire...

Non, pas la moindre idée... Il s'agit, me dit-il, d'un type appelé Forbes... Jean-Charles de son prénom, croit-il... Vite, je sors mon iPod et effectivement, ce M. Forbes, originaire de la région de Matane, est l'un des plus grands héros militaires du pays, ayant combattu en 1944-45 en France, en Belgique, en Hollande et, plus tard, en Corée. Il était, à sa mort en 2010, le lieutenant-colonel du 22e Régiment.

Je m'aperçois vite, et avec beaucoup de satisfaction, que Théo s'intéresse à l'histoire et qu'il a fait en classe des travaux qui l'ont amené à approfondir certains événements et personnages. Il n'a d'ailleurs que des bons mots pour son professeur qui, m'apparaît-il, a les connaissances voulues et le don de susciter l'intérêt de ses élèves. Cela dit, à mon retour à Gatineau, le lendemain, je brûle d'en savoir un peu plus sur ce Jean-Charles Forbes, dont je n'avais jamais entendu parler...


Une recherche Google m'amène vite sur un documentaire d'une heure d'Alain Stanké, qui a d'ailleurs été présenté en reprise cette année sur les ondes de Radio-Canada (Zone doc). Il est disponible sur le site tou.tv. Le personnage est franc, modeste et attachant, à la fois guerrier et doux, et marqué à jamais par ses expériences de combat. Il manie avec autant de dextérité les armes, la sculpture, la peinture. Il est musicien accompli. Et le militaire canadien le plus décoré...

Le documentaire de Radio-Canada a été réalisé un an avant sa mort. Il avait alors 88 ans. Sa mémoire est intacte, ses relations émouvantes. « Après la guerre tu tournes la page, dit-il, mais en vieillissant, la page revient... elle revient... ». Il s'était enrôlé en 1940 à l'âge de 19 ans. Ils n'étaient que quatre francophones sur 104 dans sa classe au Collège militaire royal de Kingston et l'instructeur l'appelait frog, pas Forbes... ce qui ne l'a pas empêché de devenir officier et de débarquer en Normandie à temps pour les sanglantes batailles dans la région de Falaise et Caen, en juillet 1944.

Le documentaire intitulé Le dernier fantassin n'évoque pas les exploits qui lui ont valu de recevoir les plus hautes décorations du Canada, de la France et des Pays-Bas. En Hollande, il est reconnu comme héros national et on parle de lui dans les leçons d'histoire à l'école, alors qu'ici, au Québec et ailleurs au Canada, il demeure largement inconnu à l'extérieur des cercles militaires francophones. Dans les Pays-Bas, il a sauvé des milliers de vies en empêchant les Allemands de faire sauter des digues (d'immenses territoires auraient été inondés).

À l'automne 1944, il a affronté presque seul (il était accompagné d'un seul officier) des Allemands retranchés et cachés dans un foyer pour personnes âgées de Hollande qui était pourtant marqué de la Croix-Rouge. Un prêtre hollandais a raconté que Jean-Charles Forbes s'était adressé aux Allemands « en sacrant comme un bon », à l'entrée du sous-sol de la chapelle du foyer : « Maudits lâches, maudits peureux, mes Christ, sortez dehors, on va vous casser la gueule ». Il a tellement impressionné les Allemands qu'ils se sont rendus, et a fait sur-le-champ 80 prisonniers... 

Ce n'est qu'une histoire... Il y en a d'autres... Jean-Charles Forbes a été anobli par la reine Wilhelmine de Hollande, qui l'a fait Chevalier militaire de l'Ordre de Guillaume. Il a aussi été fait chevalier de la Légion d'honneur, plus haute décoration de la République française, pour sa conduite héroïque au sein du Régiment de Maisonneuve (un régiment francophone).

Les cicatrices laissées par les violences de la guerre n'ont jamais complètement guéri et les émotions sont toujours à fleur de peau. Il y a quelques années, il s'était adressé à un groupe de cégépiens et après la conférence, une étudiante était venue le voir et lui avait demandé s'il avait tué et quel feeling cela donnait de tuer? Rien qu'à y penser, ses yeux se mouillent. « On ne tue pas parce qu'on aime ça, on reste des êtres humains... », a-t-il répondu.

À preuve, au milieu des bombardements ennemis en 1944, investissant un édifice en ruines, il trouve sous un piano écrasé un violon intact. Il dépose son arme, épaule le violon et se met à jouer une mélodie du répertoire classique alors que les bombes éclatent autour des troupes...

Véritable légende, on se serait attendu que le gouvernement Harper, voué au culte des exploits militaires canadiens, souligne en grande la mort du soldat le plus décoré de l'histoire. Mais on s'est fait plutôt discret dans les milieux politiques. Il n'y a pas de doute que plus en en sait sur Jean-Charles Forbes, plus les horreurs de la guerre et leurs effets sur l'humanité prennent forme. Elles s'incarnent dans ce héros tragique.

Merci Théo, de m'avoir fait découvrir une véritable légende.




vendredi 22 novembre 2013

JFK, 50 ans après...


La page une de la dernière édition du journal Le Droit du vendredi 22 novembre 1963.

L'après-midi du vendredi 22 novembre 1963, l'espace d'un moment tragique, nous étions tous Américains. J'avais 17 ans. J'étais étudiant en année pré-universitaire à l'Université d'Ottawa. J'assistais à un cours de classiques grecs du professeur Pierre Brind'Amour, immédiatement après l'heure du lunch, quand la porte de classe s'est ouverte et un type a crié dans l'embrasure : « Kennedy a été abattu ! » La classe s'est vidée presque entièrement et le prof un peu décontenancé a continué à enseigner à une demi-douzaine d'étudiants...

Les autres, y compris moi, se sont rués vers la bibliothèque adjacente où se trouvait le seul téléviseur accessible de la faculté des sciences sociales. Chacun se bousculait pour voir et entendre les bulletins qui se succédaient, jusqu'à ce que la mort du président John F. Kennedy soit officiellement confirmée. Personne n'est retourné à ses cours. Nous étions presque en état de choc. L'événement nous touchait, personnellement, comme s'il avait été « notre » président et non celui des États-Unis. Plusieurs étaient silencieux, quelques étudiantes pleuraient.

J'ai fermé mes livres et cahiers de notes, pris l'autobus et suis revenu à la maison où j'ai passé le reste de la journée collé au téléviseur avec le reste de la famille. Dans les heures et les jours qui ont suivi, c'était le seul sujet de conversation avec nos amis. Nous vivions un deuil, c'était comme s'il avait été un proche parent. Bien sûr, Kennedy étant catholique, nous avions une affinité sur le plan religieux à l'époque. Mais c'était bien plus profond... et avec le recul, difficile à décortiquer.

Je ne suis pas le seul à avoir réagi ainsi. Les salles de nouvelles des journaux, les stations de radio et de télé de la région d'Ottawa-Hull ont été inondées d'appels. Des milliers. Les standards ne dérougissaient pas. Les gens voulaient plus que de l'information... ils étaient anxieux, quasiment en détresse. Il n'y avait pas que le vétéran reporter Walter Cronkite à chiffonner ses yeux cet après-midi là. Le quotidien Ottawa Citizen racontait que l'impact aurait été à peine plus grand si on avait annoncé le début d'une nouvelle guerre mondiale...

En milieu d'après-midi, les deux universités de la capitale ont donné congé aux quelques étudiants restés en classe... Dans les rues du centre-ville, nombreux étaient ceux qui s'arrêtaient pour exprimer leur stupéfaction et leur horreur à de parfaits inconnus. Dans des banques, les employés ont arrêté de travailler. Dans des magasins, il y avait des vendeuses qui pleuraient sans retenue en servant les clients. Le compagnie Bell n'avait jamais enregistré un nombre si élevé d'appels et a demandé aux stations de radio d'inviter les gens à se calmer un peu pour que les appels d'urgence puissent être acheminés...

Aucun politicien d'ici, dans les mêmes circonstances, n'aurait suscité de réactions de cette ampleur au sein du public. Pourquoi alors ? Je me souviens, « à la petite école », dans les années cinquante, de cette légende - amplement évoquée - voulant que la fin du monde se produise en 1960... La Vierge l'avait apparemment révélée à Fatima... Pour des enfants, des annonces semblables ne sont pas très rassurantes et je me rappelle bien la soirée du 31 décembre 1959... vaguement inquiet de ce qui allait se produire le lendemain et pendant le reste de l'année...

En rétrospective, si l'année 1960 n'apporta pas l'apocalypse, elle marqua - et ce, plus que symboliquement - la fin d'un monde. Au Québec, les citoyens enterraient la grande noirceur de Duplessis avec l'élection de l'équipe de Jean Lesage, déclenchant officiellement ce qu'on appellerait la révolution tranquille. John F. Kennedy était élu président. Jeune, premier catholique à ce poste, incarnant une nouvelle génération de dirigeants mondiaux. Suivraient de près Vatican II, les courants de libération, les luttes pour les droits humains, et bien plus.

L'époque était fébrile. Tous se sentaient portés par, ou porteurs d'une puissante vague de changements, sans trop savoir où cela mènerait. On savait d'où on venait, et le regard sur les braises encore chaudes des sanglants conflits mondiaux du 20e siècle suscitait d'immenses espoirs et craintes pour l'avenir. À sa façon, John F. Kennedy incarnait l'espoir, et ce qu'il combattait, les craintes. Et les balles du (ou des) tireur(s) de Dallas ont, me semble-t-il, touché cet élan d'humanité droit au coeur. 

Le folk singer Phil Ochs, militant d'extrême-gauche et adversaire des deux grands partis américains, n'a pu s'empêcher de dire son admiration pour l'homme que fut JFK, tout en continuant de combattre ce qu'il appelait « les systèmes ». Dans sa chanson That was the president, Il écrivait (traduction libre) : « Tout ce qu'il aurait pu devenir, tout ce qu'il aurait pu faire, a été prouvé sous les balles du traître ». Il a mis le doigt sur le noeud de l'affaire : les gens étaient tristes, étaient touchés par leur perception de la perte d'un avenir meilleur que Kennedy, qu'il le mérite ou pas, incarnait à l'époque.

Dans son roman 22 - 11 - 63, Stephen King pose de façon fort originale la question qui nous a toujours chicotée : que serait-il arrivé si JFK avait survécu à l'attentat? Encore aujourd'hui, cette interrogation demeure, et garde bien vivant le souvenir des événements qui ont secoué le monde il y a 50 ans.


jeudi 21 novembre 2013

Il n'en reste rien... Que des souvenirs...

Alors que se prépare - disons plutôt s'improvise - une journée de retrouvailles pour anciens et actuels employés de la rédaction du Droit, je fouille beaucoup dans mes vieilles paperasses, à la recherche d'éléments pouvant intéresser le groupe qui se réunira le 7 décembre prochain au Muséoparc de Vanier.

Mais je gratte aussi les fonds de mémoire et ce qui ressort, au-delà du travail quotidien de couverture et de rédaction, ce sont les endroits qui ont marqué les premières années de ma vie journalistique - disons les années de 1969 à 1975.

       Un jeune Jean-Guy Gauthier dans l'ancienne rédaction, rue Rideau

* Il y avait d'abord, bien sûr, la salle des nouvelles et les multiples recoins de l'édifice du Droit, au 375 Rideau. On entendait les machines à écrire de la rédaction à toute heure du jour et de la nuit. Aux heures de pointe, un nuage de fumée de cigarette emboucanait la salle. Et il y avait la cafétéria au sous-sol où, au son occasionnel de l'alarme à feu, un employé allait fermer la porte (personne ne sortait) pour assourdir le bruit des cloches. Et c'est sans compter l'univers fascinant de l'atelier de composition et le vrombissement des presses offset.

* En biais, de l'autre côté de la rue Rideau, se trouvait le restaurant/bar La Paloma, où un groupe de journalistes se retrouvait presque invariablement, en fin de journée, pour une bière ou quelque autre consommation. C'est devenu en cours de route un bar de danseuses, où les filles (pas complètement nues) montaient sur votre table pour 5 $... Comme la plupart d'entre nous étions dans la jeune vingtaine, c'était sans doute l'un des attraits...

* Pour le petit-déjeuner, les plus anciens fréquentaient le restaurant Rainbow, rue Rideau aussi, et à l'heure du lunch certains se ruaient vers l'un des seuls fast-food du coin, un Dilallo Burger, en face du journal, où les hamburgers épais et dégoulinants modifiaient notre tour de taille en un temps record...

* À l'époque des quarts de nuit, l'heure de « lunch » était souvent passée à une arcade de machines à boules, rue Rideau encore, à moins que l'on ne saute dans une voiture pour envahir le restaurant Matador, boulevard St-Joseph à Hull, juste avant 3 heures du matin (pour pouvoir commander une bière à l'heure du last call).

La rue Hôtel-de-ville de Hull, avec le restaurant Chez Rolland à droite. C'est maintenant Place du Centre et, de l'autre côté, Place du Portage.

* Jour et nuit, une partie des troupes allait se sustenter au restaurant du maire de Hull, Le Bocage, situé sur l'ancienne rue Principale (devenue promenade du Portage). On y bouffait des mets chinois et en particulier d'excellents roulés aux oeufs... C'était ouvert 24 heures par jour... Le jour, aussi à Hull, on allait parfois au resto Chez Rolland, rue Hôtel-de-ville, ou chercher notre café chez Thériault (qui annonçait dans sa vitrine le pire café en ville...). Il y avait également, tout près, le vieil hôtel Viger...

* Et il ne faut pas oublier les attroupements à l'hôtel Chez Henri, à Hull, ainsi que ceux, encore plus fréquents parce qu'on y tenait les assemblées syndicales, à l'hôtel Chez Lucien sur le marché By, dans la Basse-Ville d'Ottawa.

* À l'époque où je travaillais de nuit au pupitre avec Claude Picher, devenu par la suite chroniqueur à l'économie à La Presse, notre quart de travail se terminait entre 6 et 7 heures du matin. Pas question de trouver un souper et une bière ou un verre de vin dans un resto à cette heure. On ouvrait alors la taverne Laurier, près du pont Interprovincial, avec une foule de « réguliers » qui commençaient leur journée avec deux grosses bières, des frites et des oeufs dans le vinaigre... Yark...

* Claude et moi (et d'autres) allions parfois, à l'heure du midi, déguster notre plat préféré, le petit cochon de lait du Little Hungarian Village, sur la rue Laurier, à Ottawa, avec une bouteille d'Egri Bikaver...

Ces endroits ont fait partie de notre quotidien pendant près d'une décennie, et même plus pour certains. Si je les mentionne, c'est qu'ils ont tous un point en commun, et j'inclus là-dedans notre principal lieu de travail, la salle des nouvelles : ils n'existent plus ! TOUS, sans exception, sont disparus.

Paul Terrien et Murray Maltais devant « le pupitre » avec les tuyaux des tubes pneumatiques sur le mur.

L'édifice du Droit a été malheureusement démoli après que l'assaut des nouvelles technologies eut modifié le processus de production. Les ateliers ont été fermés, les presses démantelées et l'impression confiée à des tiers...

Les Dilallos sont retournés à Montréal, le Rainbow, La Paloma et Little Hungarian Village ont fermé leurs portes, ainsi que Le Bocage, le Matador et nos autres adresses préférées.

Les tavernes près du pont Interprovincial ont été démolies. Le décor de la rue Rideau et du centre-ville de Hull (maintenant Gatineau) sont méconnaissables... Et sur l'emplacement de l'ancien hôtel Chez Lucien se trouvent maintenant les actuels bureaux du Droit... Ironique...

En une quarantaine d'années, tous nos vieux points de repère sont devenus des souvenirs. Il y a sûrement une morale à cette histoire...

jeudi 14 novembre 2013

Les noms de nos lieux publics. À vendre?

Je m'insurge occasionnellement, et ce depuis longtemps, contre la pratique voulant que les noms d'édifices publics, ainsi que de leurs pavillons ou salles, puissent être « vendus » au plus offrant. Pendant des années, j'ai pesté contre le fait que la succursale principale de la bibliothèque municipale dans le secteur Gatineau portait le nom « Bowater », simplement parce que cette entreprise y versait un don annuel de 20 000 $...



Après la fermeture de leur usine de Gatineau, les dirigeants de Bowater ont cessé de garnir les coffres culturels de la ville mais le nom était resté... Quand c'est devenu carrément embarrassant de laisser une appellation à la mémoire d'une compagnie qui avait déserté les lieux, la ville de Gatineau a finalement rebaptisé l'édifice « Bibliothèque Guy-Sanche » à la mémoire de notre célèbre Bobino national, originaire du secteur Hull de Gatineau. Bravo !

Récemment, il avait été question de « vendre » le nom du nouveau complexe sportif de la ville, ce à quoi je me suis opposé avec vigueur. J'espère que je n'étais pas le seul. Ces édifices ont coûté des millions et des millions à construire, et d'autres millions à entretenir, des millions qui proviennent des deniers publics - de nos taxes et impôts principalement - et je trouve un peu indécent que nos représentants élus, à quelque niveau que ce soit, puissent céder l'identité de ces oeuvres publiques à un particulier - simplement parce qu'il est riche et qu'il a des sous à donner...

Encore une fois, cette semaine, la situation se reproduit. On vient d'annoncer que le pavillon d'urgence de l'hôpital de Hull, dont l'agrandissement a coûté aux citoyens la coquette somme de 27 millions de dollars et dont le fonctionnement et l'entretien continueront à accaparer d'importantes ressources, portera le nom de Maurice Marois parce que cet homme d'affaires de l'Outaouais a accepté d'y verser un don de 500 000 $ en cinq tranches annuelles de 100 000 $.

Je n'ai rien contre M. Marois. C'est sûrement un chic type et sans doute un entrepreneur exceptionnel dans son domaine - l'électricité - et un investisseur doué. Et je n'ai rien contre le fait qu'on le remercie publiquement, qu'on lui érige une plaque au pavillon d'urgence pour que tous et toutes en prennent connaissance. Et je ne mets aucunement en doute ses motifs : l'hôpital et son personnel lui ont sauvé la vie au moins deux fois, de son propre aveu. À sa place, avoir ses sous, j'aurais fait la même chose.

Mais cela ne suffit-il pas? Son don, quoique important et fort apprécié, ne constitue qu'une petite parcelle des sommes consacrées à la remise à neuf de l'urgence hulloise et à son fonctionnement. Le reste provient principalement du trésor public - des citoyens. Il me semble que si l'on doit baptiser des pavillons comme l'urgence de l'hôpital de Hull à la mémoire d'une personne, le nom qui conviendrait le mieux serait en lien avec le domaine de la santé : un chercheur, un pionnier, etc. Et il me semble que le choix devrait être confié à un comité de toponymie (peut-être l'est-ce déjà?), comme à la municipalité.

Il y a quelques années, en 2008, le Centre de santé et de services sociaux de Gatineau a donné à sa bibliothèque médicale le nom « Centre de documentation médicale André-Paul Racine », en l'honneur d'un pionnier local des archives médicales. Cela est pleinement justifié et c'est ce genre d'appellation que les organismes publics devraient privilégier. Mais l'an dernier, quand un autre commerçant (Ernest Lafortune) de Gatineau a versé un don d'un million de dollars échelonné sur cinq ans, on lui a cédé le nom de la nouvelle urgence de l'hôpital de Gatineau... Sans commentaire...

De l'autre côté de la rivière, à l'Université d'Ottawa où j'ai repris mes études à l'hiver 2012, je suivais un séminaire de science politique au pavillon Desmarais, une tour d'une douzaine d'étages sur le campus, à proximité du canal Rideau. L'Université a nommé l'édifice pavillon Desmarais il y a quelques années après que l'homme d'affaires Paul Desmarais lui eut remis un don de 15 millions de dollars.

Malgré toute l'estime qui est due à feu M. Desmarais et à ses réalisations, et en dépit de l'importance du don (15 millions $ c'est substantiel), j'estime qu'on aurait dû commémorer le savoir et la recherche, plutôt que le commerce et la richesse d'un donateur. J'aurais très bien accepté qu'on le nomme pavillon Desmarais si l'édifice avait abrité la faculté de commerce ou d'administration des affaires, et ce, même si le magnat de Power Corporation n'avait fait aucun don à l'Université...

Enfin, même si 15 millions $ est une somme que tous jugeraient faramineuse, y compris moi, il reste que l'édifice a coûté plus de 75 millions $ et que le budget de cette université publique ontarienne avoisine le milliard de dollars par année... encore une fois, largement, des fonds publics.

Il y a, dans cette manie de donner le nom de riches donateurs à plusieurs de nos lieux publics, une suggestion insidieuse. Ces gens sont-ils des citoyens plus méritants que d'autres parce que leurs comptes de banque sont mieux nantis? C'était l'ancienne tradition dans nos pays, où il fallait jadis avoir une certaine quantité de richesse ou de propriété pour pouvoir voter. Encore aujourd'hui, il faut être propriétaire d'une quantité spécifiée de biens pour être nommé au Sénat canadien...

Mais tout en reconnaissant le travail et la contribution hors normes de plusieurs de nos entrepreneurs qui sont devenus riches par leur génie, par leur ardeur, par leurs habiletés, il y en a bien d'autres qui ont bâti leurs fortunes sur la spéculation, les marchés boursiers et les héritages...

Le « pauvre » type (pauvre au sens monétaire seulement) qui a passé des années à faire du bénévolat, à aider son prochain, à amasser des fonds pour des oeuvres comme, entre autres, les fondations hospitalières, sa contribution ne vaut-elle pas autant que celle du mécène qui frappe à la porte en offrant des centaines de milliers de dollars ?

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Et dans le secteur privé...


Dans le secteur privé, ils peuvent bien faire ce qu'ils veulent, et le font. Et cela donne des situations pour le moins loufoques au fil des ans. Ainsi, le complexe bâti pour abriter les Sénateurs d'Ottawa (les hockeyeurs, pas les politiciens du Sénat) s'appelait à l'origine Palladium, dans la ligne du thème de l'Empire romain (le logo des Sénateur compte un casque de légionnaire romain). Par la suite, en vendant le nom à des entreprises donatrices, c'est devenu tout à tour le centre Corel, la Place Banque Scotia et maintenant le centre Canadian Tire... Yark...

Dans le secteur public c'est autre chose. Ce sont nos dollars, et nos élus qui ont, entre autres responsabilités, celle de défendre l'intérêt public.

lundi 11 novembre 2013

Le 11 novembre : ne jamais oublier !

Je suis né et j'ai grandi à Ottawa, quelques kilomètres à l'ouest du Parlement canadien. Presque à distance de marche. Une bonne marche, mais tout de même... Ce que cela signifie, c'est que pour nous, du quartier St-François d'Assise de la capitale, les grandes cérémonies fédérales, pan-canadiennes, avaient une allure d'activité locale. Nous étions là. Et l'une des activités à laquelle j'ai eu l'occasion d'assister à différentes reprises, c'était bien sûr la cérémonie du Jour du Souvenir. Le 11 novembre.

Les images s'enchevêtrent depuis cette fin de matinée de novembre, sans doute dans les années 1950, où j'ai vu pour la première fois défiler des anciens combattants avec leurs médailles et leurs uniformes, et le dépôt des gerbes de fleurs au Cénotaphe, à quelques pas des édifices du Parlement. À cette époque, les anciens soldats de la Deuxième Guerre mondiale avaient à peine 30 ans. Ils étaient encore tout jeunes. Ceux de la Première Guerre mondiale arrivaient à peine à l'âge de la retraite, la mi-soixantaine. Il y avait encore, bien vivants, des vétérans de l'infâme guerre des Boers...




Aujourd'hui, il ne reste que quelques milliers de survivants des combats de la Guerre 39-45, approchant ou dépassant l'âge de 90 ans... Dans une dizaine ou une vingtaine d'années, ils seront disparus, et avec eux les mémoires vivantes du plus important conflit mondial de l'histoire humaine. Une des seules guerres justes de l'humanité. Le combat de la civilisation contre le nazisme d'Adolf Hitler. Le Jour du Souvenir ne sera plus jamais le même quand le dernier de ces valeureux combattants nous aura quitté.

Après plus de 40 ans en journalisme, on développe une carapace et une capacité de cynisme hors du commun. Mais je reste ému comme quand j'étais enfant à la vue de ceux (et parfois celles) qui ont risqué leur vie dans les zones de combat... en France, en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Italie, en Europe de l'Est, en Russie, en Afrique du Nord... et dans le Pacifique. Ils ont vu des horreurs qui ne les ont jamais quittées. Certains hésitent toujours à en parler. Ils sont moins nombreux à défiler, ce 11 novembre, mais je les salue toujours.

Ce qui m'inquiète, c'est que le souvenir de leurs exploits s'amenuise et finisse par n'être que quelques chapitres dans des livres d'histoire que les générations futures n'ouvriront à peu près pas. Il ne s'agit surtout pas de glorifier la guerre ou le militarisme, loin de là, mais ces anciens soldats ont fait un sale boulot pour que nous puissions vivre en paix. Qu'ils aient réussi ou pas à notre satisfaction ne diminue en rien la valeur de leur geste. Des milliers et des milliers y sont morts, et ces derniers survivants au pas quelquefois hésitant et aux yeux vaillants incarnent le courage de leurs compatriotes tombés au combat. 


                   Le monument « Les braves » à la plage Omaha

Cet automne, j'ai eu la chance, pour la première fois dans ma vie, de visiter les plages du débarquement, en Normandie, ainsi que les cimetières canadien et américain à proximité des plages où débuta l'assaut final contre les armées d'Hitler. J'ai aussi, avec mon épouse, visité des musées à la mémoire de la campagne de Normandie et vu les trous de balles et d'obus qui marquent toujours les murs d'édifices des centres-villes, comme au Palais de justice de Rouen.

C'était plus qu'une leçon d'histoire. C'était ressentir, sur place, des émotions qu'on ne peut que deviner en scrutant le regard chargé des anciens combattants. Marcher dans le sable des plages Omaha et Juno, regarder la mer devant, puis faire demi-tour et voir les obstacles naturels, auxquels s'ajoutaient les fortifications allemandes, que devaient franchir sous le feu de jeunes hommes qui, souvent, n'avaient même pas 20 ans. Sur Omaha Beach, de la première vague de soldats américains, 90% ont été tués ou blessés avant de traverser la plage...



Se promener dans le cimetière canadien et voir les noms et les âges sur les tombes de quelque 4 000 jeunes hommes et quelques femmes... Répéter l'exercice dans l'immense cimetière américain, où ils sont plus de 10 000... On ne peut rester insensible en pensant que le soldat Gignac d'à peine 19 ans, d'âge scolaire, aurait pu mener une vie longue et heureuse, se marier, avoir des enfants et des petits-enfants... et peut-être encore faire partie de ce défilé du 11 novembre avec les derniers survivants. Mais il a été fauché à la sortie de l'adolescence, à des milliers de km de sa famille et de son patelin, sur les plages ou dans la campagne normande... Il ne faut jamais oublier ça!



Quand les derniers anciens combattants de la guerre 39-45 seront disparus, il y aura encore ces plages de France près de Ste-Mère Église, près d'Arromanches, près de Courseulles-sur-Mer, et cet imposant cimetière canadien près du village de Reviers, où le souvenir des événements d'il y a 70 ans et des gens qui y ont participé ou en ont été témoins reste puissant. Qu'on y organise des voyages scolaires, des visites à tous âges, pour qu'on n'oublie jamais le sens du 11 novembre.

Pour avoir un jour la paix, la vraie, il faudra tous les ans un Jour du Souvenir. De fait, il en faudrait 365...

dimanche 10 novembre 2013

La charte, encore la charte...

Je m'étais juré de ne pas revenir sur le sujet de la Charte des valeurs, ayant déjà fait connaître mon appui au projet du gouvernement Marois («Assez, c'est assez», du 28 août, à http://bit.ly/17lMWqT) et les motifs pour lesquels j'appuie le principe (et son application) de la neutralité et/ou laïcité de l'État. Je n'ai pas changé d'idée là-dessus et considère que la séparation totale de l'Église et de l'État constitue l'une des principales assises des libertés individuelles. L'histoire de l'humanité en fait foi.

Mais après quelques mois de débats remplis de dérapages, je persiste à croire que certains éléments des argumentaires sont abordés de façon trop facile et superficielle. Partons de la déclaration du chef libéral Philippe Couillard, à la suite de la présentation du projet de loi par Bernard Drainville. Les gros titres parlaient d'une attaque frontale contre les droits et libertés, et de l'absence d'une démonstration du caractère d'urgence pour justifier la présentation d'un tel projet. Ces arguments résument bien le coeur de l'opposition au projet de loi 60.

Droit, libertés et responsabilités

Encore une fois, j'ai déjà exprimé l'opinion que l'interdiction de signes religieux ostentatoires au service de l'État constituait une limitation légitime et justifiable de la liberté de religion. Mais au-delà du principe, je trouve qu'on oublie trop souvent que tout droit ou liberté s'accompagne de devoirs et de responsabilités. Le droit de vote s'accompagne du devoir d'aller voter. Et la liberté de religion s'accompagne du devoir de l'exercer sans brimer la liberté des autres, et ce, dans le respect des lois (à condition que ces lois soient légitimes et adoptées dans un cadre démocratique).

Les personnes qui représentent l'État, c'est-à-dire l'ensemble de la collectivité, et dont le salaire est payé à même les deniers publics, n'ont pas que des droits. Elles ont aussi certaines responsabilités découlant du fait qu'elles incarnent, dans leurs fonctions, l'ensemble des citoyens et l'autorité gouvernementale. Le citoyen qui veut faire son épicerie peut choisir son commerce en fonction de ses goûts et préférences. Mais s'il veut obtenir un service de l'État ou s'il doit communiquer avec un représentant de l'autorité publique, ce libre choix n'existe plus.

Quand je vais à l'hôpital pour un soin, quand je me présente à un bureau régional d'un ministère, quand je dois m'adresser à un policier, quand je rencontre le directeur d'une école ou un enseignant, je n'ai plus le choix que j'aurais à l'épicerie. La personne que je rencontre est investie d'une autorité que je dois accepter et que lui confèrent nos lois, et son salaire est payé par les taxes et impôts de tous les citoyens. J'ai par contre le droit d'exiger que cette autorité soit exercée de façon à démontrer l'ouverture de l'État à tous les citoyens, peu importe leurs convictions politiques, sociales ou religieuses.

Si je dois traiter avec Monsieur Untel ou Madame Unetelle pour régler un problème relevant de l'État, je le fais, c'est mon obligation. Mais j'ai le droit d'exiger que cette personne, vu l'autorité qu'elle exerce sur moi au nom de l'État, ne m'impose pas ses propres opinions ou convictions personnelles, tant par ses paroles, ses gestes que par les signes «ostentatoires» qu'elle porte. Qu'elle soit à l'image de l'État. J'a le droit d'exiger que l'État neutre (sur le plan religieux) en ait aussi l'apparence.

Et à ces personnes qui tiennent mordicus, pour toutes sortes de motifs, à afficher leurs croyances dans leur tenue vestimentaire, je tiens d'abord à leur dire que je crois qu'elles font erreur. La véritable expression d'une foi est dans le comportement et non dans les signes extérieurs qu'on arbore. Mais au-delà de cet élément du débat, je pose la question : est-ce trop demander à une personne qui représente l'État et qui se trouve au service d'un public varié, de toutes confessions, est-ce trop lui demander de laisser ses convictions personnelles à la maison? Non!

L'État et « nous »

Un autre aspect un peu escamoté du débat sur la charte des valeurs de laïcité et de neutralité religieuse est la conception que l'on se fait de l'État. Il y a à cet égard une différence culturelle fondamentale, du moins selon ma perception, entre la culture anglo-américaine et la culture franco-québécoise. Après la conquête de 1759, les conquérants ont fait main basse sur tous les leviers de l'économie et sur l'appareil politique. Graduellement, après deux siècles, avec la Révolution tranquille, la collectivité francophone a accéléré un grand virage de reprise en main, de laïcisation et de modernisation sur tous les plans.

Alors que pour les anglophones, l'État est souvent perçu comme étranger, comme un intrus qui vient chercher les impôts et qui vient s'immiscer dans les vies privées, et qu'on doit limiter par tous les moyens possibles (on dirait aujourd'hui déréglementer), pour « nous », l'État québécois était notre seul grand outil collectif, et ce, depuis la Confédération. Le « Maîtres chez nous » des libéraux en 1962 sous Lesage et Lévesque passait par l'État. On se reconnaît davantage dans « notre » État, qu'on souhaite donc, sans doute à « notre » image...

La perception même du rôle de l'État explique peut-être une partie de l'opposition fondamentale des visions des Anglo-Québécois et des francophones quant à la charte des valeurs et sa portée. D'une certaine façon, donc, si les valeurs proposées dans la charte correspondent à l'évolution des valeurs dans la société francophone (émancipée des ancien carcans du catholicisme intégriste), elle sera plus facilement acceptée par la majorité québécoise de langue française qui voit l'État comme son émanation et comme son traditionnel coffre à outils...

L'urgence...

On parle beaucoup de la charte comme d'une solution à un problème inexistant, que les personnes touchées par l'interdiction de signes religieux ostentatoires sont peu nombreuses et que l'attitude de laissez-faire reste la meilleure. J'ai de la difficulté à comprendre la justification d'un tel argument, qui me semble dangereux même. C'est comme si on disait : ouais, on préférerait peut-être (ou pas), que telle ou telle personne ne porte pas de crucifix, de voile, de turban ou de kippa, mais il n'y en a que quelques centaines, éparpillées, et au fond ça ne change pas grand-chose. Le problème, s'il existe, finira par se régler tout seul.

L'enfer de l'histoire humaine est pavé de bonnes intentions. La séparation de l'Église et de l'État est un combat de libération qui dure depuis des siècles et des siècles. Et malheureusement, les humains ont trop souvent la mémoire courte et un sens très local de la géographie. Une étude des grands courants d'intégrisme religieux démontre les horreurs commises par les États au nom des différentes conceptions de Dieu. Des croisades à l'inquisition, des anciennes persécutions aux intégrismes contemporains, ce qui a toujours commencé par un « petit » problème est souvent devenu tragédie humaine.

On a l'impression qu'ici, vu nos traditions de liberté et de démocratie, que nous sommes à l'abri du sectarisme et de l'intégrisme. Peut-être. Mais il n'y a pas de tort à bétonner les constitutions et les lois fondamentales pour s'assurer que les relents des anciens intégrismes disparaissent et que les tentacules des nouveaux ne prennent pas racine ici. Et l'une des façons, c'est d'affirmer sans équivoque la neutralité religieuse de l'État - ainsi que de ses représentants.

Et à ceux qui pensent que la question est largement réglée sans charte, je dirais qu'au-delà du débat pertinent sur le voile, le kippa, le turban et le crucifix, nous n'avons pas fini le ménage de nos vieux symboles religieux toujours accrochés à nos murs et à nos lois. La Constitution canadienne de 1982 affirme dans sa première phrase « la suprématie de Dieu », plutôt que la suprématie du peuple. Or, Dieu, auquel je crois, me considérant catholique, est un concept auquel une proportion appréciable de la population ne croit pas et dont aucun juriste constitutionnel ne peut prouver l'existence...

Par ailleurs, notre constitution nous impose non la souveraineté du peuple, mais la souveraineté d'un monarque, Élizabeth Windsor, qui est aussi chef de l'Église anglicane et dont le trône est interdit par la loi britannique aux catholiques. Et on tolère ça...






jeudi 7 novembre 2013

Here comes the judge...

Je pensais avoir tout entendu... et voilà qu'arrive dans le décor le juge Stanley Kershman, d'Ottawa...

Dans une cause qui oppose un père francophone à une mère unilingue anglophone (le litige porte sur le choix de l'école de leur enfant), ce juge de la Cour supérieure de justice de l'Ontario s'appuie sur trois faussetés évidentes pour donner raison à la mère, qui veut envoyer l'enfant en immersion française dans une école anglaise, plutôt qu'à une école de langue française.

Selon l'article du Droit, il affirme :

1. que la ville d'Ottawa n'est pas un environnement linguistique minoritaire. Or, les francophones n'y forment que 14% de la population et le taux d'assimilation oscille près du tiers des effectifs...

2. qu'Ottawa est une ville officiellement bilingue. N'allez surtout pas dire ça au maire Jim Watson, qui refuse catégoriquement toutes les demandes de statut bilingue pour la capitale du pays. Ottawa est une ville anglaise qui offre des services en français.

3. que rien ne démontre que l'enfant s'assimilerait en immersion dans une école anglaise. Allez parler de ça aux conseils scolaires de langue française et ils vous expliqueront sans hésiter la différence, pour l'identité culturelle d'un élève, entre fréquenter une école française et une école anglaise...

Ces erreurs sont grosses au point d'être insultantes. On pourrait toujours excuser un peu le juge Kershman, dont l'expertise semble être surtout en droit de la faillite et de l'insolvabilité, mais selon un article biographique, il a passé toute sa vie à Ottawa. N'a-t-il pas des yeux pour voir, des oreilles pour entendre?

Ce qu'il veut nous faire avaler, c'est que blanc c'est noir, et que le jour c'est la nuit... 


mercredi 6 novembre 2013

La persécution des Franco-Manitobains...

Les Anglo-Québécois n'ont aucune idée des injustices subies par les francophones hors-Québec depuis la Confédération. D'abord, ça ne les intéresse pas beaucoup et secundo, de toute façon, leurs médias n'en parlent jamais... À l'occasion, ils se font lancer quelques manchettes, avec des textes tout croche, qui ne font qu'augmenter leur hostilité à l'endroit des francophones. Des incidents tels ce Franco-Ontarien Michel Thibodeau qui exigeait de pouvoir se faire servir son 7up en français dans un avion d'Air Canada et qui a porté l'affaire devant les tribunaux, suscitant une colère haineuse...

Les Anglo-Québécois n'ont jamais vu leurs droits scolaires abolis, comme cela fut le cas pour les francophones partout ailleurs au pays. Ils ne peuvent s'imaginer ce que cela peut être, de se voir obligé d'envoyer ses enfants dans une école qui les assimile, au lieu les aider à consolider leur identité culturelle. Ils n'ont jamais été confrontés à un gouvernement provincial qui proclamait ouvertement son hostilité à leur endroit. Et ils n'ont pas eu à subir, pendant plus d'un siècle, dans leurs communautés, dans leurs villes et villages, les préjugés et l'intolérance de la majorité.

Pour les Franco-Ontariens et les Acadiens du Nouveau-Brunswick, plus près du Québec et en nombres supérieurs, la situation était sans doute moins intolérable. Mais plus on s'éloigne du Québec, plus la distance et l'isolement qui en résulte rendent les minorités vulnérables. Ce n'est pas un hasard si certaines des décisions les plus importantes pour les droits scolaires des francophones résultaient de contestations entreprises par des Franco-Albertains et des Franco-Manitobains dans les années 1980. Dans l'Ouest, les autorités provinciales ne faisaient pas de quartier...


                        Le drapeau du Manitoba

Cela fait d'ailleurs 20 ans, cette année, que la Cour suprême a rendu sa décision dans une cause amorcée en 1985 par la Fédération des comités de parents du Manitoba, et dont l'effet fut de confirmer le droit des Franco-Manitobains à des établissements d'enseignement distincts, gérés par un conseil scolaire francophone autonome. Il s'agissait par ailleurs d'un jugement qui eut force de loi dans toutes les provinces à majorité anglophone...

En contestant les revendications des francophones devant la Cour suprême, le gouvernement provincial conservateur de l'époque, dirigé par le sinistre Gary Filmon, lançait un message clair à sa minorité de langue française, écrivait un ancien directeur de l'information du quotidien Le Droit, Adrien Cantin, en décembre 1992.  L'intention était « de boucler à court terme la boucle du génocide linguistique et culturel entrepris contre la population franco-manitobaine en 1890 ».

S'il n'en tient qu'à M. Filmon, poursuivait l'analyste du Droit, les enfants et petits-enfants franco-manitobains ne parleront plus leur langue d'ici le milieu du 21e siècle. Mais doit-on s'en suspendre, ajoutait M. Cantin, « dans une province où depuis plus de 100 ans, on cherche systématiquement à éliminer les francophones »?

S'imagine-t-on comment cela a pu se traduire dans le quotidien de la collectivité francophone du Manitoba? Voici une lettre publiée dans Le Droit et signée Pauline Tétrault, à la même époque :

«Je suis née à La Broquerie*, au Manitoba dans un petit village à 98% francophone à l'époque. J'ai fait toutes mes études en anglais seulement... J'ai vécu mon enfance dans la crainte et la peur des inspecteurs anglophones protestants qui visitaient nos écoles régulièrement. Nous devions cacher tous nos livres et cahiers de français avant leur arrivée afin d'éviter de sévères sanctions.

J'ai donc décidé, il y a 25 ans, de venir vivre au Québec afin de ne pas m'assimiler. Je veux tout simplement dire aux anglophones du Québec qu'ils sont chanceux et devraient être très heureux de vivre dans un Québec accueillant où tous leurs droits sont respectés et non bafoués comme les miens l'ont été au Manitoba. C'est pour cette raison et beaucoup d'autres que je veux vivre dans un Québec français et bientôt souverain. »

Quelques semaines auparavant, un immigrant d'origine allemande avait ajouté son témoignage, rapporté dans le quotidien La Presse. Âgé de 76 ans, Sigfried Kleinschmidt avait quitté Winnipeg en 1991 pour venir s'installer au Québec avec une seule idée en tête : oeuvrer pour la souveraineté du Québec. Lui et sa femme d'origine française avaient habité au Manitoba de 1953 à 1991 :

« Là, disait-il, je dois vous dire que j'en avais plein le dos d'entendre les francophones se faire traiter de "crazy Frenchmen" et ma femme était fatiguée de se faire dire "speak white". Laissez-moi vous dire que je suis venu ici pour faire la souveraineté, ce qui signifie sortir de la Constitution canadienne avec honneur et dignité. »

Les réactions n'ont pas toutes été aussi « vigoureuses » que celles de Mme Tétrault et M. Kleinschmidt. La plupart ont soit souffert en silence ou ont choisi de lutter sur place, mais des milliers d'autres ont fini par adopter, de guerre lasse, la langue et la culture anglaises. En 1971, selon le recensement fédéral, il y avait environ 60 500 Manitobains de langue maternelle française, dont 39 500 conservaient le français comme langue d'usage à la maison.

En 2011, il ne reste que 42 000 Manitobains de langue maternelle française, dont à peine 18 000 indiquent le français comme langue d'usage à domicile. Heureusement, s'ajoutent aux parlant français quelque 60 000 anglophones bilingues, et la collectivité franco-manitobaine dispose d'institutions et d'organisations assez dynamiques. Mais la menace plane, et au rythme de l'érosion des effectifs, les sombres desseins de M. Filmon risquent toujours de se réaliser...

Et pendant ce temps-là, les Anglos du Québec se plaignent le ventre plein...


* La Brocquerie, selon le recensement de 2011. Population totale : 5198. Langue maternelle : anglais (2390), français (850), allemand (1420). Langue parlée le plus souvent à la maison : anglais (3075), français (660), allemand (1040).



mardi 5 novembre 2013

100 ans... 150 ans... rien à célébrer !

Il ne passe guère une semaine, ces temps-ci, sans que quelqu'un, quelque part, amorce des préparatifs en vue des célébrations du 150e anniversaire de la Confédération canadienne, en 2017. Dans la région de Québec, on parlait déjà, dans Le Soleil d'aujourd'hui, de « fêtes grandioses »... Quant à la région de la capitale fédérale - dont ma ville, Gatineau, fait partie - on peut sans doute s'attendre à un véritable déluge d'activités festives et de cérémonies de tous genres dans le cadre du centcinquantenaire...

Mais qu'allons-nous « fêter », au juste ? Je peux comprendre les anglophones qui voudront exprimer leur fierté d'avoir bâti un pays à leur image. Mais pour nous, francophones (Québécois, Acadiens, Canadiens français), que signifient ces 150 années d'histoire? Si on se donne le moindrement la peine de se renseigner, on ne trouvera pas beaucoup de raisons de se réjouir. À la limite, nous pourrions souligner avec beaucoup de force 150 ans de résistance et de luttes inachevées, au Québec et dans les provinces à majorité anglophone, et cela serait sans doute utile. Mais pas plus !

Je me souviens, il y a près d'une cinquantaine d'années, des préparatifs du centenaire de la Confédération. J'étais franco-ontarien et étudiant à l'époque. Les francophones de l'Ontario avaient subi toutes les injustices imaginables depuis le début du siècle. Nous n'avions même pas d'écoles de langue française au primaire, au secondaire, au collégial et à l'universitaire alors que les Anglo-Québécois avaient absolument tout depuis 1867.... Et pourtant, il se trouvait des tas de citoyens ontariens de langue française prêts à fêter ce que nous (un groupe de jeunes, plus militants) appelions sans hésitation « cent ans d'injustice ».

Un billet de banque de 1967 sur lesquels les mots «100 ans d'injustice» sont étampés...  

Au Québec, le centenaire de la Confédération a cédé l'avant-scène à l'Expo 67 et, avec la fébrilité de la fin de la Révolution tranquille, conjuguée à la montée du mouvement indépendantiste, l'engouement espéré par Ottawa pour les célébrations du centenaire fut passablement mitigé. Que se passera-t-il d'ici 2017 ? Encore une fois, Ottawa et ses alliés voudront nous embrigader dans des festivités tous azimuts, et de nombreux francophones se feront volontiers leur porte-étendard. Alors il faudra que quelqu'un, chez nous, soit vigilant et se charge constamment de donner l'heure juste.

L'opposition que je souhaite à ces célébrations ne doit pas seulement émaner des mouvements souverainistes. Les véritables fédéralistes ont aussi peu de motifs de réjouissance que les indépendantistes. Ceux et celles qui se disent partisans d'un régime fédéral doivent comprendre qu'une fédération vraie repose sur un respect des compétences de chaque ordre de gouvernement, sur le respect aussi des nations qui la composent ainsi que sur la protection des minorités. Or, ici, depuis le début, le pouvoir central s'immisce dans les juridictions provinciales et tente de jouer un rôle dominant; la nation québécoise/canadienne-française et la nation acadienne ont dû constamment lutter pour un semblant d'égalité; et la seule minorité qui a été largement favorisée par la Confédération a été l'anglo-québécoise.

Dans le demi-siècle qui a suivi la mise en place de la Confédération, les provinces à majorité anglophone ont toutes, sans exception, supprimé les droits scolaires des francophones sur leur territoire, et il a fallu près d'un siècle de luttes politiques et judiciaires pour les récupérer. Après des décennies de guerres d'usure, les minorités francophones avaient perdu la moitié de leurs effectifs à l'assimilation, pendant que les Anglo-Québécois assimilaient plus que leur part d'immigrants et même des francophones de souche...

Ottawa a utilisé ses forces armées pour réprimer les métis francophones sous Riel en 1869 et en 1885. Ils ont pendu Riel lors d'un procès où l'issue était ordonnée. L'armée a de nouveau envahi un territoire francophone, le Québec cette fois, durant la Première Guerre mondiale lors de la 1ère crise de la conscription. Et de mon vivant, j'ai vu - et couvert comme journaliste - l'invasion du Québec par l'armée canadienne en octobre 1970, et vu des centaines d'innocents jetés en prison sans procès. Tout ça pour une poignée de terroristes assassins du FLQ...

La capitale du pays, Ottawa, est un milieu anglicisant depuis 1867, tant au niveau municipal que dans la fonction publique fédérale où les francophones se font assimiler en douce tous les jours. Il a fallu des luttes pour avoir des timbres et de l'argent bilingue.... Incroyable ! Et encore aujourd'hui, d'année en année, le Commissaire fédéral aux langues officielles déroule sa litanie de lacunes... et comme par hasard, elles touchent invariablement les francophones...

N'oublions pas le rapatriement de 1982, et la nuit des longs couteaux qui l'a précédé. La Constitution de 1982, y compris la Charte, est dirigée contre la « société distincte » que même les fédéralistes québécois réclamaient. On en subit toujours les séquelles. Depuis ce temps, entre autres, le gouvernement ontarien a tenté de « fermer » le seul hôpital francophone d'Ottawa (l'affaire Montfort), la Loi 101 a été taillée en pièces, le gouvernement de Nouvelle-Écosse a aboli les circonscriptions acadiennes protégées et la Cour suprême - de plus en plus à l'image des conservateurs - se donne des airs menaçants pour la francophonie et le Québec.

Il y aura une élection en 2015 au fédéral, et sans doute une élection au Québec l'an prochain. Des choses pourraient changer. Il faut l'espérer. Mais entre-temps, foutez-nous la paix avec votre 150e anniversaire de la Confédération. Quand nous aurons une fédération authentique où la nation québécoise et la francophonie seront toujours respectées ou, mieux, quand nous aurons un nouvel arrangement constitutionnel où les deux nations pourront, sauf pour ce qui sera mis en commun à Ottawa, davantage voler de leurs propres ailes, alors peut-être, je célébrerai...


lundi 4 novembre 2013

Apprêtez-vous à entendre parler de Maxime Pedneaud-Jobin !

À entendre les reportages d'élections municipales à la télé de Radio-Canada, dimanche soir, on n'aurait jamais pu deviner que Gatineau (population : 265 000 en 2011) est la quatrième ville en importance au Québec après Montréal, Québec et Laval. Il se passait des choses intéressantes dans le coeur urbain de l'Outaouais... mais pour s'en rendre compte, il faudrait commencer par convaincre les grands réseaux médiatiques que Gatineau est aussi québécoise que Saguenay, Sherbrooke et Trois-Rivières, et bien plus influente que des localités de 20 ou 30 000 habitants de la couronne montréalaise...

Le secteur Buckingham de M. Pedneaud-Jobin est le petit bloc (no. 18) à l'extrémité nord-est de Gatineau.

Enfin, passons... nous sommes habitués... Il reste que l'élection de Maxime Pedneaud-Jobin à la mairie de Gatineau constitue un événement digne de mention, même dans la métropole et dans la Vieille capitale. Non seulement a-t-il comblé le retard de plus d'une quinzaine de points que lui attribuait le plus récent sondage (19 octobre), mais il en a ajouté 16 de plus et obtenu près de 53% des votes exprimés. Le maire sortant, Marc Bureau, que tous croyaient gagnant, n'a pu faire mieux que 36% des voix...

Au-delà des motifs ponctuels de ce revirement - entre autres, le fiasco du Rapibus (nouveau système de transport express par autobus, au coût de 255 millions $, inauguré en pleine campagne) et le refus du maire Bureau de participer à des débats avec ses adversaires (et même de faire campagne) - l'élection de M. Pedneaud-Jobin constitue un jalon important de la courte histoire du grand Gatineau.

La présence des partis politiques sur la scène municipale fait partie du train-train quotidien des Montréalais mais ici, c'est du nouveau. Il y a déjà eu quelques tentatives avant les fusions de 2002, mais elles ont été de courte durée. Cette fois, le parti Action-Gatineau que dirige M. Pedneaud-Jobin s'est donné une base solide de 1 400 membres actifs et un programme de gouvernement que les Gatinois ont eu la chance d'évaluer (pour ceux et celles qui ont pris le temps de le faire).

La preuve de l'impact d'Action Gatineau réside dans la performance de son candidat à la mairie. Le parti n'a peut-être raflé que quatre des 18 districts électoraux, mais Maxime Pedneaud-Jobin a dominé ses trois adversaires dans 17 des 18 districts. C'est un exploit en soi, pour un candidat ouvertement indépendantiste (pas du tout un avantage ici...), chef d'une coalition arc-en-ciel, provenant d'un quartier périphérique dans l'extrême est de Gatineau. Son beau-père est d'ailleurs l'ancien premier ministre péquiste Bernard Landry.

Traditionnellement, les candidats sérieux à la mairie devaient s'assurer des assises solides dans les deux grands centres de population, soit les secteurs des anciennes villes de Hull et Gatineau (pré-fusion). Ainsi, en 2001, c'était Yves Ducharme (élu), de Hull, contre Robert Labine, de Gatineau. Puis Marc Bureau, aussi de Hull, a triomphé en 2005 contre M. Ducharme et en 2009 contre des adversaires des secteurs Hull et Gatineau.

Jamais on aurait pensé qu'un candidat du secteur Buckingham (Vallée de la Lièvre) puisse concurrencer les poids lourds du centre-ville du grand Gatineau. Le fait que M. Pedneaud-Jobin, ancien conseiller du secteur Buckingham, ait réussi atteste de la force d'Action-Gatineau et de sa prestation personnelle auprès de la population. Peut-être la fusion de 2002 est-elle enfin consacrée avec son élection, les gens d'Aylmer, Hull et Gatineau pouvant voir en un ex-conseiller de Buckingham une figure de proue digne de représenter l'ensemble de la métropole outaouaise.

Sur ce plan, on peut noter que l'opposition la plus farouche à la fusion de 2002 provenait du secteur Masson-Angers, voisin de Buckingham, et que le conseiller anti-fusion de l'époque, Luc Montreuil, a mordu la poussière en 2013, devancé par ses deux adversaires...

La présence d'un maire tel que Maxime Pedneaud-Jobin à la Maison du Citoyen (l'hôtel de ville de Gatineau) changera la donne municipale, régionale... et peut-être bien québécoise. Il fait un peu intellectuel mais a démontré qu'il peut joindre efficacement le grand public. C'est un politicien de talent, ayant une vision politique articulée, capable d'affronter les défis qui l'attendent. On parlera bientôt de lui à l'extérieur de l'Outaouais... peut-être même sur la scène nationale.

Comparé aux maires élus de Montréal et Québec, c'est un vent de renouveau et de fraîcheur.




dimanche 3 novembre 2013

1963... « Les Anglais s'excitent ! »

L'avantage d'avoir 67 ans, c'est que les «ménages» occasionnels dans nos paperasses nous font brasser des «traîneries» vieilles d'un demi-siècle ou plus. Hier soir, en vidant une boîte de documents, je suis tombé sur une édition d'automne 1963 de journal Matric, le bulletin étudiant de l'ancienne école secondaire de l'Université d'Ottawa, que j'ai fréquentée.

Cette édition ne m'appartient même pas, puisque j'avais terminé mon secondaire en juin, cette année-là. Elle appartient à mon frère, d'un an mon cadet. Mais un article m'a fait sourire, étant donné que j'avais moi aussi assisté à l'événement dont il est question comme étudiant en pré-universitaire à l'Université d'Ottawa, en octobre 1963. Il y a donc 50 ans de cela.

Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un journal étudiant bilingue (l'école accueillait des étudiants francophones et anglophones) et que l'auteur de l'extrait du texte que je reproduis est sans doute franco-ontarien. Et pourtant, à lire ce compte rendu, on se rend compte qu'en 50 ans, certaines attitudes anglo-canadiennes anti-québécoises et anti-francophones ont à peine évolué...

L'article parle du match annuel du « panda » entre les équipes de football de l'Université d'Ottawa et de l'Université Carleton (également de la capitale fédérale). Le match de 1963 avait lieu sur le terrain de Carleton, nécessairement, étant donné la tournure vinaigrée des événements... L'article signé Robert Smith s'intitule : « Les Anglais s'excitent ! »

« Samedi le 12 octobre, j'ai vécu une des plus révoltantes expériences de ma vie, lorsque je suis allé à la partie de football alors que les Gee-Gees de l'Université d'Ottawa rendaient visite aux Ravens de l'Université Carleton.

Premièrement, quand mes amis et moi sommes arrivés avec un groupe d'étudiants de l'Université d'Ottawa, les estrades étaient déjà comblées d'étudiants de Carleton. Ceux-ci nous accueillirent en nous criant des insultes telles que « The frogs are coming ! »

À la toute fin du deuxième quart, une centaine d'étudiants portant les vestes rouges de Carleton arrivèrent en courant sur le champ, brandissant un grand drapeau aux fleurs de lys de la province de Québec. On ne savait pas ce qui se déroulait alors.

Peu après, un élève se promenait avec le drapeau québécois en flammes. Aussitôt, une foule de garçons de nos facultés dévalèrent les estrades et s'élancèrent à la poursuite du groupe de Carleton qui prenait visiblement plaisir à cette insulte magistrale.

Plusieurs autres étudiants vinrent aider leurs confrères. Des batailles ici et là éclatèrent jusqu'à la fin de la joute.

Peu après qu'on eut mis feu au drapeau du Québec, on entendait des cris d'encouragement venant de la partie des estrades résrvée aux étudiants de Carleton. On était dégoûté de voir ça... »

Voici la caricature qui accompagnait le texte :



Comme quoi l'initiation politique, pour un jeune francophone, peut parfois commencer sur un terrain de football à Ottawa...

samedi 2 novembre 2013

Cour suprême: crédibilité menacée, légitimité en péril...

La Cour suprême du Canada est en train de perdre plus que sa crédibilité. Désormais, sa légitimité est en cause. Le premier ministre Stephen Harper, abusant des pouvoirs déjà excessifs qui lui sont conférés de nommer les juges du plus haut tribunal du pays, n'hésite même plus à charcuter la Loi de la Cour suprême pour arriver aux nébuleux objectifs qu'il semble s'être fixés.

Depuis qu'il est au pouvoir, il a désigné deux juges unilingues anglais, Marshall Rothstein (2006) et Michael Moldaver (2012), consacrant ainsi une discrimination systématique contre les juristes et justiciables francophones qui ne peuvent se faire comprendre - contrairement aux anglophones - de l'ensemble des neuf juges, à moins d'utiliser les services d'un interprète. Que cela soit une injustice évidente ne semble aucunement déranger le gouvernement actuel...

Assiste-t-on à un virage de la Cour suprême dans son attitude envers les droits des francophones depuis la nomination de ces deux juges unilingues? La décision récente (juillet 2013) de refuser la mise en preuve de documents en français dans les causes civiles de Colombie-Britannique constitue une mise en garde pour tous les francophones du pays, y compris ceux du Québec. Vous n'êtes plus nécessairement les bienvenus devant cette cour...

Et voilà que, faisant fi de l'article 6 de la Loi sur la Cour suprême qui stipule qu'au moins trois juges doivent provenir de la Cour d'appel ou de la Cour supérieure du Québec (des juges également choisis par Ottawa), le premier ministre Harper nomme un juge de la Cour fédérale et de la Cour d'appel fédérale, Marc Nadon, un résident de l'Ontario par surcroit ! Pour sauver les meubles, s'il est encore temps de les sauver, les juges de la Cour suprême doivent indiquer sans hésitation à M. Harper que sa démarche est illégale et que la présence de M. Nadon entachera encore davantage la réputation de la Cour...

Je n'aurais pas voulu que le dossier de l'hôpital Montfort aboutisse devant la Cour suprême telle qu'elle est présentement constituée... Les Franco-Ontariens n'auraient peut-être plus d'hôpital bien à eux dans la capitale canadienne... Je crains que les paroles de Maurice Duplessis, qui comparait la Cour suprême à la Tour de Pise (elle penche toujours du même côté...), puissent s'avérer prophétiques. Les dossiers concernant la Loi 101 et la future charte québécoise des valeurs frapperont désormais un mur de béton si on ne permet même pas aux Franco-Colombiens de présenter des preuves dans leur langue...

Le fait, pour une fédération, de confier la nomination du plus haut tribunal constitutionnel au seul premier ministre fédéral constitue déjà un vice de fond. Un véritable respect du fédéralisme exigerait un partage des responsabilités entre l'autorité centrale et les États fédérés quand vient le temps de choisir les juristes qui serviront d'arbitre entre les deux niveaux de juridiction. Ici, les dés sont pipés et la présence prolongée d'un premier ministre sans scrupule scelle le sort des provinces... et notamment celui du Québec.

Faute de pouvoir espérer un changement de cap des conservateurs, Québec (peu importe le parti au pouvoir) doit remettre en question la légitimité actuelle de la Cour suprême et exiger pour les provinces un droit de participation au processus de nomination des juges. Québec doit aussi rappeler que le rôle constitutionnel actuel de la Cour suprême résulte de l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982 et que cette charte, ainsi que le rapatriement dont elle fait partie, ont été adoptés sans l'accord du Québec.

Le Québec n'est pas une province comme les autres. C'est aussi une nation, et l'État qui représente l'immense majorité des francophones du pays. Cette constitution qui permet à la Cour suprême de nous encarcaner, c'est essentiellement l'oeuvre de la nation anglo-canadienne et si elle n'a pas été dirigée immédiatement contre nous, c'est que les juges des années 1980 et 1990 ont - par leurs décisions - valorisé les demandes de francophones et redonné à la notion d'une société distincte québécoise quelques lettres de noblesse...

Cette époque est maintenant terminée et la cour de Stephen Harper risque d'être aussi inflexible envers les francophones et le Québec que celle que Pierre Elliott Trudeau aurait sans doute souhaitée il y a une trentaine d'années... Il ne restera guère plus que la clause « nonobsant » pour nous protéger... à moins que dans un mouvement de solidarité salutaire, les Québécois se dressent une fois pour toutes devant un système constitutionnel où tous les atouts sont trop souvent détenus par le pouvoir central...












vendredi 1 novembre 2013

Un petit conseil au « Unity Group »...

Ainsi des membres du « Unity Group » de Montréal (renforcés par un contingent de Toronto et de l'Outaouais) viendront manifester à Gatineau, la semaine prochaine, pour dénoncer l'employé de l'hôpital de Hull qui avait récemment ordonné à un patient anglophone très malade de lui parler français. La citation rapportée dans le quotidien Le Droit  est celle-ci : « Parles pas en anglais ici. On est au Québec. Parle-moi en français. »

Je n'ai pas l'intention de défendre le comportement de cet employé. S'il s'avère, après une enquête que je souhaite diligente, qu'il a vraiment agi ainsi, je souhaite qu'on lui impose une sanction conforme à la gravité du geste commis. Le patient en question, atteint d'un cancer en phase terminale (il est décédé aujourd'hui, vendredi 1er novembre), n'avait surtout pas besoin d'un sermon « linguistique ». Il avait le droit d'être servi dans sa langue, et à ce chapitre, le Centre de santé et des services sociaux de Gatineau (CSSSG), dont l'hôpital de Hull fait partie, a un dossier exemplaire.

Cela dit, je trouve agaçante l'attitude du « Unity Group » qui s'amène ici avec ses gros sabots pour dénoncer un incident isolé qui ne reflète aucunement la situation générale en Outaouais, où les anglophones sont bien mieux traités que les Franco-Ontariens de l'autre côté de la rivière. S'il fallait que les membres du « Unity Group » s'intéressent aux injustices linguistiques en général dans ce beau et grand bilingue pays, ils passeraient leur temps en avion, en autobus et en voiture dans les provinces à majorité anglophone où les parlant français peinent, année après année, à obtenir une gamme relativement complète de services publics dans leur langue.

Mais non, ils s'amèneront à Gatineau où je leur souhaite un accueil des plus froids, à la mesure de leur manque de jugement. Autant je sympathise avec le regretté John Gervais (la victime anglophone de l'incident en question), autant je peux comprendre, sans les approuver, les réactions parfois excessives de francophones qui vivent dans un milieu où leur langue est la plus menacée des deux... même en Outaouais.

Nous avons été habitués au fil des générations à un bilinguisme à sens unique dans la région de la capitale fédérale. Trop souvent, des deux côtés de la rivière, les francophones parlent anglais aux anglophones, et les anglophones ne parlent qu'anglais aux francophones. À Gatineau, l'anglophone qui se présente dans une institution ou un commerce s'adresse normalement en anglais et s'attend à ce qu'on lui réponde dans sa langue. À Ottawa, le francophone dans une situation similaire, quand il ose demander à se faire servir en français, se fait trop souvent répondre Sorry, I don't speak French... et parfois bien pire.

Ça devient enrageant pour les francophones d'ici, à la longue... Mais ça, ça n'intéresse probablement pas le Unity Group... J'ai regardé leur site Facebook, et ils me semblent faire partie de la frange extrémiste anglo-québécoise... le genre d'allié que je ne voudrais certainement pas si j'étais un anglophone de l'Outaouais....


Alors à ces gens, je dirais... informez-vous avant de vous déplacer à Gatineau... Vous avez bien sûr le droit de manifester ici comme tout le monde... c'est un pays libre... mais vous nous excuserez de ne pas applaudir. M. Gervais a malheureusement été obligé de subir, dans les dernières semaines de sa vie, ce que des milliers de francophones avaient vécu avant lui dans des hôpitaux ontariens de cette région. Et quand cela arrive à l'un ou plusieurs des nôtres, il n'y a pas de manchettes dans les médias, et pas de manifestants pour appuyer leurs droits linguistiques...

Vous semblez suggérer par vos paroles et gestes, tant sur le plan linguistique que par rapport au projet de charte des valeurs, que les Québécois francophones sont intolérants et racistes. Si c'est réellement votre intention, vous avez tort. L'intolérance et le racisme, au Québec et ailleurs au Canada, ce sont les francophones qui l'ont bien davantage subie depuis plus de 200 ans !